Gros Cœur avec les doigts pour «Vague scélérate», le nouvel album du groupe liégeois

Les remuants Liégeois de Gros Coeur sortent leur nouvel album, Vague scélérate.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avec Vague scélérate, son deuxième album, l’excitant et métissé groupe liégeois continue de faire voyager la scène rock belge.

ROCK

Gros CœurVague scélérate

Distribué par Jaune Orange. Le 12 décembre au Centre culturel de Lessines, le 18 décembre à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles, et le 18 avril 2026 au Salon, à Silly.

La cote de Focus: 4/5

Deux ans après son Gros disque qui permettait de découvrir Java, de rencontrer Monique et de s’aventurer dans le Ventre du volcan, Gros Cœur surfe sur une Vague scélérate pour danser sous les bombes et les feuilles qui tombent, voyager dans son canapé, se faire une cure de vitamines avant l’hiver. En cinq morceaux et trois quarts d’heure de traversée, les remuants Liégeois font tanguer King Gizzard and the Lizard Wizard, la scène montréalaise (Corridor, Chocolat…) et les musiques des quatre coins du monde (Turquie, Nigeria…) dans un album de rock psychédélique et kraut mouvementé à la fois inquiet et bariolé. Un disque qui promet des concerts enflammés, dont Gros Cœur a le secret.

Liège. Une journée étonnement chaude et lumineuse de novembre à une terrasse de bar à café devant la gare des Guillemins. Raccord. Adrien Chapelle a été barista dans une autre vie (il a aussi été «ingé son» dans un café-concert à Namur), et son groupe Gros Cœur met du soleil dans les nôtres depuis qu’il a déboulé sur les versants les plus escarpés et métissés de la scène francophone belge. «J’ai débarqué à Liège parce que j’avais rencontré quelqu’un, et cette personne habitait en coloc avec Jimmy (NDLR: Geers). J’avais joué dans Alaska Alaska, en compagnie d’Alex (NDLR: De Bueger croisé dans Alaska Gold Rush et Ada Oda). De la musique indé avec du Interpol et du Arcade Fire dedans. Et comme j’avais composé des choses plus rock, plus psyché, je me suis mis en tête de monter un nouveau groupe.»

Confinement salutaire

En compagnie de Julien Trousson, un Bruxellois rencontré par l’intermédiaire d’Audrey Marot (Annabel Lee), les trois hommes commencent à répéter fin 2019. Juste avant que la pandémie et le confinement n’arrivent. «Je n’avais jamais joué de la guitare dans un projet et Julien se mettait à la basse pour la première fois, se souvient Jimmy, qui a travaillé pendant sept ans à la production du Théâtre de Liège, a joué du synthé dans OSH et de la batterie pour Romain Cupper. Ce fut une vraie rencontre. Une improbable mise à nu. On est vraiment le fruit du hasard. Ça aurait pu ne pas fonctionner humainement, mais on est devenus super copains. C’est pour ça qu’on s’appelle Gros Cœur. On aurait pu chanter en anglais comme tout le monde, mais on a pris la décision d’y aller en français.»

Au départ, les Liégeois rappellent les débuts de Tame Impala. A l’occasion un King Gizzard and the Lizard Wizard. Chacun dans le groupe a son univers et ses petites lubies. «J’aime autant Philippe Katerine qu’Alice in Chains, reconnaît Jimmy. Julien, par exemple, a eu des projets métal assez intenses mais reste un Gros Cœur sensible. Il écoute aussi des trucs folk mal enregistrés. On a parfois des discussions un peu houleuses. Mais on trouve toujours un terrain d’entente. On est belges, on sait ce qu’est le compromis.»

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Après quelques mois d’incubation dans un local à Zaventem, sur un zoning, dans un immeuble abandonné et d’anciens bureaux où répétaient Soldout et Alaska Gold Rush –«au rez-de-chaussée, il y avait des décors de théâtre et au deuxième étage, un paquet de cercueils–, Gros Cœur s’est trouvé. «Adrien a très vite coloré sa guitare de façon orientalisante. Alex a remplacé ses fûts de batterie par des congas. Et on a aussi intégré des bongos, que je joue. Ça nous a rapidement amené un nouveau son, une nouvelle identité

De leur propre aveu, les Gros Cœur ne savent pas à quoi ils auraient ressemblé sans le lockdown. «Nos premiers morceaux prenaient une direction plus classique. C’est du confinement que vient notre envie de faire la fête et de danser en jouant. Ce fut notre bouffée d’oxygène.»

«On nous a dit qu’un single de trois minutes, ce serait pas mal. On a essayé, mais on n’y arrive pas.»

Pessimistes heureux

Vague scélérate, le titre du deuxième album de Gros Cœur, fait référence à un phénomène météorologique. A une vague océanique beaucoup plus haute que les autres. Isolée et considérée comme rare. La Vague, le morceau d’ouverture, s’étend sur un petit quart d’heure… «On nous a dit qu’un single de trois minutes, ce serait pas mal, sourit Jimmy. On a essayé, mais on n’y arrive pas. Ça ne s’est pas encore concrétisé, en tout cas.» «J’aimerais bien, moi, faire tourner un morceau pendant une heure comme France, avoue Adrien. Mais on reste dans le format chanson avec quelque chose de progressif et de dynamique

Lorsqu’il évoque la musique de son Gros Cœur, Jimmy affectionne le terme «patchwork»… «Il y a plusieurs styles dans un même morceau. Trois genres différents par chanson. La longueur nous permet l’éclectisme. Sans elle, ça ne pourrait pas fonctionner. Ce serait imbuvable. C’est une recette qui s’est imposée d’elle-même et qui nous plaît. Elle fait notre identité. Peut-être qu’un jour on ira trop loin, que ce sera laid et moche. Pour l’instant, on n’arrive pas à s’en détacher, et tant mieux.»

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Gros Cœur n’en reste pas moins accessible et pop. «On ne veut pas que les gens s’emmerdent, insiste Adrien. J’aime les sonorités orientales et un groupe comme Altin Gun, que j’ai découvert sur le tard. Cela dit, je viens vraiment de la pop. Au départ, j’écoutais beaucoup des mecs comme Alex Cameron et Mac DeMarco.» Adrien et Jimmy évoquent le Mauskovic Dance Band, Glass Beams, l’éthio-jazz, la rencontre entre Cheveu et Group Doueh et Julien qui prend des cours de oud. Dans l’utilisation des voix et du français, Gros Cœur, qui a intitulé un de ses titres Montréal, rappelle les Canadiens de Corridor, Malajube et Chocolat. «Tu sais que c’est du français. Tu reconnais un mot ou l’autre. Mais pour capter une phrase en entier, c’est compliqué…» Adrien a géré le mix du nouvel album et les paroles sont davantage mises en avant. «Il y aura toujours quelqu’un pour dire: on n’entend pas trop ce que tu racontes. Au pire, il y a les paroles dans le vinyle.» «Et si les gens doivent écoutent le morceau 100 fois pour être sûrs d’avoir bien compris, ça nous fait des vues, plaisante son comparse. Tout le monde est gagnant.»

Vague scélérate parle de notre place dans une société qui part en vrille. D’anxiété sociale. De se laisser submerger en amour ou en amitié. Tout ça avec le sourire. «S’il est plus darkos que le précédent, on reste quatre pessimistes heureux. Je crois que le monde va assez mal, mais originellement, on est des gens de bonne humeur. L’humour a beaucoup d’importance à nos yeux. Ce qui se voit dans nos clips, d’ailleurs (NDLR: réalisés par Alex, qui a étudié la vidéo à l’Inraci). Ecouter un album de Gros Cœur est un voyage, une aventure. Avec des moments solaires et d’autres pluvieux, parce que la vie est comme ça.» «Je comprends les groupes qui, à juste titre, dénoncent tout ce qui ne va pas dans le monde, conclut Adrien. Mais nous, on essaie d’offrir une petite porte de sortie. De faire vivre aux gens un moment suspendu qui recharge les batteries. Notre musique fait un peu planer. Et quand tu planes, t’as pas envie d’être dans la neige. Tu te vois sur la plage ou une terrasse ensoleillée.»

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