Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

QUATRE ANS APRÈS PORTUGAL, CYRIL PEDROSA USE DE TOUTES LES TECHNIQUES -MÊME L’ÉCRITURE- POUR NARRER L’INDICIBLE ET LA CONDITION HUMAINE.

Les Equinoxes

DE CYRIL PEDROSA, ÉDITIONS DUPUIS, 336 PAGES.

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Rarement roman graphique aura autant mérité ce nom. Car s’il y a, surtout, énormément de graphisme dans la dernière oeuvre du Français Cyril Pedrosa, quatre ans après son déjà ample et ambitieux Portugal, il y a aussi du roman dans Les Equinoxes. Des pages entières de texte pur, qui viennent scander un long récit en dessins, lui-même déjà rigoureusement découpé en quatre saisons. Lesquelles s’ouvrent à chaque fois par une courte mise en bouche graphique cette fois sans parole, et nous ramenant 30 000 ans en arrière… Un exercice étonnant et jusqu’ici jamais vu entre le texte, l’image et leurs infinies variations. « Un moment d’équilibre fragile mais parfait entre ombre et lumière, comme lors des équinoxes. » Quant au contenu et propos de ce magnifique Equinoxes, Cyril Pedrosa, pourtant sympathique, ne facilite pas la tâche des chroniqueurs et libraires qui le conseilleront pourtant chaleureusement. Puisqu’il s’agit, surtout, d’y raconter l’irracontable.

Palper l’impalpable

Cyril Pedrosa, présent à Bruxelles pour le vernissage de l’exposition de ses superbes planches à la galerie Champaka, nous a cité le Jimmy Corrigan de Chris Ware comme référence ou parallèle; on avait, nous, tout de suite pensé au Short Cuts de Altman: on suit dans Equinoxes les parcours a priori sans lien d’une série de personnages, tous différents -un quinqua en pleine crise familiale, une étudiante qui ne s’exprime que par la photo, un militant écologiste usé, un gamin préhistorique- mais tous unis par un même désarroi. Et une même humanité, faite d’états d’âme et d’émotion. Lesquels nous relient tous et font de nous des hommes. « L’envie m’est venue quand je finissais Portugal, un récit très intime mais précis. Je voulais, ici, essayer de saisir ces petits moments de confusion, ce sentiment de solitude, qui nous saisit tous, de manière parfois très fugace, à un moment ou un autre. Et ce, alors que nous sommes tous reliés les uns aux autres, que nous sommes tous contraints aux relations sociales. Et que celles-ci nous définissent. » Les Equinoxes se veut donc une tentative, ambitieuse mais réussie, de palper l’impalpable et de capturer des sentiments et des états d’âme, par essence difficiles à exprimer par l’image et la bande dessinée. D’où ce recours, parfois, au texte, qui sonne comme un aveu d’impuissance de l’auteur vers le dessinateur, pourtant ici au sommet de son art: indépendamment de son sujet et de ses ambitions, LesEquinoxes reste aussi, simplement, graphiquement, le plus bel album de Cyril Pedrosa. Et un des must have de l’année.

EXPOSITION JUSQU’AU 07/11, GALERIE CHAMPAKA, 27 RUE ERNEST ALLARD, 1000 BRUXELLES, WWW.GALERIECHAMPAKA.COM

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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