Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

LES PARCOURS D’AGENTS DU SERVICE PUBLIC EN LUTTE CONTRE LE SYSTÈME DANS UN FORMAT DE RÉCITS GRAPHIQUES IDÉAL POUR CE NÉO-JOURNALISME MILITANT.

LES DÉSOBÉISSEURS – ENTRETIENS AVEC DES AGENTS DU SERVICE PUBLIC

OEUVRE COLLECTIVE, ÉDITIONS VIDE COCAGNE, 95 PAGES.

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François, directeur et enseignant d’une petite école primaire, a refusé de fournir à l’Etat français les évaluations de ses élèves, pour qu’ils ne rejoignent pas le « livret de compétence électronique » qui tient du pur fichage. Eric, lui, a été licencié par la Poste: il refusait d’effectuer sa « tournée sécable », née du plan Facteur d’Avenir qui, en gros, les faisait bosser beaucoup plus pour beaucoup moins. Quant à Dominique, agent EDF, il a été poussé à la retraite après des années de lutte; avec l’association Robin des Bois, il remettait le courant aux Roms et RMIstes avec enfant, menacés de coupure. Et ainsi de suite pour Isabelle la conseillère Pôle Emploi, Christian l’infirmier psychiatrique, Annabelle la travailleuse sociale, Michel l’agent patrimonial des eaux et forêts, Sébastien le cheminot: tous des agents du service public, tous en guerre contre le système et tous en position de désobéissance civile et professionnelle pour sauver ce qu’il reste de leurs services à la population, étranglés par la crise capitalistique et l’économie de marché.

Le sujet, dur, parfois complexe et naturellement engagé, trouverait sa place dans les pages du Monde Diplomatique, d’un bulletin syndical ou d’un blog engagé. Ces huit portraits de fonctionnaires en colère prêcheraient alors des convaincus, dans une manière de les rendre public sans doute rébarbative. Merci donc à la bande dessinée d’exister, et dans le cas présent, à l’éditeur nantais Vide Cocagne, qui a convié huit dessinateurs plutôt que huit journalistes à narrer leur histoire. Et quitte à vexer les membres de notre corporation, ils sont sur le coup autrement plus efficaces.

BD reportages

Les Désobéisseurs se composent de huit récits en noir et blanc, tous différents: au trait fin et tout en métaphore graphique pour Benjamin Adam; au feutre et à l’encre déliée sur un ton de rencontre et de dialogue pour Fabien Grolleau; bourré de recherches graphiques et narratives dans les planches de Terreur Graphique ou de Camille Burger. Autant de dessinateurs impliqués qui fournissent ici dans un même emballage une masse d’informations et de plaisirs graphiques dans un mélange souvent très réussi. Le principe, plus que jamais, est porteur: La Revue Dessinée verra bientôt le jour en France, d’abord en numérique, ensuite en livres. Sa ligne éditoriale sera basée exclusivement sur le BD reportage et la BD de récit, à l’image d’une grande partie de ce qui a fait le sel du trimestriel XXI, le dernier vrai succès de presse en date. D’autres projets, y compris belges, sont déjà dans les tuyaux.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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