Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Une foule presque en extase devant une guitariste, une muse qui semble s’échapper d’un tableau, un singe aux cymbales, un festivalier paré à toutes les situations, des corps comme souvent difformes et des têtes comme presque toujours disproportionnées, et même une tortue… Hugues Micol a suivi, pour les dessins inédits qui accompagnent ce Focus, la démarche qu’il préfère: « M’amuser, surtout, et de manière assez spontanée: dessiner au fur et à mesure, de manière très libre, mais avec beaucoup de couches, et beaucoup de travail. Chaque dessin est comme une photo floue qui devient nette petit à petit. Et puis j’aime ça, créer des images qui contiennent plein de choses et une seule à la fois. Le tout, ici, à l’aquarelle et à la gouache, pour changer un peu des noir et blanc sur lesquels je travaille actuellement. J’aime bien varier les techniques, et être surpris. »

La surprise, ou l’originalité, définit bien l’univers du dessinateur français depuis ses débuts officiels, en 2000, dans la bande dessinée: avec Jean-Louis Capron, il crée Chiquito la Muerte chez Delcourt, un western dévoyé et délirant qui impose immédiatement son talent, son goût pour les corps irréguliers -« j’ai démarré comme illustrateur pour enfants, mais la difformité n’est pas enfantine »- et pour une liberté de création quasi totale. « Je ne crois pas aux concessions dans le dessin, si c’était possible je le ferais, dit-il. Je fais partie, en bande dessinée, d’une génération très spontanée. Je ne me sentais pas spécialement proche de la BD commerciale, et j’ai commencé dans les années 80, en même temps que des collectifs comme L’Association ou Le cheval sans tête. Eux et moi on ne se connaissait pas, mais on avait envie des mêmes choses: faire de l’anti-Bourgeon (auteur des Passagers du vent, NDLR), sortir du réalisme et de l’excès de détails. Faire absolument tout ce qu’on veut. La BD est un moyen d’expression qui le permet, c’est pour ça que j’aime me frotter aux genres, qu’il s’agisse de westerns, de récits de cape et d’épée ou de samouraïs. Mais ma culture est très picturale. Si je dois citer des influences, elles ne sont pas dans la BD, plutôt chez David Hockney ou chez des illustrateurs anglais comme Peter Blake ou Ralph Steadman. »

Blutch sous acide

Hugues Micol a pris, avec la quarantaine et ses derniers albums, une nouvelle dimension, qui l’inscrit définitivement parmi les créateurs, attachés à la fiction, les plus doués et impressionnants du moment: sa trilogie Tumultes chez Cornelius, ainsi que les deux tomes du Printemps humain, chez Casterman, ont définitivement imposé son univers singulier et hallucinogène, marqué par des thèmes comme l’invasion et la résistance -« Mais je ne fais pas d’auto-analyse. Je sais juste que La Bataille du rail (film de René Clément de 1946, NDLR) m’a marqué quand j’étais gamin, et que je suis passionné par des pays comme l’Algérie, Israël ou l’Irlande, où l’idée de résistance a tout son sens. » Quant aux parallèles évidents que l’on peut faire entre son trait et celui de Blutch, Micol assume: ils viennent même de clôturer leur première exposition commune, qui s’est tenue à Bordeaux. « C’est un auteur extrêmement important pour ma génération, qui m’estomaque à chaque fois. Il possède un univers visuel très fort et très libre. Un exemple. »

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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