On était au concert de Kendrick Lamar: un roi solitaire aux Ardentes

Kendrick Lamar, Les Ardentes, 2023 © TheDenClubiii
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Jeudi, les Ardentes ont démarré avec une première tête d’affiche incontestable : Kendrick Lamar, aussi simple et efficace, que singulier.

Huit ans après un premier passage aux Ardentes, Kendrick Lamar était de retour à Liège. Et c’est peu dire qu’entre-temps, le statut du rappeur de Compton a changé. En 2015, il portait pourtant déjà sur la tête la couronne de roi du rap US, confirmée par la sortie cette année-là de l’album To Pimp A Butterfly. Aujourd’hui, son aura reste non seulement intacte. Elle dépasse désormais la seule sphère du rap. Pour le dire autrement, Kendrick Lamar incarne bien l’une des figures culturelles les plus importantes de l’époque. A sa manière. Avec des disques volontiers touffus et complexes – Mr Morale & The Big Steppers. Et des lives aux partis pris esthétiques affirmés, traçant des pistes sans toujours toutes les éclaircir – son concert spectaculaire au Sportpaleis, l’an dernier.    

Un concert en festival, a fortiori en tant que tête d’affiche, reste toutefois un exercice particulier. Kendrick Lamar a les hits pour rassembler et remplir la mission. En arrivant seul sur scène, il donne même l’impression de jouer pour une fois la simplicité. Il démarre par exemple avec un extrait de The Heart Pt 5, samplant Marvin Gaye, avant d’enchaîner avec N95, créant directement une première étincelle dans le public. Kendrick Lamar semble presque d’accord pour livrer ce qui ressemble le plus à un show rap « traditionnel ».

Maître Shifu

Pourtant, même dans cette configuration, le rappeur ne peut s’empêcher d’imposer sa singularité. Et ce qu’il faut bien appeler son charisme. Bomber noir, casquette retournée, lunettes cerclées, K.dot pense chaque rime, investit chaque inflexion, réfléchit au moindre geste – même quand il joue la décontraction une main dans la poche. Souvent, il s’écoule plusieurs secondes entre les morceaux. Mais Lamar ne bouge pas, inflexible. Pantalon large, celui qui se faisait appeler Kung Fu Kenny est désormais moine shaolin. Aussi concentré que tranchant.

Derrière lui, une série de peintures façon Harlem Renaissance servent de décor. Des danseurs font également leur apparition : foulard bleu autour du cou, tablier de boucher en jeans autour de la taille, ils ont tous les traits de Kendrick. Leur rôle ? Sur Money Trees, ils semblent incarner les différentes facettes du gamin de Compton, tiraillé entre la rue et une vie plus apaisée. Ailleurs, les sosies bougent comme des automates, comme coincés par la célébrité de leur modèle. Dénoncent-ils ou alimentent-ils le culte de la personnalité de la star ? Comme souvent, Lamar laisse l’interprétation ouverte.

Wallifornia Love

Au niveau de la setlist, la sélection brasse large. K.Dot va même piocher dans l’inaugural Section 80 (pour ressortir une bribe d’A.D.H.D.). On parlait plus haut de tubes. Ils sont bien tous là, de King Kuta à Humble, en passant par Alright (sans jamais prononcer le n word). . A sa sortie, Mr Morale… avait parfois laissé certains à quai. Un an plus tard, force est de constater que certains de ses morceaux ont pourtant bel et bien été adoptés – comme Count Me Out ou Die Hard. Au passage, Kendrick Lamar fait également un détour du côté du Nosetalgia de Pusha-T et glisse même sa partie du Sidewalks de The Weeknd.

En 2015, le rappeur était venu accompagné d’un groupe. Jeudi soir, on a parfois eu l’impression qu’un band était planqué en coulisses. Notamment sur les gros riffs de guitare ajoutés sur des titres comme Backseat Freestyle ou Humble. Sauf erreur, Lamar était pourtant bel et bien seul sur scène. Le verbe et le flow magnétiques, donnant l’impression de maîtriser chaque particule d’air autour de lui.  King Kendrick en son royaume…

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