Rock Werchter, jour 4: comme sur des roulettes (+photos)
Dimanche soir, les Red Hot Chili Peppers ont mis un point final à Rock Werchter 2022. Une édition qui aura tourné à plein régime – 88 000 personnes par jour !. Et ce malgré le covid et une affiche un poil ronronnante.
Le suspense a duré tout le week-end : les Red Hot Chili Peppers allaient-ils annuler leur venue à Rock Werchter, comme ils l’ont fait deux jours plus tôt à Glasgow après avoir constaté un cas de covid dans l’équipe ? Finalement, sur le coup de 23h25, Flea lançait la charge, faisant vrombir sa basse, avant d’être rejoint par ses camarades. Trente ans après leur premier passage sur la plaine brabançonne, les RHCP avaient la mission de clôturer le festival. Un privilège mais pas forcément un gros enjeu pour les Californiens qui ont assuré la prise, sans vraiment forcer, ni jouer de grands effets scéniques. A bientôt soixante ans (en octobre), Flea assure à lui tout seul le capital sympathie du groupe : bassiste phénoménal, il reste cet homme-élastique à la voix de de canard, le seul à lâcher de temps en temps un mot entre les morceaux.
Chad Smith, lui, tape sur ses fûts avec une verve ado intacte. A la guitare, John Frusciante reprend le refrain de Your Song d’Elton John, en intro de Snow (Hey oh) et s’assure qu’il n’est pas revenu dans le groupe pour rien en ponctuant le set de soli souvent un peu trop bavards. Et Anthony Kiedis ? Derrière sa moustache d’acteur porno seventies, il gère, mais il ne faudra pas compter sur lui pour faire décoller le concert. Dans la dernière ligne droite, un carré de classiques (Californication, Give It Away, Under The Bridge, By The Way) s’en charge, allumant le feu d’artifice final. Sans livrer un concert mémorable, les RHCP ont fait le taf. Un peu à l’image d’un Rock Werchter 2022 dont la seule tenue, après deux ans de covid, était déjà une victoire.
La vérité des chiffres
Un sold out plusieurs semaines à l’avance, 88 000 personnes présentes sur le site chaque jour, venus écouter une centaine de groupes – dont 17 formations belges, un record !, insiste le festival. Ajoutez à cela une organisation comme toujours au laser, et une météo quasi parfaite : sur le papier, Rock Werchter 2022 a été une franche réussite. Après deux ans de disette, le mastodonte brabançon peut souffler.
Il a toutefois eu chaud. Outre trois annulations de dernière minute (Greta Van Fleet, Clairo et The Regrettes), deux têtes d’affiche ont longtemps mis leur participation dans la balance : outre les Red Hot Chili Peppers, Metallica a également dû gérer un cas de covid. Le stress. On l’a écrit ce week-end, le virus a beau avoir décliné, il risque de rester un caillou dans la chaussure des festivals pendant encore un moment. Constituer une affiche est toujours un exercice d’équilibriste subtil. Et réussir à la tenir plus que jamais une manœuvre délicate.
Parlons-en justement de l’affiche. Si, en tant que vétéran du paysage festivalier, Rock Werchter est censé refléter les principales tendances musicales, alors il faut bien constater que le rock et les guitares font toujours recette. Le rap, musique la plus écoutée du moment ? Sur les plateformes de streaming peut-être, mais pas à Werchter. Le festival a toujours été très parcimonieux, mais il semble avoir désormais quasi complètement « outsourcé » le sujet au CORE (lancé le mois dernier à Bruxelles, en collaboration avec Tomorrowland). Ne restaient à l’affiche du week-end que les Bruxellois de Stiktsof et l’Américain Polo G – qui, pour le coup, n’a rien fait pour plaider la cause : si son « concert » a attiré les spectateurs plus jeunes (ils étaient donc là !), il a surtout cumulé tous les clichés les plus éculés d’un live rap, le Chicagoan se demandant visiblement lui-même ce qu’il était venu faire là.
Rock über alles donc. Reste à voir lequel. Sur la grande scène, il a fallu encore compter sur les anciens pour faire le taf – Metallica, Pearl Jam, Red Hot Chili Peppers, Pixies, etc. De manière assez emblématique, le seul headliner du week-end à avoir démarré dans les années 2010 était Imagine Dragons : difficile de se passionner pour le groupe américain et ses tubes patauds. Certes, les Italiens de Mâneskin ont su tirer leur épingle du jeu et l’Anglais Yungblud parle aux millenials, mais dans les deux cas sur un mode semi-parodique. Les propositions plus indie ont été, elles, repoussées le plus souvent sur le Slope, la plus petite scène du festival, planquée au fond de la plaine, sous un gigantesque plan incliné. Dimanche par exemple, y ont défilé, dans un quasi-anonymat, Bartees Strange, Dry Cleaning, Snail Mail ou encore Jehnny Beth. En fin de soirée, la chanteuse de Savages n’a pas hésité à donner de sa personne, engagée et teigneuse, descendant volontiers dans le public. En l’occurrence, quelques dizaines de personnes…
Faut-il en déduire que le rock alternatif n’intéresse plus qu’à la marge ? Ou simplement qu’un festival comme Rock Werchter n’est pas vraiment le lieu adéquat, trop ancré dans ses habitudes ? On a souvent parlé du monde d’après. Mais il n’a pas toujours été évident d’en trouver les traces sur la plaine du festival XXL. Plus que jamais, celui-ci a donné l’impression de jouer la sécurité. Voire de vivre un peu dans sa… bulle, déjà trop content de pouvoir de nouveau exister normalement. Même sentiment du côté des artistes d’ailleurs. Le monde n’a jamais semblé aussi près du chaos. Mais sur scène, peu ont eu l’air de s’en inquiéter (contrairement à ce qu’on a pu voir à Glastonbury, le week-end précédent, par exemple). Ici, la musique s’est bouché les oreilles, pour se réfugier dans sa coquille festive. The show must go on, c’est bien ça ?
Les photos du jour 4, par Wouter Van Vaerenbergh
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