Les Emmy Awards récompensent Shogun et Mon petit renne

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FocusVif.be Rédaction en ligne
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La cérémonie des Emmy Awards a décerné sa farandole de prix ce dimanche 15 septembre. Parmi les grands gagnants, on retrouve les séries Shogun, The Bear, Mon petit renne, Hacks et True Detective dont on vous disait déjà le plus grand bien. Revue des troupes et palmarès complet en fin d’article.

Mon petit renne: le nouveau hit Netflix

Protagoniste de Mon petit renne (Baby Reindeer en VO) Donny est un aspirant comédien qui, en attendant que son spectacle de stand-up emporte l’adhésion, sert des bières dans un pub quelconque de Londres. Donny est affublé d’un sens aigu de l’observation, proportionnel à sa gentillesse et sa sollicitude. Aussi lorsque l’atypique Martha débarque au comptoir, visiblement perturbée et en proie à un profond chagrin, il lui offre une tasse de thé. L’acte de naissance d’une amitié atypique qui devient lentement inconfortable et asymétrique puis carrément intrusive. Martha met la main sur son adresse mail et lui envoie des messages aussi nombreux qu’intempestifs et imprévisibles. Toutes les nuits. Rythmant en lettres blanches sur fond noir le chapitrage des épisodes, ils nous montrent l’obsession grandissante de 
l’expéditrice pour son objet. Et s’achèvent par l’appendice bien connu: « envoyé depuis mon iPhone« . Sauf que, comme va le remarquer Donny, Martha ne possède pas d’iPhone. Ce n’est pas l’unique occurrence d’un contexte oppressif qui va entraîner Donny dans une spirale horrifique, copieusement nourrie par l’alliance entre sa tendance autodestructrice et la fascination collante et grandissante de Martha.

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Notamment scénariste pour Sex Education, Richard Gadd a puisé dans son expérience personnelle pour tirer le suc de cette histoire de stalking prenante, déroutante, complexe. Avec Jessica Guning dans le rôle de Martha, il fonde un duo qui déploie une palette de situations des plus touchantes aux plus inquiétantes, sans que jamais le scénario ne fasse l’économie de ses sursauts, ses coups de théâtre ou de pression. Ce récit, dans sa déclinaison de l’arroseur arrosé, jette ostensiblement le trouble dans les stéréotypes pour permettre de comprendre la mécanique humaine.

La description de la spirale perverse et horrifique dans laquelle Donny se retrouve entraîné est d’une efficacité infernale et Gadd prend toutes les peines nécessaires pour les replacer dans une description systémique qui inclut, dans le désordre: les réactions incrédules ou moqueuses de l’entourage, la honte qui traverse les corps et les couples hors norme, l’incapacité des autorités policières de se saisir d’une situation à laquelle ils accordent peu de foi, l’impréparation collective à aborder ces problématiques, accompagnée d’une cécité problématique qui ignore dans le même mouvement traumas, souffrance mentale et drogues, solitude urbaine, body shaming et pression sociale. Les réalisatrices Josephine Bornebusch et Weronika Tofilska prolongent visuellement le regard atypique de Gadd, lorgnant le glauque, l’isolation et l’horreur glaçante. Et prennent soin de prolonger le goût amer, métallique dans la bouche des spectateurs tout au long de sept épisodes puissamment évocateurs. Cette minisérie a donc été récompensée à juste titre lors de la dernière cérémonie des Emmy Awards qui a lieu le dimanche 15 septembre, raflant pas moins de quatre récompenses dont la « Meilleure minisérie », le « Meilleur scénario », le « Meilleur acteur dans une minisérie » et enfin le « Meilleur second rôle féminin dans une minisérie ».

À la recherche du nouveau Shōgun sur Disney+

Shōgun, le roman de James Clavell sorti en 1975, et son adaptation en télé cinq ans plus tard ont rencontré un immense succès. La série, portée par Richard Chamberlain, est devenue un phénomène, un modèle de télé prestige. Le récit, devenu iconique et d’une influence considérable, était celui de John Blackthorne, marin échoué au large du Japon, aux prises avec une culture qu’il méconnaît totalement, et avec l’église catholique en pleine tentative d’OPA sur l’archipel. L’épopée initiatique de son ascension auprès du seigneur Yoshii Toranaga, qui en fait son allié de circonstance pour faciliter son accession au pouvoir suprême, a entrouvert les yeux de l’Occident sur la société nippone.

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Pourtant, des pans entiers de dialogues en japonais n’y étaient même pas traduits ni sous-titrés, laissant l’impression, a posteriori, d’un récit un rien ethnocentré. S’attaquer à un tel monument était donc nécessaire aux yeux de Justin Marks (scénariste de Top Gun: Maverickcréateur de Counterpart avec J.K. Simmons) et Rachel Kondo, auteurs de cette nouvelle mouture pour FX et Disney+. Leur Shōgun est un spectacle visuel absolument abouti. Réflexion minutieuse et accessible sur la géopolitique et l’équilibre des représentations, porté par un casting virtuose, il jette les bases d’un nouveau modèle de storytelling, qui ne perd rien, bien au contraire, de sa dimension spectaculaire.

Hacks (saison 2): une série netflix à binger

On retrouve avec joie dans Hacks la collaboration délicate entre 
Deborah Vance, star du showbiz sur le déclin, et Ava Daniels, jeune scénariste talentueuse mais aussi très douée pour les bourdes. La 
dernière date de la fin de la première saison: un mail gratiné sur les tares de Deborah selon elle, rédigé alors qu’elle était sous l’emprise de médicaments, de l’alcool, et particulièrement remontée contre la star. Deborah n’en sait rien, mais Ava va craquer, et lui révéler la teneur du fameux mail.

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Leur tournée à travers les États-Unis s’annonce haute en couleur… Entre un show de Deborah interrompu par la naissance d’un veau, et une courte croisière réservée à un public lesbien peu friand de certaines de ses blagues périmées, cette deuxième saison on the road aux allures de trip initiatique s’avère encore plus drôle que la première. Le final est touchant à souhait, et on se demande si une troisième saison, fraîchement diffusée aux US, était vraiment nécessaire -cela ne nous empêchera pas de nous ruer dessus dès sa mise à disposition sur Netflix. .

A la table de The Bear (saison 3) sur Disney+

Lorsque la première saison de The Bear est sortie en 2022, le caractère révolutionnaire de la série ne sautait pas aux yeux. Et pourtant, elle a fini par hypnotiser. Son montage rapide, ses hausses de ton incessantes, sa nervosité constante nous ont rendu accros. Le mérite en revient pour une bonne part à Ebon Moss-Bachrach. Dans la série qui a pour cadre un restaurant familial en difficulté, il incarne Richie Jerimovich, le cousin rebelle de Carmy, le chef incarné par Jeremy Allen White. Il est le personnage avec le plus de « Fuck! » au compteur, et aussi celui qui irrite le plus. Dans la cuisine de The Bear, on ne peut l’éviter. « Je ne dirais pas que Richie est un connard, nous a confié Ebon Moss-Bachrach. Vous savez quoi? Moi-même je suis un gros con. Mon travail d’acteur consiste à me battre pour mon personnage et à réaliser ses rêves et ses objectifs du mieux que je peux. » 

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Le fait que l’on ne sache pas toujours s’il parle de lui ou de son personnage en dit long sur la dévotion d’Ebon Moss-Bachrach à l’égard de Richie. Cette loyauté s’est révélée payante à l’écran. Le charisme du comédien de 47 ans inonde chaque scène et a progressivement permis à un Richie, être travaillé par des traumas plutôt que foncièrement mauvais, de devenir le personnage préféré du public. Alors que les deux premières saisons travaillaient encore à la concrétisation du restaurant The Bear, la troisième -sans trop spoiler- se concentre sur les efforts déployés pour le maintenir à flot. Et avec deux capitaines à bord champions de l’autosabotage, cela peut s’avérer compliqué.

Jodie Foster retrouve son costume d’enquêtrice dans « True Detective »

Plus de 30 ans après Le Silence des agneaux, Jodie Foster incarne à nouveau une enquêtrice dans True Detective: Night Country, sur HBO. Une nouvelle saison, marquée par un accent féminin et une bonne dose de gothique arctique, qui remet la série sur les rails. Des personnages principaux complexes et cabossés. Une trame philosophique et existentielle. Des paysages mystérieux et menaçants. Un style visuel saisissant. Un destin surnaturel. La résolution épineuse d’un crime. Il y a dix ans, Nic Pizzolatto, le créateur de True Detective, rassemblait tous ces éléments dans un cocktail explosif. La première saison avait été pour beaucoup un vrai choc télévisuel. Et la classe de Matthew McConaughey et Woody Harrelson dans des rôles d’enquêteurs aux caractères diamétralement opposés y était certainement pour quelque chose. Les deux livraisons suivantes de la série anthologique -avec d’autres histoires criminelles et d’autres acteurs- risquaient de sembler bien pâles en comparaison avec la première et c’est effectivement ce qui s’est passé. Trop artificielle et superficielle, puis trop labyrinthique et trop lente.

Mais, alléluia, cette quatrième saison, sous-titrée Night Country, est un coup dans le mille. Est-ce parce que Nic Pizzolatto s’est mis en retrait comme producteur exécutif et n’est plus vraiment impliqué? Peut-être. Est-ce parce que HBO a laissé à peu près carte blanche à la Mexicaine Issa López en tant que scénariste, réalisatrice ET showrunner? C’est probable. Avec Tigers Are Not Afraid (2017), un sombre film de fantasy et d’horreur très apprécié dans lequel elle mettait en lumière l’impact de la guerre de la drogue sur les enfants mexicains, Issa López a déjà montré qu’elle pouvait gérer plusieurs choses en même temps: ambiance, suspense et engagement.

Mais surtout, elle a réussi à percer l’âme de la première saison de True Detective. Et que Night Country soit situé non pas dans le bayou brûlant de la Louisiane, mais dans la toundra glacée de l’Alaska, plongée dans l’obscurité 24 heures sur 24 pendant les longs mois d’hiver, n’y change rien. López rend également hommage à l’horreur mystique de la série, symbolisée par le fameux signe de spirale et présente le mal comme un phénomène à la fois humain et métaphysique -dans lequelle elle implique même les Beatles. Et en prime, Issa López mène cette quatrième saison vers une résolution plausible, en abordant au passage des thèmes comme le racisme, l’écologie et le sexisme.

Car il y a encore une autre bonne surprise: l’équipe chargée d’élucider le mystère du meurtre central est cette fois féminine. Jodie Foster (dont l’interview est à lire en intégralité ici), deux fois oscarisée en tant qu’actrice (pour Les Accusés en 1988 et Le Silence des agneaux en 1991), et l’ancienne championne du monde de boxe Kali Reis, qui s’est également imposée au cinéma depuis le film Catch the Fair One (2021), incarnent en effet les inspectrices de police Liz Danvers et Evangeline Navarro. Anciennes collègues, elles nourrissent un ressentiment mutuel, qu’elles doivent mettre de côté pour enquêter ensemble sur la disparition d’un groupe de scientifiques d’une station de recherche voisine qui effectuait des forages de glace dans le permafrost. En parallèle, le duo cherche un lien avec un cold case (peut-il en être autrement au-delà du cercle polaire arctique?) concernant une femme inuite assassinée. Inutile d’ajouter que chacune des deux porte aussi en elle un profond traumatisme personnel qu’elle devra finalement affronter.

Le palmarès complet des Emmy Awards

Meilleure série dramatique: Shōgun (FX)

Meilleure minisérie: Mon petit renne (Netflix)

Meilleure actrice dans une comédie: Jean Smart (Hacks, HBO Max)

Meilleur acteur dans une comédie: Jeremy Allen White (The Bear, FX/Hulu)

Meilleure actrice dans une série dramatique: Anna Sawai (Shōgun, FX)

Meilleur acteur dans une série dramatique: Hiroyuki Sanada (Shōgun, FX)

Meilleure actrice dans une minisérie: Jodie Foster (True Detective: Night Country, HBO Max)

Meilleur acteur dans une minisérie: Richard Gadd (Mon petit renne, Netflix)

Meilleur second rôle féminin dans une comédie: Liza Colón-Zayas (The Bear, FX/Hulu)

Meilleur second rôle masculin dans une comédie: Ebon Moss-Bachrach (The Bear, FX/Hulu)

Meilleur second rôle féminin dans une série dramatique: Elizabeth Debicki (The Crown, Netflix)

Meilleur second rôle masculin dans une série dramatique: Billy Crudup (The Morning Show, Apple TV+)

Meilleur second rôle féminin dans une minisérie: Jessica Gunning (Mon petit renne, Netflix)

Meilleur second rôle masculin dans une minisérie: Lamorne Morris (Fargo, FX)

Meilleur scénario pour une comédie: Lucia Aniello, Paul W. Downs, Jen Statsky (Hacks, HBO Max)

Meilleur scénario pour une série dramatique: Will Smith (Slow Horses, Apple TV+)

Meilleur scénario pour une minisérie: Richard Gadd (Mon petit renne, Netflix)

Meilleure réalisation pour une comédie: Christopher Storer (The Bear, FX)

Meilleure réalisation pour une série dramatique: Frederick E. O. Toye (Shōgun, FX)

Meilleure réalisation pour une minisérie: Steven Zaillian (Ripley, Netflix)

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