Lorde, c’est sa prière
La précoce Lorde réalise un deuxième album sous le signe de la solitude mais ses élans cathartiques en font aussi une ode talentueuse à la jeunesse planétaire.
Pour rappel des faits, Ella Marija Lani Yelich-O’Connor, Néo-Zélandaise aux racines irlandaises et croates, n’a que treize ans en 2009 lorsqu’elle est signée par le groupe Universal. L’initiale perspective de développement se trouve vite concrétisée dans un premier EP obligatoirement suivi de l’album inaugural: Lorde va avoir 17 ans lorsque sort Pure Heroine. Le disque, finissant par se vendre à quatre millions d’exemplaires, emporte les suffrages au-delà du cercle teenage. David Bowie parle alors de Lorde comme « du futur« , ayant compris que la jeune fille est d’une autre trempe émotionnelle que les Ariana Grande et Miley Cyrus de ce monde. Pas un hasard donc qu’à l’hommage rendu au chanteur anglais par les Brit Awards en février 2016, ce soit Lorde reprenant le totémique Life On Mars qui bouleverse la salle emportée par sa fougue sentimentale, techniquement bluffante. Sans soudain plonger dans le jeunisme -déjà une vieille affaire-, la fraîcheur de l’ADN est également indissociable de ce deuxième album. Mais la gloire adolescente exaltant Pure Heroine a glissé vers le sentiment de solitude: dès la pochette, où Lorde semble isolée dans un lit, il est question d’affronter l’envers de la reconnaissance, celui qui vous laisse désemparée face à la monstruosité du succès.
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Hypnose de piano
Pour construire l’album guère étranger à la notion de rupture amoureuse -autre récurrence-, Lorde a composé l’intégralité des morceaux avec Jack Antonoff. Musicien-producteur new-yorkais, ce trentenaire membre des Bleachers a aussi fait parler de lui en confessant ses propres phobies. On peut entendre comment son univers et celui de Lorde prolongent une hypra-sensibilité commune dans le champ électropop où Antonoff fait preuve de sens tactile: sans que les arrangements puissent prétendre être d’une quelconque fibre révolutionnaire, leur affinité à l’époque ne les vulgarise pas trop, en dépit de batteries synthétiques parfois franchement moches. Un titre comme Perfect Places, par exemple, se distingue de l’actuelle électropop surgelée lorsque la charge orchestrale s’arrêtant soudain, la voix de Lorde hypnotise en quelques notes le piano mineur. En fait, l’efficacité du single Green Light, comme des autres moments dansants, tient énormément au charisme vocal de la fille, jamais plus prégnant que dans les ballades: faut entendre comment Lorde saisit sa propre détresse dans le narratif Liability ou le suprême katebushien Writer in the Dark, le timbre rauque tellement proche du micro qu’il donne la sensation de confessionnal installé au creux de l’oreille. Avec un remarquable sens de l’interprétation. C’est rien de l’écrire.
Lorde – « Melodrama »
Distribué par Universal. ****
En concert le 6 octobre au Lotto Arena d’Anvers.
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Nos autres albums de la semaine:
- Folk: Lynn Castle – Rose Colored Corner ****(*)
- Rock: Radiohead – OK Computer, OKnotOK, 1997-2017 ****(*)
- Rock: Control Freaks – Mindless Entertainment ***(*)
- Pop: Amber Coffman – City of No Reply ***(*)
- Compilation: Divers – Funky Chimes ****
- Jazz: Christoph Erb/Jim Baker/Franck Rosaly – Don’t Buy Him a Parrot… ***(*)
- Jazz: Ambrose Akinmusire – A Rift in Decorum: Live at the Village Vanguard ***
- Jazz: Peyroux, Hannigan, Porter, Wright, Elling, Gardot – The Passion of Charlie Parker ***
- Jazz: Denys Baptiste – The Lane Trane ****
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