Le côté punk de Tournai avec Unik Ubik
Sur I’m Not Feng Shui, les Tournaisiens d’Unik Ubik assument le côté punk de la Force, rendent hommage à Tuxedomoon et se moquent de Maggie De Block. Rencontre.
Thomas Rasseneur partage son repas de midi et la banquette chauffante des Amis Réunis, troquet plein d’âme du centre de Tournai, en taquinant le patron avec un commentaire surréaliste de TripAdvisor. Le garçon est moqueur et a l’humour pince-sans-rire. Blagues à froid. Âmes sensibles parfois s’abstenir. Rejoint par le guitariste Sébastien Delhaye et le nouveau batteur Aurélien Van Trimpont, le tenancier du Water Moulin vient vendre le nouvel Unik Ubik avec, sous le bras, un exemplaire du dernier Bayacomputer. « Tu vois Pierre Carette, le mec des Cellules Communistes Combattantes (qui ont perpétré 28 attentats en Belgique au milieu des années 80, NDLR)? Il nous adore. Il est venu voir notre concert aux Nuits Botanique. Bref, une fois, il m’a dit: « Vous vous foulez quand même pas des masses avec Unik Ubik. Deux albums en dix ans… » » Vu comme ça, on ne peut pas lui donner tort mais entre Baya, Spagguetta Orghasmmond, Warm Exit et des piges de caméraman chez No Télé, l’agenda du mec est plutôt chargé.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Avant de s’aventurer sur les traces de The Ex et de Getatchew Mekurya, de mélanger le rock et les musiques éthiopiennes, Thomas et Sébastien avaient déjà eu un groupe ensemble: Château Bourneville. « En gros, Jon Spencer qui aurait croisé la route des Dead Kennedys. Mais en mieux bien sûr. » À la base, avec le batteur Thomas Lefebvre, ils décident de monter un projet instrumental et de remplacer les chants par un saxo. Ils ne supportent pas leurs voix respectives. « Louis Minus avait joué quelques semaines plus tôt au Water Moulin. J’ai réussi à choper le numéro d’un de ses deux saxophonistes. Mais je ne savais pas lequel. On pensait que c’était l’autre d’ailleurs qui était plus sympa. Et donc, JB se ramène avec sa tronche de cake. Je vois encore sa tête quand il arrive dans le local de répète. » « JB est toujours très sérieux, embraie Sébastien. Il a ramené le côté éthio, afro. » « On lui avait dit qu’on faisait de la musique entre Cologne, Abidjan et je ne sais plus quoi. Il y avait quatre villes. Cologne pour l’aspect un peu kraut. Abidjan pour le côté new beat… »
Enregistré dans une petite cave du nord de la France (« C’est pour ça qu’il sonne comme une boîte de conserve« ), Unik Ubik, le premier album sobrement nommé, sorti en 2014, est quasiment instrumental. Uniquement ponctué de quelques passages vocaux surréalistes genre « la frite est moins chère quand on a 18 ans »… « On a remporté le tremplin du festival de Dour. Mais on avait triché, avoue Thomas. Il fallait être de la région de Mons et avoir moins de 26 ans. Comme l’autre Thomas bossait en ville, il avait mis l’adresse de son boulot. »
Avec Maximum Axis (2016), fabriqué à Gand entre deux siestes de Peter Van de Veire (Fifty Foot Combo, The Glücks), Unik Ubik enfonce le clou. Il emprunte un texte à Raoul Vaneigem, écrivain et philosophe lessinois connu pour sa participation à l’Internationale situationniste aux côtés de Guy Debord. « Il y avait du trombone et Seb avait un peu travaillé sa voix. Il avait arrêté de chanter comme Bono. » Le groupe s’exporte en Tchéquie et en Allemagne, joue dans un garage pour les tanks en Hollande, la batterie perchée sur un élévateur à 20 mètres de hauteur à Duisbourg…
Has been et grossophobe…
Le troisième album, I’m not Feng Shui, s’est fait désirer mais il s’apprête enfin à voir la lumière du jour. Il a été enregistré il y a des plombes à Bruxelles, au studio Pyramide, où Sandra Kim et Muriel Dacq ont travaillé. Puis aussi Tuxedomoon et Cabaret Voltaire. « Ça devait être super dans les années 80. Là, c’est devenu un peu désuet. » Sur le disque, plus rock, plus direct, moins fanfare (le saxophone est toujours là mais le trombone a disparu), on entend du Television, du Clash. Surtout la voix de Joe Strummer. Puis plein d’autres choses dont une reprise du Pinheads on the Move cher à Blaine L. Reininger et sa bande. « On devait jouer avec Tuxedomoon, assurer sa première partie au Magasin 4. Le bassiste Peter Principle est mort une semaine avant le concert, dans une chambre des Ateliers Claus. Il ne s’est pas réveillé. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Si le titre de l’album va à rebours de son temps (le feng shui est une philosophie de vie permettant de vivre en harmonie avec la nature), c’est à la fois par ras-le-bol, sens de la provoc, et de l’ironie… « À un moment, sur La Première, tu entends des émissions sur le recyclage de papier toilette. Je voulais prendre un peu le contrepied. Trop is te veel. Je veux bien caresser un arbre de temps en temps, mais bon, faut pas exagérer. » « Toutes les chansons ont deux ou trois ans, souligne Sébastien. Du coup, c’est un disque has been avant même sa sortie. Maggie débloque n’a par exemple rien à voir avec le vaccin, le virus et compagnie. Tout ce bordel n’avait même pas encore commencé. »
Le clip, bricolé, a quand même eu son petit effet. « On s’est fait traiter de grossophobe », termine Thomas. « Ouais, elle est pas grosse parce qu’elle a mangé trop de bonbons. Vous avez rien compris. D’habitude j’aime bien le punk mais là franchement Sid Vicious doit se retourner dans sa tombe. C’est une honte pour la musique. » « C’est juste un mec sur YouTube, conclut Sébastien. Tu peux te casser le cul à réaliser des trucs plus léchés, pas sûr que ça débouche sur autre chose. Il n’y a pas de secret. Si tu cherches le buzz aujourd’hui, faut faire comme Jul ou Stromae. Tu te mets en scooter devant ta cité où tu instrumentalises le JT de TF1. »
Unik Ubik, I’m Not Feng Shui, distribué par Humpty Dumpty. ****
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici