Les 2 séries à voir pour de longues soirées d’hiver
The Rehearsal, signée Nathan Fielder, est une série qui dérange et fascine, tandis que Missing You est un nouveau hit d’Harlan Coben.
The Rehearsal
Ambition? Méchanceté? Folie? Génie? Tout cela à la fois? The Rehearsal, signée Nathan Fielder, nouveau prince du malaise, dérange et fascine. Au moment où on écrit ces lignes, on n’est toujours pas certain de la nature exacte du dispositif mis en place par Nathan Fielder dans The Rehearsal… Le concept du show est pourtant simple: Nathan Fielder propose à des individus lambda de les aider à surmonter un blocage dans leur existence via des séances de répétition filmées, avec des acteurs, afin de les placer dans les meilleures dispositions avant de se confronter à cet obstacle dans la vie réelle.
Le premier épisode est consacré à Kor, qui souhaite avouer à sa meilleure amie qu’il a toujours menti sur son niveau d’études. Nathan le fait alors répéter avec une actrice ressemblant à son amie et dans un décor parfaitement identique au bar dans lequel ils ont leurs habitudes… Surprise: après deux épisodes, voilà que Nathan se porte lui-même volontaire pour vivre avec Angela, qui désire tester la parentalité -« Pas facile de mener de front ma vie professionnelle et ma vie personnelle », se lamente-t-il en voix off... Et le show de finalement n’être consacré qu’à cette dernière. Il faut lui reconnaître un certain génie dans la façon qu’il a de pousser jusqu’au bout (et plus loin encore) les situations absurdes qu’il crée. À la manière d’un Charlie Kaufman, il a toujours trois poupées russes d’avance: réalisant que son émission nécessite une méthode de jeu propre, il monte sa propre école d’acting, puis décide d’engager un acteur le jouant lui-même. Il peut alors assister en personne aux cours en tant qu’élève, pour analyser ce qu’il devrait y améliorer…
Jusqu’ici persuadé que le show était, comme The Curse, intégralement scripté, en bon critique évidemment blasé, on n’avait pas été choqué plus que cela. Pas même par l’acteur de 6 ans qui continuait à appeler Nathan « Papa » bien après la fin de l’émission. Après un détour sur le Web, on apprend qu’en fait, les candidats en seraient bien de vrais, et que tout n’est pas totalement pour de faux dans le show. Se profilent alors de nombreuses questions éthiques sans réelles réponses… C’est certainement le but de Fielder: entretenir le flou, créer l’inconfort, et faire parler (c’est réussi). Quoiqu’il en soit, The Rehearsal fascine avec son côté sale gosse, son humour dérangeant et ses idées parfois géniales. Nathan Fielder a par exemple gardé le décor du bar du premier épisode pour l’ouvrir au public, avec pour serveurs certains des acteurs de précédents épisodes en galère entre deux rôles -« C’est cool d’avoir mon propre bar aux frais d’HBO », dira-t-il.
Avouons que rien ici n’y est jamais totalement gratuit. Fielder amène systématiquement le spectateur à réfléchir. Sur l’Amérique et ses contradictions, les aberrations de la téléréalité, mais aussi, donc, sur la frontière parfois décidément très floue entre fiction et réalité… Marcel Ramirez
The Rehearsal ***(*), de Nathan Fielder, sur HBO Max
avec Nathan Fielder, Gigi Burgdorf, Anna Lamadrid
Missing You (Tu me manques)
Auteur américain de romans policiers particulièrement prolifique et rentable, Harlan Coben n’en finit pas d’être porté à l’écran. Depuis le film Ne le dis à personne de Guillaume Canet, césarisé en 2007, on ne compte plus, en effet, les adaptations de ses romans, quand il ne crée pas lui-même des séries (voir The Five avec Tom Cullen et Safe avec Michael C. Hall). En 2018, il signe avec Netflix un juteux contrat lui assurant l’adaptation de quatorze de ses bouquins pour la plateforme. Dont ce Missing You, donc, qui atterrit aujourd’hui sous la forme d’une minisérie en cinq épisodes.
Emmenée par Rosalind Eleazar (Slow Horses), celle-ci cueille l’inspectrice mancunienne Kat Donovan, célibataire badass qui ne lâche jamais l’affaire, au moment où elle retombe, en parcourant des profils proposés par une application de rencontres, sur le visage de Josh, son ex inexplicablement disparu sans laisser de trace onze ans plus tôt. Cette réapparition inattendue va mener Kat, bouleversée et profondément blessée, à replonger dans le mystère entourant le meurtre tragique de son propre père, flic à l’aura et à la respectabilité persistantes, et à découvrir des secrets enfouis depuis longtemps dans son passé…
Jeu de piste piloté par l’inlassable quête de vérité de son héroïne pugnace, Missing You ne dévie jamais d’une formule policière très classique, charriant beaucoup de stéréotypes dans son interprétation, ses dialogues et ses situations. Entrecoupée de flash-back nostalgiques singulièrement répétitifs, la série, sorte de thriller romantique mâtiné de mystère, flirte même plus d’une fois avec le ramassis de clichés pur et simple. Très solennelle, ostensiblement torturée, elle manque cruellement d’ambition dans sa forme et rate ses tentatives de désamorçage de la tension par l’ironie caustique. On savoure, par contre, la présence maléfique à l’écran de Steve Pemberton, génial acteur et scénariste britannique à qui l’on doit les formidables séries anglaises enrobées d’humour noir The League of Gentlemen, Psychoville et Inside No. 9. Nicolas Clément
Missing You (Tu me manques) **, de Guy Hescott, sur Netflix
avec Rosalind Eleazar, Jessica Plummer, Richard Ermitage
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici