Critique scènes: Show le désir!

Le Songe d'une nuit d'été, de Jean-Michel d'Hoop
Nicolas Naizy Journaliste

Le metteur en scène Jean-Michel d’Hoop signe une originale pétillante lecture du Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Son art de la marionnette grandeur nature fait une fois de plus mouche.

Pièce sur le désir et la rébellion adolescente, Le Songe d’une nuit d’été a finalement été peu joué ces dernières années sur nos scènes. Historique, le Théâtre de Poche accueille sur son plateau pour la première fois un classique -ce classique!- du théâtre mondial. C’est le metteur en scène Jean-Michel d’Hoop (compagnie Point Zéro) qui se charge d’en fournir une version remaniée mais certainement pas dénaturée. Sa parfaite maîtrise de la marionnette démontre ici encore toutes les potentialités d’un art pouvant à la fois apporter merveilleux et distance au propos.

La fable raconte toujours la course folle de quatre jeunes gens qui ne se satisfont pas de l’avenir sentimental qui leur est promis par leurs parents et la royauté. S’égarant dans une forêt mystérieuse pour échapper à leur destinée, ils deviendront les jouets d’elfes, de fées et de lutins qui vont s’amuser à manipuler les inclinations des quatre jeunes gens.

Des marionnettes, disions-nous. Tous les personnages le sont en effet. Des puppets à taille humaine animées par des comédiennes et comédiens formidablement initiés à la manipulation de ces doubles de jeu. L’illusion fonctionne à merveille, actionnant toutefois un paradoxe: autant on croit instantanément aux personnages, effaçant les marionnettistes de notre vision absorbée de spectateur, autant l’exécution nous rappelle à quelques reprises que ce ne sont là que des personnages. Acteurs et actrices s’échangent les protagonistes par un subtil chassé-croisé où le genre se fait jouet.

Le Songe d'une nuit d'été, de Jean-Michel d'Hoop
Le Songe d’une nuit d’été, de Jean-Michel d’Hoop© Debby Termonia

Une comédie engagée

Comme un jeu sur le langage, la partition conserve le digest du texte shakespearien, du vieil anglais à un français contemporain. Hégée aux airs de Raymond Devos brusseleir et ronchon et le couple royal des humains, petit par sa taille, grand par son pouvoir, apportent le comique. Mais le must revient au roi Obéron et à la reine Titania. Régnant sur le monde des fées, ils sont ici personnifiés par des marionnettes qui rappellent le glam rock à la Bowie et l’élégance exubérante d’une Drag Race de Ru Paul. Tous deux hauts perchés sur des chaussures à plateformes, leur look leur confère un charme électrique, faisant du duo les stars du show.

Sous ses allures de fête sur une partition musicale de Boris Gronemberger (musicien et producteur prolifique), ce Songe met sa rêverie au service de la célébration des désirs, de tous les désirs. Les choix artistiques soulèvent subtilement les questions contemporaines de genre et de discrimination et viennent bousculer les cadres rigides du couple et de l’amour. Une reine Hippolyta qui acquiesce aux idées de son Thésée de mari, mais qui n’en pense pas moins, une jeune Héléna bien moins cruche qu’on pourrait le croire, et une reine Titania prête à assouvir tous ses fantasmes. La comédie romantique se fait ici politique.

Le Songe d’une nuit d’été, de Jean-Michel d’Hoop, d’après William Shakespeare.

Jusqu’au 2 avril au Théâtre de Poche, Bruxelles. www.poche.be

Du 19 au 30 avril au Vilar, Louvain-la-Neuve. www.levilar.be

Le Songe d'une nuit d'été, de Jean-Michel d'Hoop
Le Songe d’une nuit d’été, de Jean-Michel d’Hoop© Debby Termonia

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