Premier album pour le talentueux Sam De Nef

3,5 / 5
Sam De Nef: “Dans cet album, il y a un lien plus ou moins évident à la famille, à l’amour que j’ai pour elle, comme pour mes amis.” © dr
3,5 / 5

Album - Dawn/dusk

Artiste - Sam De Nef

Genre - Musique alternative/indé

Label - Unday Records

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Mais qu’ont ces jeunes Flamands à colporter une telle mélancolie contagieuse? Dans le cousinage de Tamino, l’autre Anversois Sam De Nef balance un premier album talentueux.

L’immeuble à appartements de Sam De Nef à Deurne, Anvers, évoque un compromis entre l’architecture des Pays-Bas et un bout de Londres, avec peut-être un chouia de vieux fantasmes soviétiques dans l’alignement des facades et des perspectives monochromes. Sam: “J’ai passé ma jeunesse avec mes parents dans un village pas très loin d‘ici, à Edeghem, la campagne rassurante, dans une famille de la classe moyenne. J’ai un frère d’un an plus jeune. Et puis, il a fallu que je vienne davantage vers la ville. Là, je suis à 20 minutes en tram du centre d’Anvers. C’est un appartement qui appartient à la famille de ma copine.” Inutile anecdote? Pas vraiment, puisque la géographie de la vie, vieux refrain, dessine aussi celle des chansons. Là, Sam, 24 ans, possède sa pièce à musique où il joue et peint. Des tableaux réalistes sont accrochés aux murs. On boit du thé, Sam sourit. Beaucoup. Pas forcément comme ses musiques, trempées de spleen. Impressions bien sûr communes à des centaines, voire des milliers d’albums rock parus depuis les années 60. Un genre en soi mais qui fait du bien, comme la pluie après la sécheresse.

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Puis, il y a la connexion amoureuse qui inspire en partie le nouvel album, avec Olja, l’une des beautés du disque, baladée par le son brumeux de l’euphorium, ce cousin fantomatique du tuba.Olja, c’est le nom de la grand-mère de ma fiancée, emportée par une tumeur au cerveau il n’y a pas si longtemps. Une femme étonnante qui m’a amené à visiter son pays, la Serbie. Belgrade et les villages aux environs. Elle vivait dans une ancienne maison en bois au confluent. Ce qui m’a impressionné, c’est l’importance qu’a la musique, là-bas, au quotidien. Aucune journée, aucun repas ne se passe sans que les gens ne se mettent à chanter, souvent des morceaux qui remontent à la nuit des temps. Ça a forcément eu une influence sur ce premier album, Dawn/Dusk.” Comme la disparition brutale du père de Sam, à la cinquantaine: il a 12 ans, et son paternel se tue lors d’une opération d’élagage d’arbres, victime d’une tronçonneuse qui part en vrille. “Des circonstances complètement sinistres. Mais je sais que ça a dessiné la personne que je suis aujourd’hui. Même si mon père écoutait Bryan Adams et Meat Loaf, qu’il connaissait par cœur, poussant le son au maximum en voiture (sourire). Ma mère, elle, aimait surtout le silence. J’ai perdu assez tôt le contact avec l’école, j’ai dû prendre de la Rilatine (médicament qui régule l’hyper- activité, NDLR). J’ai commencé à faire de la musique quelques années après la mort de mon père, qui m’a fait mûrir plus vite que mon âge. De là l’idée que l’on part à n’importe quel moment, d’où l’importance que ma famille sache que je l’aime! J’ai vite compris que j’étais un mec émotionnel.

© National

Chercher le Nirvana

Je me suis intéressé à la guitare vers l’âge de 16 ans lors d’un trip scolaire dans les Hautes Fagnes. J’ai appris à jouer là des chansons de Nirvana.Comme les mecs de sa génération, Sam (né en 1998) s’est longtemps gavé de rap. Pratiquant également beaucoup de sport, plutôt doué au basket. Mais reviennent sans cesse les souvenirs du père, qui donneront de futures chansons. Pour Sam, la langue anglaise arrive initialement via un copain d’école, Albanais expulsé de Grande-Bretagne, puis la musique suit naturellement. Plutôt que la littérature, qu’il ne fréquente pas beaucoup. Le rock est le meilleur cours de langues, comme on le sait. Notamment via Jeff Buckley et Leonard Cohen: pas difficile d’entendre chez Sam les sillons gravés par ces deux-là. “Je suis satisfait de mes paroles mais je suis belge, donc mes textes ne seront jamais aussi raffinés que ceux des anglophones. Mais c’est aussi cool de procéder comme ça, avec une certaine distance par rapport aux stars anglaises ou américaines.”

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On en arrive à la question à 50 euros: pourquoi Anvers et ses banlieues, produisent-ils de la mélancolie à la Tamino ou Sam De Nef? Il rigole une nouvelle fois: “Je ne sais pas vraiment si c’est la ville, mais ma jeunesse, les conversations avec de très bons amis d’enfance, le village où j’ai habité, toute cette beauté a produit une sorte de mélancolie par rapport à tout ça. Et peut-être que le mélange anversois -les Juifs, les Arabes, tous les autres- crée une forme de spleen, de regard sur le monde.” Sam évoque alors sa méthode d’écriture, comme quelque chose “qui sort de lui”. Processus qui prend rendez-vous, à certains moments inattendus, avec l’inconscient et déroule ses mots sans forcément toujours vouloir identifier la pulsion d’origine. “Bon, dans cet album, il y a quand même un lien plus ou moins évident à la famille, à l’amour que j’ai pour elle, comme pour mes amis. Mais, la plupart du temps, il s’agit plus d’une vibration que d’une véritable narration. Je ne fais pas partie de ces musiciens qui déterminent d’emblée la couleur d’une chanson.” Sam se lève et va chercher une revue qui montre des appartements de toutes origines, qui le font voyager. Il parle de son lien aux sentiments que procurent les intérieurs. Du coup, on va vers la fenêtre et on voit le tram qui passe: véhicule vers l’ailleurs, comme les chansons du wonder boy.

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