Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

JOHAN DE MOOR ET GILLES DAL REMETTENT ÇA: LE PREMIER MET EN IMAGES LE SPLEEN DU SECOND, QUI S’INTERROGE ENCORE SUR LA VIE, MAIS DE COUPLE CETTE FOIS.

La Vie à deux

DE JOHAN DE MOOR ET GILLES DAL, ÉDITIONS LE LOMBARD, 64 PAGES.

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La vie est absurde, nous disait en substance Coeur glacé, le précédent album des comparses Gilles Dal et Johan De Moor. La vie est absurde, mais vaut parfois la peine d’être vécue, semble cette fois nous dire La Vie à deux, en préambule du moins. Un miracle qui tient en un concept -l’amour- que le duo va décortiquer ici de bien des manières, mais surtout la sienne: sans véritable histoire ni véritable héros, si ce n’est ce couple effroyable de banalité et de discussions molles, du genre à vous donner des envies de suicide ou de célibat, et dont les dialogues mi-drôles mi-déprimants viennent rythmer un long essai existentialiste sur la vie de couple et la séparation, des jeunes gens modernes et petits-bourgeois. Un essai, au sens littéraire du terme, pour lequel Gilles Dal emprunte à la culture populaire voire populo l’essentiel de ses exemples et métaphores, de Mike Brant aux bonbons Haribo, pour décortiquer l’objet de son étude. Johan De Moor, lui, lorgne plutôt du côté des surréalistes, de Roy Lichtenstein et de George Herriman pour mettre, si pas du sens, un peu de beauté et d’intérêt à ce qui peut vite s’avérer un océan de platitudes si on n’a pas la quarantaine urbaine, prise de tête et nihiliste, et qu’on n’a pas connu de séparation depuis 20 ans.

La rupture plus que le couple

La Vie à deux se transforme en effet au fil de la lecture en un « Guide de survie en milieu sentimental » centré moins sur l’union que sur la séparation. Un guide psycho-socio-comico-philosophico-historique de la rupture amoureuse, qui tente de tordre le cou à cette culture de la rupture qui fait souffrir le martyre et qui gangrène notre société occidentale depuis le XIXe siècle. Mais à quoi bon? La vie serait si douce sans romantisme et sans patriarcat bourgeois, semble soupirer Gilles Dal, dont on ne connaît la vie de couple.

« L’amour, porte ouverte à toutes les platitudes », nous dit La Vie à deux, dans une illustration vintage et pleine page représentant… une assiette de hot-dog frites pickels. Un résumé presque parfait de ce qu’est cet ovni en bande dessinée, mélange des réflexions introspectives de l’un et du génie graphique de l’autre, plus en roue libre que jamais: Johan De Moor multiplie les techniques, les collages, les références et parfois les pages muettes, dans un album qui tient parfois plus de l’art plastique que du récit de bande dessinée. Avouons-le aussi, on n’a sans doute pas tout compris non plus. On sait juste que chez le duo Dal-De Moor, si l’amour n’est pas mort, il reste amer.

LES PLANCHES DE LA VIE À DEUX FONT L’OBJET D’UNE EXPOSITION À LA GALERIE HUBERTY & BREYNE JUSQU’AU 13/11, 8A RUE BODENBROEK, À BRUXELLES.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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