Aux Lokerse Feesten: Richard Hawley et Chris Isaak prouvent que les crooners sont éternels
Mercredi, aux Fêtes de Lokeren, le joyau de Sheffield, Richard Hawley, et le chanteur de charme californien, Chris Isaak, ont étincelé avec beaucoup de classe et d’humour.
«Tu as quel âge? 51 ans? J’en ai 57. T’es dans la zone. Je te vois après le concert.» Richard Hawley se marre. Mercredi soir, à Lokeren, sixième jour de fête, le public n’est pas de première jeunesse. Certes, on n’en est pas au déambulateur mais on se sentirait presque jeune avec nos 45 balais au compteur. Il faut dire que c’est l’affiche des lovers et des crooners.
Welcome to Sheffield. Pancarte d’accueil à l’appui. Sur l’arrière de la scène, en guise de décor, trône la station électrique de Moore Street. Un bâtiment d’architecture brutaliste, une icône dans le ciel de Sheffield et la pochette du dernier Richard Hawley: In This City They Call You Love. Jadis guitariste de Pulp, Hawley n’a jamais ménagé ses efforts pour faire la publicité de cette ville ouvrière qui a vu jouer Marc Degryse et naître les Arctic Monkeys. Cette ville, le roi Richard en est un des patriarches, des troubadours et des plus brillants piliers de comptoir. «Appelez le 999. Richard Hawley s’est fait cambrioler,» s’était d’ailleurs exclamé Alex Turner lorsque sa bande de singes avait reçu son premier Mercury Prize. She Brings The Sunlight, Two For His Heels, Prism In Jeans, Open Up Your Door, Standing At The Sky’s Edge… La set-list est parfaite et la prestation cinq étoiles. L’homme a de l’expérience. Voix à tomber, guitares qui déchirent (il y en a quand même trois sur scène). Richard, c’est la classe ouvrière. Le style et la distinction en toute simplicité. Le quinquagénaire présente tout son groupe. «My name of course is Suzan.» Et se fend de Don’t Stare At The Sun planqué derrière ses lunettes de soleil. A la rentrée, Richard Hawley se produira en duo au Grand Mix de Tourcoing (le 15/9) et apparemment en groupe à l’Ancienne Belgique (le 10/9). Avis aux amateurs.
Richard, c’est la classe ouvrière. Le style et la distinction en toute simplicité.
Il l’avoue lui-même. Chris Isaak se fait plus rare dans notre plat pays. A 68 ans et encore toutes ses dents (on n’a pas vérifié si c’était les vraies), l’homme a pourtant de beaux restes. Issu d’une famille modeste, ancien boxeur (explication de ce nez déformé sur un visage toujours angélique), le Californien a dû attendre 1990, David Lynch, Sailor et Lula pour faire son trou aux Etats-Unis mais en Europe, il caracolait déjà en tête des charts avec Blue Hotel au milieu des années 80. La chanson est d’inspiration pour le moins tragique. A l’origine du texte, un de ses amis fait une tentative suicide. Chris lui rend visite tous les jours à l’hôpital. Mais à sa sortie, son camarade en mal d’amour s’achète un fusil, s’enferme dans une chambre d’hôtel sordide et se donne la mort… «Si vous aimez les chansons tristes, vous êtes au bon endroit. Suivez-moi,» prévient le crooner dans son costume bleu à fleurs qui brillent. CHRIS est inscrit en lettres d’or sur la bandoulière de sa guitare (son prénom figure aussi sur sa gratte acoustique). Sa mère devait à coup sur lui mettre des gommettes sur ses vêtements quand il était petit. «Merci de soutenir la musique live. Sans vous, je ne porterais pas ce costume. Et sans vous, ces gens derrière moi n’auraient aucune opportunité d’emploi.» Comme celui qui l’a précédé sur les planches mais en mode plus bavard pour le coup, monsieur Isaak a le sens de l’humour. Il s’offre rapidement un bain de foule. Descend chanter dans le public. Dit qu’il ne veut plus monter sur scène. Que c’est trop la fête dans le fond de l’assistance (plutôt fournie).
Miraculé? Il y a une petite dizaine d’années, Chris a en tout cas dû se débarrasser d’une très grave maladie pulmonaire surnommée la Valley fever, la fièvre de la vallée, celle de San Joaquin. Des spores y monteraient du sol par fortes pluies après de longues périodes de sécheresse fréquentes dans ces régions et il l’aurait contractée en s’occupant du jardin de sa vieille maman. «Je suis entré à l’hôpital, racontait-il alors, j’étais baraqué comme Robert Mitchum. J’en suis sorti, je ressemblais à Woody Allen ».
Somebody’s Crying, Don’t Leave Me On My Own, Wicked Game, Forever Blue, San Francisco Days… Chris et ses zicos y vont évidemment en mode best of. «Si vous assistez à un concert de Taylor Swift, vous allez voir des formidables danseurs professionnels. Ce n’est pas ce que nous faisons. Nous sommes des semi-professionnels mais mes musiciens ont envie de danser pour vous.» Au-delà des blagues et de la bonne humeur, de ce côté si humain qui n’est pas sans rappeler un Springsteen des amoureux, il y a cette voix. Toujours renversante. Puis une version électrique et sauvage de Go Walking Down There. Comme Richard Hawley, et tant d’autres rétorquerez-vous, Chris, les cheveux toujours gominés, est un enfant d’Elvis Presley et de Roy Orbison. Il leur rend d’ailleurs hommage avec des reprises de Pretty Woman et Can’t Help Falling In Love (celle-là, elle était pas nécessaire, il pouvait la laisser à UB40). Pour le rappel, l’indémodable crooner et rocker réapparait dans un costard boule à facettes. Entonne Baby Did A Bad Bad Thing qu’il mêle au générique de James Bond. Les crooners sont éternels.
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