Les toiles de James Ensor deviennent terrains de jeu… vidéo

L’humour noir d’Ensor contamine
le terrain gaming. © Waterzooi Studio
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Le deuxième volet du jeu vidéo Please, Touch the Artwork exploite tout l’art de James Ensor. Une plongée enthousiasmante dans les tableaux du maître expressionniste belge.

Qui aurait pu imaginer qu’une frange du gaming indé s’attacherait un jour à transformer des tableaux de maîtres en jeux vidéo? Depuis quelques années, des primitifs flamands à Jackson Pollock, de plus en plus de toiles se réincarnent en terrain gaming. Ce mouvement, qui touche également les œuvres plus confidentielles d’El Lissitzky et d’Enzo Cucchi, se profile avec bonheur comme une démarche guidée par la passion, loin de tout serious gaming. Après avoir rendu un singulier hommage à Piet Mondrian il y a deux ans, Thomas « Waterzooi » Meynen gonfle cette vague en enfilant son maillot de bain et son masque de carnaval. Le tout, pour s’attaquer à James Ensor sur Please, Touch the Artwork 2.

Phare belge de l’expressionisme, Ensor surgit littéralement de sa tombe sous la forme d’un squelette dès l’ouverture de Please, Touch the Artwork 2 (édité et développé par Waterzooi Studio, âge: 8+, gratuit sur Android, iPhone, Mac et PC). La côte belge, Bruxelles, les natures mortes et le mariage dominent ici les errances de notre revenant, au fil d’une nonantaine de tableaux. à la poursuite d’un mystérieux vandale saccageant les œuvres d’Ensor, le jeu gambade tout sourire au fil de petites scènes où plane l’esprit des Monty Python. Et surtout de L’Art vulgaire de Choron-Gébé (coucou Hara-Kiri).

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D’une mourante qui passe l’arme à gauche à la vue du squelette d’Ensor à une danse macabre de carnaval brésilien, Please, Touch the Artwork 2 étend l’humour noir d’Ensor avec un naturel désarmant. Des personnages farfelus, grotesques et alcooliques exigent de retrouver divers objets habilement planqués dans les toiles du maître. On y recherche par exemple cinq seaux d’eau dans Le Rameur de 1883. Ou encore une dizaine de bouteilles de vin, pour abreuver Les Pochards de 1910. Plus loin, deux versions des Bains à Ostende de 1899 cachent huit différences à dénicher tandis qu’une poignée d’énigmes demandent de relier des points, sans 
passer deux fois par le même chemin.

Empruntant les codes des jeux d’aventure en point and click, Please, Touch the Artwork 2 ne développe pas un gameplay et un récit novateurs. Mais il assure le taf. On regrettera juste un certain manque de contexte et d’explications. Force est toutefois de constater que le travail de sélection des œuvres tirées du Mu.ZEE d’Ostende et du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers respire la cohérence. Le jeu du développeur bruxellois se hisse d’ailleurs parmi les meilleures toiles jouables du moment.

Du même auteur, le premier Please, Touch the Artwork transformait les tableaux iconiques de Piet Mondrian en terrains de puzzle game en 2022. Deux ans plus tôt, les rocambolesques aventures du chevalier psychopathe de The Procession to Calvary se perdaient dans des toiles de la Renaissance, notamment celles de Brueghel. Sans oublier l’indispensable Cave! Cave! Deus Videt, qui explorait il y a dix ans le triptyque de La Tentation de saint Antoine de Jérôme Bosch au fil d’une sorte d’Où est Charlie?. Des coups de poings sanglants d’Ape Out, qui imitaient l’action painting de Jackson Pollock, à Cuccchi, qui gamifiait les œuvres trans-avant-gardistes d’Enzo Cucchi (dans un walking simulator halluciné), le doute n’est plus permis: le jeu indé fait vivre les musées hors de leurs murs. ●

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