2020: le meilleur d’une année de petits coeurs sur Twitter
Ce Crash Test S06E13 déclare ouverte la saison des best of de fin d’année. Histoire de malgré tout bien évidemment ne pas faire comme tout le monde, voici donc le meilleur de ce qui a été mis de côté sur Twitter pour y revenir plus tard et pour encore ensuite être tout simplement oublié.
Satan présidant le Conseil infernal par John Martin. Paradis perdu par Gustave Doré. Moi, je suis comme ça: sur Twitter, je ne « like » que très rarement les commentaires ayant trait à l’actualité et aux débats en cours. Je n’utilise pas souvent le « petit coeur » pour marquer mon soutien, mon approbation, ou bien faire sentir quel est mon camp, quel est mon parti-pris.
Le plus souvent, je n’emploie au contraire cette fonction que pour « mettre de côté » des choses et des sujets d’intérêt sur lesquels revenir plus tard. Ce que je ne fais évidemment presque jamais. Parce que je passe très vite à autre chose. Parce que j’oublie. Ainsi, plusieurs longs mois après avoir archivé ces images très appréciées, je n’ai toujours pas acheté de recueil de gravures de Gustave Doré, ni cherché à connaître mieux l’oeuvre picturale de John Martin. Je n’ai toujours pas vu Dementia, un film de John Porter de 1950 qui compte parmi ses plus grands fans Jean Cocteau, Luis Buñuel et David Lynch. Ni The Trip To Greece, énième volet de la série autofictionnelle avec Steve Coogan et Rob Brydon. Mais vous le saviez, vous, qu’il existait un Trip To Greece? Qui a vu passer ça? Ça se trouve où? Quelqu’un a écrit là-dessus, à part la personne qui a retweeté la bande-annonce il y a donc déjà pas mal de semaines?
Je n’ai toujours pas lu Lunch with the Wild Frontiers, le bouquin de Phil Savidge sur les années où il était attaché de presse pour les stars, forcément très cocaïnées et fort capricieuses, de la britpop. Ni The Madness of Crowds de Douglas Murray, une charge contre la culture « woke » qui, paraît-il, est aussi amusante que fine (un bouquin de droite amusant et fin donc, oui, parfaitement…). Je n’ai toujours pas lu les 62 pages (SOIXANTE-DEUX!!!) d’interview dans Ciné Bazar du réalisateur Roger Avary. Je n’ai pas cherché à me procurer l’album de Jeremiah Sand chez Sacred Bones, Jeremiah Sand étant le personnage de gourou illuminé du film Mandy et son disque un album soi-disant perdu qu’il aurait enregistré dans les années septante. Je n’ai pas non plus écouté le moindre morceau d’Ataraxia, un groupe inspiré par « le tarot, le spiritisme, les projections astrales et plus encore… » Ni The Night Monitor, « du retrosynth » inspiré quant à lui par « l’affaire de l’OVNI du Pembrokshire, les géants de l’espace, les sentiers magiques et la téléportation de vaches« . Je ne connais toujours qu’un seul morceau de Lucio Battisti, « pourtant un moment le chanteur préféré de David Bowie« , et je n’ai pas non plus fort approfondi le dossier Henri Lievens (1920-2000), l’illustrateur de beaucoup de ces fantastiques couvertures de romans d’horreur publiés à Verviers chez Marabout, il y a 50 ans.
En ru0026#xE9;alitu0026#xE9;, je n’aime pas Roger Avary, la britpop, les intellectuels de droite…
Cette collection de « petits coeurs » oubliés sur Twitter me renvoie une image d’autant plus étrange qu’en réalité, je n’aime pas le cinéma de Roger Avary. J’ai trouvé Mandy plutôt ennuyeux et le personnage du gourou particulièrement fade. Je n’aime pas la britpop, à part Pulp, beaucoup, et Blur, déjà nettement moins. Je n’aime pas les intellectuels de droite, même quand ils m’ont l’air vachement moins beaufs que d’autres. En ce moment, j’écoute surtout Aksak Maboul et du folk, venant de découvrir la carrière « non pop » de Donovan… Qu’est-ce que j’irais donc me perdre dans du synthé planant des seventies? Sur Twitter, je suis et apprécie vraiment beaucoup Chris Stein, le guitariste de Blondie, dont je n’ai jamais véritablement écouté d’album, seulement les tubes, et Kyle MacLachlan, dont la filmographie tient quand même pas mal du CV à ne surtout pas prendre pour modèle quand on se lance dans une carrière d’acteur. John Lurie aussi, qui fait quand même un peu peur, lui aussi. Sur Twitter, je me suis mis de côté un sujet en or sur lequel écrire: la naissance du droit à l’image, en 1858, quand la soeur d’une tragédienne attaqua une gazette pour avoir publié un portrait de l’actrice sur son lit de mort sans autorisation de la famille. Un sujet en or sur lequel je n’ai à vrai dire pas la moindre intention de réellement écrire.
Sur Twitter, je me montre régulièrement mordant avec Écolo, un parti que je considère pourtant comme moins digne d’intérêt qu’une plante en pot. Je suis Stephen King, un auteur que je n’apprécie pas particulièrement, et j’avais aussi oublié que je suivais également The Church of Burn, une association qui organise des bûchers de billets de banque, un intérêt cocasse pour quelqu’un pour qui la fin de mois difficile commence généralement le huit à midi. Je suis Barry Adamson, dont je n’ai plus écouté la moindre chanson depuis Black Amour, en 2002, et Psycho Gnostic, un compte qui conseille des films que je n’ai aucune envie de voir. Je m’y montre charmé par les paysages des Cornouailles, d’Écosse, d’Islande et de Norvège. Par les nuages de Jupiter, aussi. Et on y devinerait comme une grosse envie d’aller au Svalbard. Ça, c’est vrai, c’est tout moi, mais bien entendu, cette année, je n’ai été qu’à Spa et à Ostende. Bon, là… J’ai une excuse, une bonne. Mais bref, quel étrange exercice que de faire le bilan annuel de ses « likes » et de ses « follows » sur Twitter. Presque une performance à la Sophie Calle: découvrir des passions d’un instant depuis oubliées et les curiosités pas encore transformées en véritable intérêt d’une personne qui ne semble pas être tout à fait soi, qui pourrait évoluer dans un univers parallèle. Une sensation qui donne presque envie d’enregistrer un disque aux synthés de musique planante, tiens…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici