Le rideau tombe sur le festival d’Avignon: une édition 2024 aux scènes mobilisées

Dämon, el funeral de Bergman, d'Angélica Liddell. Festival d’Avignon Texte, mise en scene, scenographie et costumes Angelica Liddell Lumiere Mark Van Denesse Son Antonio Navarro Assistanat a la mise en scene Borja Lopez Avec David Abad, Ahimsa, Beatriz Alvarez, Yuri Ananiev, Nicolas Chevallier, Guillaume Costanza, Elin Klinga, Angelica Liddell, Borja Lopez, Sindo Puche, Daniel Richard et la participation de figurants © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Avancé pour ne pas faire concurrence aux J.O. de Paris, secoué par les deux tours des élections législatives françaises inattendues, le festival d’Avignon a commencé en douceur avant de voir le public remplir ses salles et les rues. Il se termine ce 21 juillet. Bilan d’une édition à l’engagement évident.

Son engagement, le Festival d’Avignon l’a affirmé notamment avec la Nuit d’Avignon, organisée le 4 juillet durant l’entre-deux-tours des élections législatives françaises par Tiago Rodrigues, le directeur du festival, en collaboration avec la ville d’Avignon. Contre la montée de l’extrême droite, la Cour d’Honneur, entre minuit et l’aube, a été l’écrin des mots et des corps déterminés d’Andréa Bescond, Boris Charmatz ou JoeyStarr. Sans oublier la troupe de la Comédie Française, qui interprétait plus tôt dans la journée Hécube, pas Hécube, pièce de Rodrigues lui-même à la carrière Boulbon. La troupe a repris cette nuit-là les mots de l’artiste new-yorkaise Zoe Léonard.

Qui som?, performance de la compagnie Baro d’Evel à venir à Liège et à Schaerbeek. © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Quelques jours avant, même scène, le In connaissait une ouverture féminine et fracassante avec Dämon, d’Angélica Liddell. Une Angélica Liddell nue et vindicative pour un spectacle autour de l’œuvre d’Ingmar Bergman, mais aussi colère contre les critiques et journalistes. Stéphane Capron, journaliste critique de France Inter, nommé dans la pièce, a porté plainte et le passage de l’artiste contre lui a été supprimé. L’édition 2024 a connu d’autres envolées, plus douces mais non moins vindicatives. Comme celles de l’incroyable Qui Som?, de la compagnie franco-catalane Baro d’Evel: un spectacle de corps et de poteries cassées et malaxées, où les mots sont comptés. Camille Decourtye, co-créatrice de Baro d’Evel, est splendide de présence et d’humour souvent noir dans ses prises de parole. Esthétique et politique, la pièce emporte avec sa scénographie de monstre de plastique brun qui se transforme en vomi de PVC au fil d’un spectacle techniquement parfait. Un spectacle visible sur Arte.tv mais qu’on encourage absolument à vivre en corps et sentiments les 11 et 12 octobre au Théâtre de Liège et les 30 et 31 octobre aux Halles de Schaerbeek. 

Autre spectacle du In à rattraper la saison prochaine en Belgique (les 20 et 21 mars 2025 au Théâtre de liège), Lacrima de Caroline Guiela Nguyen. C’est l’histoire d’un atelier de broderie français qui doit se plier aux désirs d’une princesse anglaise et d’un créateur «fantasque». C’est l’histoire d’une cheffe d’atelier, épuisée par la pression de son métier et ses exigences déplacées, en plus d’être en proie à la suspicion et la colère de son mari pervers. C’est aussi l’histoire documentée d’une robe brodée créée à Alençon.

Un In clairement engagé donc, dans la lignée de sa création en 1947 par Jean Vilar, comme nous le confiait Tiago Rodrigues : « Je n’ai pas besoin de positionner le festival. Le festival a des idées fondatrices et une histoire qui le positionne à chaque endroit de circonstances politiques et sociétales. C’est un festival populaire, démocratique, républicain, progressiste, internationaliste et donc aujourd’hui aussi écologiste, antiraciste, fémininiste.« 

Lacrima de Caroline Guiela Nguyen sera en représentation à Liège en 2025. © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Sans oublier le Off du festival d’Avignon

Et puis le festival d’Avignon, c’est aussi le Off. Des rues animées, des « tractants » souvent épuisés, qui font la pub des spectacles à voir de tôt le matin à (très) tard le soir. Notre coup de cœur: Last Birds, spectacle inspiré des codes du tango, mais qui s’en éloigne en chorégraphie entrelacée de corps hyper techniques. C’était aussi l’heure de la reprise pour En une nuit, notes pour un spectacle, une création collective répérée chez nous en 2022 au Vilar racontant tout à la fois de l’œuvre et de la vie de Pasolini ainsi que les conditions politiques qui ont pu mener à son meurtre. Dans le jardin du Théâtre des Doms, vitrine de la création Wallonie-Bruxelles en terres avignonnaises. On a pu notamment y applaudir un Sous la terre, du Groupe de la recherche, conférence entre burlesque policé et urgence climatique sur les dessous des terres du Palais des papes. Le Théâtre des Doms où on pouvait également applaudir Héritage, de Cédric Eeckhout. Le comédien et metteur en scène était aussi dans le In, à l’affiche d’Une Ombre Vorace spectacle itinérant, présent d’un bout à l’autre du festival, de Mariano Pensotti. Alain Cofino Gomez signait sa dernière saison comme directeur au théâtre belge d’Avignon, lui qui reprend la direction du 140, lieu mythique schaerbeekois qu’il envisage comme un tiers lieu, pluridisciplinaire, ouvert aux enfants -il sera désormais lié au centre scénique jeunes publics Pierre de Lune– et à l’art de la marionnette. C’est la comédienne et metteuse en scène Sandrine Bergot (Collectif Mensuel) qui lui succède aux Doms.

Présent dans le In avec sa Vie secrète des vieux, appréciée à Bruxelles lors du dernier Kunstenfestivaldesarts, Mohamed El Khatib reprenait, dix ans après sa création au lieu même où il l’avait présenté (La Manufacture), Finir en beauté, spectacle sur la mort de sa mère, les racines, la langue, les souvenirs et la disparition.

Ce 21 juillet se termine donc un festival d’Avignon qui se voulait engagé sur tous les fronts. L’année prochaine s’annonce à l’identique dans le In, entre l’arabe comme langue invitée (après l’espagnol cette année) et Marlène Montero Freitas comme artiste complice, qui installe sur scène les corps essentiels, à l’instar de de Boris Charmatz cette année. « Juste par le fait d’être ensemble, physiquement. Ça, c’est un geste politique et humain« , comme nous le confiait Tiago Rodrigues.

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