Les cinq tendances à retenir de la saison des festivals
Alors que la saison des festivals touche doucement à sa fin, l’heure des bilans a sonné. Focus revient sur cinq tendances qui ont émaillé l’été festivalier.
L’annulation préventive
On peut y voir un traumatisme belge post-Pukkelpop ou liégeois d’après-inondations. Mais l’annulation du dernier jour des Ardentes pour raisons météorologiques (des grêlons, des orages et des vents violents étaient prévus mais ne sont jamais venus) reflète aussi sans doute quelque part les grands bouleversements et l’imprévisibilité climatiques, notamment sur les festivals. Les Ardentes ne sont pas le seul grand événement musical européen à en avoir fait les frais. Le Primavera a ainsi supprimé en dernière minute sa journée inaugurale à Madrid “en raison des intempéries persistantes de ces dernières semaines qui ont affecté la pré-production du festival et compte tenu des prévisions défavorables attendues pour jeudi avec de fortes tempêtes au cours de l’après-midi”. Là où en Allemagne, le Wacken Open Air, le plus grand festival de métal du monde, a invité en cours de route ses festivaliers à rester chez eux s’ils n’étaient pas encore sur le site. Seuls 60% des spectateurs ont pu être accueillis. Surréaliste tout ça alors que Tomorrowland a affrété 125 vols en provenance de 57 aéroports différents amenant à Boom plus de 10 000 festivaliers…
Le flou et les frais cachés
Il suffit d’ouvrir un peu l’œil dans les supermarché: pour nous faire avaler la hausse généralisée des prix, les marques ont souvent conservé les mêmes tarifs mais diminué les quantités qu’elles nous vendaient. Tout ça en conservant souvent le même packaging. Histoire de ne pas trop attirer l’attention… La plupart des festivals font pareil (toi aussi, t’as repéré les Coca de plus en plus petits?). Fragilisés par l’inflation et confrontés aux cachets chaque année plus importants réclamés par les artistes, les organisateurs augmentent discrètement l’addition. Pour la même douloureuse qu’avant, on peut vous proposer moins de jours, moins de scènes, moins de groupes. Avec ou sans le camping. À Dour, cet été, il fallait au minimum débourser 38 euros (douches non comprises) même si on ne voulait planter sa tente qu’une nuit… Toutes les techniques sont bonnes. Comme l’utilisation de sa propre monnaie qui peut méchamment brouiller les pistes. Le douros vaut 1,70 euro. Le coin à Werchter, 3,50 euros. Même chose au Graspop pour le skully… Alors quand en plus le paquet de frites coûte 2,2 fois la devise locale, il faut commencer à prévoir sa calculatrice.
La dématérialisation
Il est loin (c’était en 2011) le temps où le Primavera, encore lui, jouait le coup du cashless pour finalement, suite à un bug informatique, accepter le paiement comptant au bar pendant tout le week-end. Fini les tickets qu’on retrouve au fin fond de ses poches au lendemain des festivals. Qui n’étaient évidemment plus utilisables l’édition suivante dans la plupart des cas. Aujourd’hui, de Werchter à Lokeren, en passant par Dour, on paie avec une carte ou un bracelet crédité du montant souhaité. Rechargeable via une application ou une borne locale. Alors, certes, il y a peu de chance que vous perdiez votre poignet dans les champs et vous pourrez en plus récupérer ce qu’il vous reste comme crédit. Tout bénef a priori. Sauf qu’il y a des frais d’activation chez les uns (0,60 euro pour The Weeknd au stade Roi Baudouin) et des frais de remboursement chez les autres (3,50 euros à Werchter et Tomorrowland). Puis aussi un montant minimal (difficilement justifiable) à charger…
La karaokéisation
La tendance se confirme, bien aidée par la généralisation du hip-hop et des musiques électroniques: de plus en plus de concerts pendant l’été s’apparentent à des seuls en scène ou se passent en tout cas de musiciens. De DJ même. Kendrick Lamar, Lil Nas X, Damso… Le live aujourd’hui ressemble un peu trop à un karaoké. Un karaoké où le mec sait chanter (à tout le moins rapper), sur ses propres chansons certes, mais un karaoké quand même. Même Rosalía, la chanteuse catalane de flamenco moderne, ne s’encombre pas d’instruments. Elle préfère assurer le show avec ses danseurs et ses chorégraphies. Ce qui n’a pas l’air de déranger grand monde. Et pour cause, ça devient la norme. Dans un format plus rock mais tout aussi dépouillé, Billy Nomates (une espèce de demi-Sleaford Mods au féminin) s’est fait incendier sur les réseaux sociaux après son concert à Glastonbury. Beaucoup lui ont reproché l’absence d’un groupe… Choc des cultures et des générations?
Le jeu vidéo
Cela fait déjà quelques années que les Ardentes mettent le jeu vidéo à l’honneur et ouvrent une zone gaming (1 800 mètres carrés cet été tout de même) au sein du festival. Bornes rétro, jeux vidéo des années 90, cockpits de simracing professionnels… À Liège, on pouvait même tenter de gagner un voyage en Italie en se dandinant devant Just Dance et participer à une initiative “cherchant à valoriser les compétences acquises via le gaming dans le cadre de recherche d’emploi pour les profils digitaux”. Le Pukkelpop vient lui d’inaugurer une nouvelle scène, la E-rena qui a proposé trois jours de gaming, de conférence, d’e-musique et d’expérimentation avec l’intelligence artificielle. Tournoi de Clash Royale, robot qui fait du stand-up, graphic novel… Le Pukkel a même désormais sur Roblox son pendant virtuel, accessible gratuitement pour tous les utilisateurs de la plateforme vidéoludique. La Limbourgeoise Ise (17 ans) a remporté un concours pour jeunes talents, obtenu son propre avatar en motion capture et donné deux concerts, l’un virtuel, l’autre en chair et en os. “Les festivals ressemblent désormais au croisement d’un spa et d’un pub gastronomique”, titrait The Guardian avant le coup d’envoi de la saison, se demandant quelle était désormais la place de la musique dans ces expériences 360 où on peut désormais nager, regarder des films ou encore jouer au beach-volley. Pour le coup, bienvenue au Luna Park!
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