Le baromètre du dimanche

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Pour son dernier jour, Dour a sorti la grosse artillerie, avec des propositions partant dans tous les sens.

Le plus nineties: Bryan’s Magic Tears

Ils font très années 90 (celles de leurs naissances) et génération MTV les rockeurs français signés par Born Bad. Mais il y a définitivement plein de choses et des bonnes dans le son des Bryan’s Magic Tears. Capital sympathie en prime… Les Parisiens ont embauché un ambianceur. Un mec au look bizarre qui danse comme un ahuri avec un sourire benet. Un peu la version Paname sans tambourin ou maracas de Joel du Brian Jonestown Massacre ou de Bez des Happy Mondays (leur bassiste Paul Ryder est pour la petite histoire décédé la semaine dernière).

Le plus Fat White : Warmduscher

Les extraits de leur nouvel album (At The Hotspot) passent encore un peu laborieusement la barrière de la scène mais les cousins groovy de la Fat White Family (consanguinité comprise) incarnent le rock comme on l’aime. Crasseux, poisseurs, funky, cinglé, subversif.

Le plus raccord : Black Midi

Dans la vie, tout est une question de timing. Et dans la rencontre entre Black Midi et Dour, les hasards du calendrier ont plutôt bien fait les choses. Les Londoniens jouaient dans le Hainaut deux jours seulement après la sortie de leur remarquable nouvel album (Hellfire). Un groupe, un disque, un concert jusqu’au-boutiste, insaisissable, radical qui bouscule les habitudes.

Le plus cinématographique : Los Bitchos

Réunies autour de leur passion pour le rock instrumental et les sonorités de l’ailleurs, les filles de Los Bitchos composent les musiques de films qui n’existent pas. Des films exotiques qui aiment la pop turque (elles ont collaboré avec Altin Gun) et la cumbia péruvienne (elles recommandent chaudement la compilation Chicha). Mais ont aussi un faible pour le punk, le garage et le grunge. Rien de dingue sous le soleil…

Les plus drôles : Sleaford Mods

A Werchter, ils jouaient Main Stage un peu perdus en début d’après-midi. A Dour, les deux zozos de Sleaford Mods se sont produits sur l’un des plus petits podiums au beau milieu de la nuit. Fini de descendre canette sur canette, main dans la poche. Le beatmaker Andrew Fearn a calmé un peu la beuh et pris un abonnement à la salle de gym. Du coup il danse pour accompagner les diatribes de Jason Williamson et son accent à couper au couteau. Entre post punk électronique et hip hop mordant, le tandem de Nottingham (Les Mods de Sleaford ne sont ni Mods ni de Sleaford) dépeint avec humour et noms d’oiseaux une Angleterre qui part en couilles.

Olivier Donnet

Le plus DFA: MADMADMAD

Dans son manifeste (si si), MADMADMAD se définit comme l’expression de nos aliénations individuelles et de nos troubles mentaux en tant que société. Pourquoi pas? Gros moteur, du pétrole, des idées… Né d’une improbable rencontre dans un studio de Tottenham, MADMADMAD est une irrésistible machine à danser. Le groupe britanno breton aime le krautrock et le disco. La no wave et le label DFA. Battles et !!!… Les fans de James Murphy et de LCD Soundsystem apprécieront.

Le plus déchaîné : Roméo Elvis

« Je suis pas sûr que le rap m’aime autant que je l’aime », confesse Roméo Elvis sur Quand je marche (Ben Mazué). Il aurait pu dire la même chose de Dour. Dimanche, le rappeur de la famille Van Laeken n’a cessé de clamer son amour pour le festival, à quel point le rendez-vous était important pour lui. Du coup, devant un public en partie amorti par cinq jours de concerts, et légèrement assommé par un soleil de face, il est allé au charbon, bien décidé à avoir son moment. Quitte à ne s’attarder que rapidement sur le dernier album (Rappeur préféré, Ben Mazué, ChatChienChaud, L’adresse) et passer directement aux tubes de la maison (Drôle de question, Soleil, J’ai vu), en particulier ceux susceptibles de retourner le plus facilement les premiers rangs (le bien nommé Pogo, 300, 3 Etoiles) Et il faut bien avouer que, dans le genre, la recette est assez irrésistible. On le savait, mais, plus que jamais, Roméo Elvis est une vraie bête de scène, déconnant entre les morceaux, habité pendant. En toute fin, les copains de l’ODC (Apollo) et Caba & JJ (Un cadeau) viennent encore apporter leur contribution à un concert parmi les plus percutants de la semaine.

Olivier Donnet

Les plus malins : Caballero & JeanJass

Mais qui voilà-je ? A la fin de leur concert dans la Boombox, jeudi, Caballero et JeanJass avaient annoncé qu’ils seraient déjà de retour dimanche. Ils ont tenu parole. Les deux rappeurs ont livré un show surprise, au beau milieu de la plaine, devant les fameuses lettres de Dour. L’occasion de livrer un mini-set en mode « kickage à l’ancienne » et d’annoncer l’arrivée du second volume de leur série Zushi Boyz. La chance d’avoir ces deux-là dans le rap d’ici…

Le plus attachant : Loyle Carner

Trois ans que l’on n’avait plus eu de nouvelles de Loyle Carner. Il nous avait manqué. On s’en rend compte quand, sur la Last Arena, il ressort des titres aussi attachants qu’Ottolenghi ou Ain’t Nothing Changed. Depuis son dernier album, Not Waving, But Drowning, Le rappeur anglais a traversé manifestement quelques moments difficiles. En témoigne son dernier single, Hate, plus énervé, qui est venu casser l’image de gendre idéal que traîne parfois Carner. Sur la Last Arena, il en a donné une version particulièrement tendue. Le Londonien a toutefois vécu aussi des moments plus heureux. « Je suis devenu père », glisse-t-il tout de go. « Et ça me laisse sans voix, ce qui ne m’arrive pas souvent ! ». Alors qu’en fond de scène est projeté un dessin du gamin, Loyle Carner rappe encore ce que cela signifie d’être métisse ou se lance dans un poème inédit racontant comment il gère son hyperactivité ou la disparition du daron. « Am I lost or Am I just another man sitting in the sunshine? “ Loyle Carner, ou les choses de la vie…

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