La recette musicale du premier album de Fat Dog: «L’ennui est un super moteur»

Joe Love (avec son chien), moteur de Fat Dog: "Au plus tu t’emmerdes, au plus ton cerveau tourne." © D.R.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Nouvelle sensation londonienne avec sa musique de rabbin sous ecstasy, Fat Dog aboie mais ne mord pas.

Septembre 2022. La campagne anglaise. Au festival End of the Road, un furieux chanteur en kimono bénit ses fidèles dansants. Musicos en chapeau de cow-boy. Batteur masqué d’une tête de chien. La scène est totalement surréaliste. La musique aussi d’ailleurs. Un mélange de rock, de post-punk, d’industriel qui vire en techno de clubbers et électro de rave. Beats putassiers qui font vriller et saxophone fou qui aime le klezmer, les Balkans et le jazz éthiopien. Deux ans se sont écoulés. Fat Dog sort enfin son premier album: WOOF. Et sur le label Domino (Arctic Monkeys, The Kills, Wet Leg…), s’il vous plaît. Aucunement question de passe-droit et de népotisme par ici. Mais la sueur des fronts et des concerts survoltés. « On n’est pas des enfants de célébrités et on n’est pas non plus un plan tout marketé de l’industrie, commente le claviériste Chris Hughes. Le père de Morgan travaille chez Sony. Mais le mien fait du rhum et ma mère est prof de natation.« 

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On parle souvent de Carl Barât et de Pete(r) Doherty pour les rapports privilégiés qu’ils entretiennent avec leur public. Les Libertines invitaient systématiquement leurs fans dans les loges quand ils ne les laissaient pas dormir dans leurs chambres d’hôtel. Fat Dog va plus loin. Il a embauché en la personne de Hughes un mec qui pleurait à un de ses concerts. « Je m’étais fait larguer. J’étais très ému. J’ai été au Windmill. J’étais défait. Je chialais. J’avais besoin d’énergie. Et c’était la première fois que j’en ressentais autant depuis un bout de temps. Je connaissais l’ancien joueur de synthé. Alors je me suis manifesté. Je suis parti le voir en lui disant que le groupe avait besoin d’un musicien supplémentaire et je leur ai fait croire que je maîtrisais le violon, dont je ne savais pas jouer. Ce qui ne les a pas empêchés de m’embaucher. »
Né en juillet 1999 à Londres, Joe Love est le seul survivant de cette version embryonnaire. Ancien membre de Peeping Drexels (dont il s’est fait virer), il a commencé à écrire et composer dans son coin pendant le confinement. « Fat Dog a dû naître dans ma tête aux alentours de 2017, résume Love. J’en avais tellement marre de faire du post-punk. Je voulais proposer quelque chose de différent. À Londres, à l’époque, dès qu’un nouveau groupe débarquait, il sonnait comme The Fall et The Birthday Party. » La faute de la Fat White Family? « En effet. Mais je pense aussi aux Country Teasers. Fantastiques. Après, tout est devenu vraiment chiant à en crever. Ce n’était plus la musique qui comptait. C’était même souvent de la merde. Une rock’n’roll attitude sans les morceaux qui devaient aller avec. J’ai voulu faire un truc ridicule tellement je m’ennuyais. De la musique pour hurler dans l’oreiller. » Son comparse embraie. « L’ennui est un super moteur, je trouve. Au plus tu t’emmerdes, au plus ton cerveau tourne. »

Fat Dog sème la confusion

Hughes (22 ans) parle des claques que lui ont mis Death Grips et la compositrice polonaise Hania Rani. « Ça faisait une éternité que je ne m’étais plus dit du début à la fin d’un concert qu’il était génial. » Il s’emballe quand on se met à parler de musique éthiopienne, chante Jump de Van Halen, loue le pouvoir d’attraction de Richard Dawson et évoque le métier d’affineur fromager, qu’il a exercé. De quelle culture vient Fat Dog? Celle du punk ou celle des clubs? Hughes a grandi en écoutant du folk et du classic rock. Il a joué de la contrebasse dans des orchestres, puis de la basse dans des groupes de jazz. « Moi, j’avais 14 ans quand j’ai vu pour la première fois la Fat White Family, avoue Joe Love. Je me suis dit: je veux être dans un groupe comme celui-là. Et puis, j’ai réfléchi. Pas sûr en fait. Ça peut vite devenir gênant… J‘ai toujours aimé la musique électronique. J’en ai fait avant de me tourner vers le post-punk. C’était affreux. Dans le genre deadmau5, Avicii. Paix à son âme. Mais ça m’a appris à faire des beats. Je n’ai jamais écumé les boîtes. J’écoutais juste de la musique au casque. »

Les mecs sont bavards et marrants. Un sujet qui traverse l’album? « La confusion. Définitivement la confusion, résume Hughes. Mais je ne suis pas sûr non plus. On a joué certaines chansons pendant trois ans avant même de les emmener jusqu’à un studio d’enregistrement et de se rendre compte que la plupart n’avaient pas de paroles vraiment établies. C’est du rythme à l’état pur. Mais certains textes ont une signification, je suppose. »

Fat Dog célèbre le grand mélange des genres. « La question à se poser, c’est toujours: et pourquoi pas? Pour le moment, la musique a tendance à être très cérébrale et fait peu danser les gens. On est à l’opposé de tout ça. Nous, on fait de la musique qui parle à ton corps plus qu’à ta tête. Il y a un truc très instinctif avec la musique. Elle te prend aux tripes. Tu entends une bonne chanson et tu chopes des frissons. C’est ce qu’on traque tous, non, les frissons? »

“Il n’y a pas beaucoup de job où tu te retrouves en un claquement de doigts à bosser devant 10 000 personnes qui t’applaudissent”

Joe Love

Ceux qui suivent Fat Dog ne seront pas trop surpris par l’album produit par Love, James Ford et Jimmy Robertson. Ils en connaissent déjà la plupart des morceaux. Ils évoquent Nine Inch Nails, Prodigy, la nu-rave. « Je pense que si on faisait un disque maintenant, il s’adresserait à un public plus large, concède Joe Love. Tandis que là, les chansons, elles sont pour les 200 fans qui sont venus à nos premiers concerts. »

Autour de Fat Dog s’est déjà agrégée une communauté. « Des gens qui écoutaient Fat Dog bien avant que j’en fasse partie. Et bien avant qu’on ait sorti quoi que ce soit, termine Hughes. Ils se sont mis à échanger, à partager des vidéos YouTube, à se rassembler pour venir voir nos concerts. Certains s’hébergeaient le cas échéant. Donc oui, il y a un certain sens de la communauté. Parce qu’il ne suffisait pas d’aller sur Spotify pour nous entendre. Il fallait bouger son cul. Ça crée des liens et une conscience de groupe. »

Fat Dog sera en concert le 06/10 au Grand Mix (Tourcoing) et le 10/10 au Botanique (Musée).

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