End Of The Road, le festival le plus cool d’Angleterre
Concerts, stand-up, karaoké, massage, séances de cinéma, cours de yoga… On s’est aventuré pour vous au End Of The Road, le festival le plus cool d’Angleterre.
Bassin ornemental, bâtiment victorien, pavillon de style colonial qui servait jadis de salon de thé et époustouflant théâtre en plein air décoré par une relecture du Paysage avec les funérailles de Phocion de Nicolas Poussin: les Larmer Tree Gardens, quatre hectares et demi de magie dans le domaine de Rushmore, à la frontière du Wiltshire et du Dorset, ont la classe toute britannique. À l’ombre des larges promenades couvertes de lauriers-cerises, de camélias, de rhododendrons et d’hortensias, on aperçoit des moutons, on croise des paons et des aras. Premiers jardins privés du Royaume-Uni ouverts à la population, les lieux ont été créés par le général et propriétaire foncier Augustus Pitt Rivers en 1880 et pensés comme un terrain de plaisance “pour l’illumination et le divertissement du public”. Jadis, on pouvait y trouver un hippodrome, un parcours de golf, un terrain de boule et des courts de tennis sur gazon. Aujourd’hui, une trentaine d’années après leur nécessaire restauration, les lieux accueillent des mariages, des bals de promo, des baptêmes et des pièces de théâtre. Ils sont aussi, même surtout, le cadre enchanteur du End Of The Road. Oui, End of the road, comme la chanson de Boyz II Men et le nouveau thriller Netflix avec Queen Latifah.
Créé en 2006 par Simon Taffe, qui était à la tête de sa propre boîte de décoration mais n’avait aucune expérience dans l’industrie musicale, et Sofia Hagberg, le End Of The Road a été élu en 2016, 2017 et 2019 le meilleur petit festival aux NME Awards. C’est en tout cas celui dont on rêvait pour parachever un éprouvant été festivalier qui, en Belgique comme ailleurs, devrait rebattre les cartes. Au End Of The Road, on rentre déjà avec toute la boustifaille et la picole qu’on veut tant qu’elle n’est pas dans des bouteilles en verre. On parle du camping, mais aussi d’un site où les spectateurs boivent leurs propres canettes devant les concerts, où il y a des fontaines à eau potable partout et où on retrouve des gourdes de gin tonic par terre après les prestations les plus agitées. Alors bien sûr, on est en Angleterre, qui est pas super bon marché. Mais mine de rien, ça fait du bien de ne pas se sentir comme une vache à lait ou un cochon payeur. Puis, en comparaison, les bières étaient moins chères qu’à Werchter. Pas d’espace VIP ici. Le leitmotiv du End Of The Road, c’est de respecter les artistes et le public. Tout le public.
Pendant quatre jours et sur six scènes, derrière les quelques locomotives américaines que sont les Pixies (l’album à venir fait peur), Battles (c’était mieux avant), Bright Eyes, Kevin Morby et autres Fleet Foxes, le End Of The Road a donné le ton de ce qui nous attend. De ce que le monde de la musique compte d’original, de beau, de touchant et d’encore trop méconnu (Lael Neale, Jake Xerxes Fussell, Party Dozen). Puis surtout de ce que l’Angleterre balancera à nos oreilles ébahies dans les quelques semaines, mois, voire années à venir.
Le End Of The Road a le don de dégoter tout ce que le pays a de plus excitant. Il y a ceux qui sont déjà passés par chez nous. Comme Porridge Radio (auteur d’un très bon troisième album) ou Yard Act (Blur versus The Fall), dont le concert -le dernier annoncé du festival- a failli être annulé alors que l’orage grondait et que les éclairs déchiraient le ciel après avoir poliment attendu la fin du concert d’Aldous Harding. Il y a surtout tous ces petits groupes, parfois sans même de disque, qui font la particularité de l’événement. Sans le crier sur tous les toits et s’en servir comme d’un argument de vente donneur de leçon façon Primavera, le End Of The Road ne devait pas être bien loin de la parité hommes/femmes sur l’ensemble du week-end. Et, c’est tout son talent, sans jamais non plus donner l’impression de forcer les choses. La protégée de Dan Carey Sinead O’Brien, l’Australienne Grace Cummings, un groupe mancunien qui chante en français (Mandy Indiana), un autre, M(h)aol, qui revendique le droit au sexe pendant les menstruations
(“Si ça vous pose problème, messieurs, demandez-vous pourquoi”)… Girl power.
Au End Of The Road, on ne fait pas qu’écouter de la musique. On peut aussi aller se marrer avec des humoristes anglais (Alistair Green, Mike Wosniak…), rencontrer des auteurs ou les écouter lire des extraits de leurs bouquins (Bob Stanley, membre fondateur de Saint Etienne, ou encore Tom Cox…). On peut s’affaler dans un transat pour regarder Dead Man, Licorice Pizza, Titane ou Videodrome, jouer au ping-pong, au cornhole et à un drôle de bowling. Il y a même des espaces et des ateliers pour les enfants, un jardin de guérison et une bibliothèque en forêt. On peut également aller chanter au karaoké ou se contenter d’y regarder Kevin Morby s’attaquer au Last Nite des Strokes.
Pour achever en beauté sa première journée, le End Of The Road a organisé sa traditionnelle Silent Disco. Les gens sont dans leur bulle, dansent en silence. Le tableau est un peu surréaliste. Le concept de ces soirées interactives est d’équiper les teufeurs de casques sans fil par lesquels est diffusé le son des DJ. Quel intérêt à part celui de ne pas faire chier les voisins? Celui de créer de nouvelles dynamiques sur le dancefloor. Parce qu’il y a plusieurs canaux évidemment. Donc tu choisis si tu veux pogoter sur Shame ou bootyshaker sur Beyoncé. Tu reconnais vite à leurs déhanchements ceux qui sont sur la même longueur d’ondes.
Les autres jours, pour terminer les soirées avant de se perdre dans le petit bois ou au coin du feu de camp où les plus valeureux s’achèvent, les organisateurs proposent des concerts surprises. Mis à part Alabaster dePlume qui a craché le morceau, le succès était plutôt bien gardé. Et si la plupart des artistes figuraient déjà à l’affiche, on aura quand même eu droit à la visite inattendue de Geoff Barrow et de Beak>, son groupe de krautrock post-Portishead. Pour compléter le tableau (en mode Déjeuner sur l’herbe), il y a la nourriture. De préférence locale, de qualité et pas plus chère qu’ailleurs. Il y a du tibétain, de l’indien, du perse… It’s the End Of The Road as we know it. And I feel fine.
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