Bryn: « On a encore trop peu d’artistes queer mainstream »

Influencé par Taylor Swift et Ed Sheeran, Bryn -prononcez Brain- exprime le côté queer de la pop… © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

En apéro de la Belgian Pride, Bryn jouera à l’AB dans le cadre d’Outrageous. Une soirée et une nuit de concerts et de DJ sets avec des militants LGBTQIA+. Présentations.

Offrir un safe(r) space pour ceux qui se sentent ou se sont sentis discriminés, sous-représentés et incompris, tant dans le milieu de l’activisme LGBTQIA+ qu’en dehors. Un lieu de communauté et de célébration. Un lieu de fierté. Tel est l’objectif d’Outrageous, la soirée de l’Ancienne Belgique qui, de Cobrah à Mykki Blanco, fera vibrer Bruxelles à la veille de la Belgian Pride. “L’AB ne s’adresse pas qu’aux gens qui aiment la pop et le rock, explique son directeur artistique Kurt Overbergh. On fait de la danse, du jazz, des soirées innovantes avec le festival BRDCST… Et on s’ouvre de plus en plus à la communauté LGBTQIA+. Avec Outrageous, on a voulu présenter un programme pointu. Pas juste organiser une fête, mais amener une vraie proposition artistique.” Qu’ont en commun les différents projets à l’affiche de cette soirée organisée en collaboration avec la RainbowHouse? “Ils utilisent vraiment la musique pour montrer qui ils sont. Par le passé, on a déjà invité évidemment des artistes queer comme Anohni ou K’s Choice. Mais l’œuvre de tous ici est concentrée autour de la thématique. Le 21 mai, on proposera aussi une soirée Black Pride. Avec cette idée d’être gay dans la communauté noire.

À l’affiche d’Outrageous, Bryn, Bryan Mugande de son vrai nom, est né au Rwanda le 26 juin 1999. Il est arrivé en 2013 en Belgique, où il a vécu pendant quelques années avec ses parents et son frère au centre de demandeurs d’asile de Vielsalm. “J’ai été scolarisé mais j’ai passé de nombreuses heures dans ma chambre parce qu’on avait énormément de temps à tuer. Je n’avais pas beaucoup d’amis à l’époque. J’étais souvent très seul. Quand le quotidien est monotone, qu’il ne se passe rien dans ta vie, tu vas chercher ailleurs. Du coup, je me suis évadé dans les livres, les films, les séries. Puis, j’ai commencé à écrire, à faire de la musique et à jouer de la guitare.” À la fin de sa rhéto, Bryan est parti pour Bruxelles. “On venait d’avoir nos papiers. Ça devenait possible d’emménager quelque part, de rêver se lancer dans la musique.” Du coup, il a vendu des gaufres et des churros pour financer son premier EP. A enregistré cinq morceaux à Glasgow avec un producteur trouvé sur Internet et entamé des études à l’IHECS. Il suit aujourd’hui un master en marketing… “Très vite, grâce au Web, notamment Tumblr, j’ai été confronté à des expériences de vie différentes de celles que j’avais en face de moi. À des gens plus libres qui rentraient moins dans les cases prédéfinies par la société. Je suis un enfant des réseaux sociaux. J’ai grandi avec cette mentalité du “tu fais ce que tu veux, tu es qui tu es”. Ça m’a apporté une certaine ouverture d’esprit. Par exemple, je ne me suis jamais fermé à l’idée de pouvoir aimer un garçon.

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Adolescent, Bryan n’a pas eu de grands héros queer. “Freddie Mercury et Elton John, ce n’était pas ma génération. Et en 2013, tu n’avais pas vraiment d’artistes queer mis en avant par l’industrie et la société. Maintenant, tu as des gens, comme Lil Nas X, qui pètent des scores. Ça fait plaisir.

Est-ce que cette société a profondément changé pour autant? “Ça reste un phénomène de niche. Lil Nas X a fait son coming out après avoir percé. Je ne sais pas s’il aurait connu un tel succès en se présentant comme queer dès le début. On a encore très peu d’artistes mainstream, mais les réseaux sociaux aident à trouver sa communauté. Je suis confiant en l’avenir. En une nouvelle génération ouverte à toutes sortes d’identités sexuelles ou de genre.

Pourtant, sa peau noire et son look queer lui ont valu un bon paquet d’insultes racistes et homophobes. Il y a une quinzaine de jours, Bryan s’est encore fait agresser à coups de poing en rentrant de soirée dans le centre de Bruxelles. À deux pas de la Grand-Place, d’un commissariat et de la salle dans laquelle il s’apprête à jouer. Il a dû annuler deux concerts… “En y allant, j’avais vu une campagne d’affichage et de sensibilisation. On avait même pris des photos pour se marrer. Mais qu’est-ce qui est réellement mis en place pour que l’espace public soit accessible et safe pour les personnes queer par exemple? J’ai déjà failli me ramasser une chaise sur la tête sur la Grand-Place. Il faut combattre, être résilient, porter plainte. Pour avoir des chiffres. Pour qu’on ne puisse plus nier. Même si l’accueil au commissariat s’apparente souvent à une violence de plus.

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Se protéger

Chez Bryn, le contenu des textes est moins léger que le son des chansons. “On m’a déjà demandé pourquoi, alors que j’avais une histoire assez lourde, ça ne se ressentait pas dans ma musique. Si on prend le temps de lire mes paroles, on y trouvera des références à ma vie. J’y parle d’agression, d’histoires d’amour, des relations avec ma famille. J’espère que ça touche des gens qui vivent la même chose.

Partagé entre l’envie d’ouverture et l’accueil parfois hostile, Bryn défend le principe d’événements thématiques qui peuvent, de l’extérieur, sembler ghettoïser. “Quand les soirées sont labellisées queer, on sait qu’on va se retrouver avec la communauté et qu’on sera safe. Je préfère me retrouver là que devant des péquenauds qui vont me regarder de travers et que d’amener mon public dans des endroits où il va être confronté à l’agressivité d’autres spectateurs. Il faudra encore du temps avant de pouvoir programmer n’importe qui n’importe où. Il suffit de voir les réactions dans la rue.” Quand on lui propose des concerts, Bryan regarde toujours avec qui il est booké, à quel genre de public il sera confronté. Là où le musicien blanc hétérosexuel veut juste être sûr qu’il va avoir du monde pour le regarder. “Il faut savoir se protéger. Notamment face aux expressions de dégoût. Je pense que beaucoup de gens ne se rendent pas compte. Je dois aussi faire attention à ne pas rentrer trop tard de mon concert par exemple. À être habillé d’une certaine façon. C’est une réalité dont je suis obligé de tenir compte.” Une question de sécurité physique et psychologique. Après ses examens, Bryan bossera sur de la nouvelle musique. Son premier EP, Middle 8, racontait la transition entre Vielsalm et Bruxelles. Entre l’adolescence et l’âge pré-adulte. “Je compte montrer une facette de moi plus dark, plus provocante.

Outrageous: le 20/05 à l’Ancienne Belgique, Bruxelles. Avec Bryn, Mykki Blanco, Lotic, Cobrah…

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