Lapinot lâche du lest

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Lapinot n’est pas mort, il tchatche encore! Treize ans après l’avoir tué, Lewis Trondheim ressuscite une nouvelle fois le héros-fil rouge de sa carrière.

Les Nouvelles Aventures de Lapinot. Tome 1: Un monde un peu meilleur

de Lewis Trondheim. éditions L’Association. 48 pages.

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Une plaisanterie sur la mort et les univers parallèles dès la planche 1, et on n’en parlera plus: oui, Lapinot est de retour dans un univers contemporain, à discuter sur un banc avec son copain Richard. Peu importe que tous ses amis l’aient bel et bien enterré au sortir de La Vie comme elle vient, l’album qui clôturait ses « formidables aventures » chez Dargaud et Poisson Pilote -avant de revenir déjà, dans un ultime album et dans la peau de Spirou pour le cultissime Accélérateur atomique. Trondheim et Lapinot se jouent des conventions. La preuve, ce retour se fait à L’Association, l’éditeur alternatif co-fondé par Lewis, et où Lewis a appris de son propre aveu à dessiner en s’imposant un premier récit de 500 pages -ce fut Les Carottes de Patagonie avec, déjà, son Lapinot. Et ils y reviennent dans le format-référence de la BD franco-belge, ce « 48CC » (48 pages cartonnées et en couleur) contre lequel s’était battu et bâti L’Asso, imposant au passage l’explosion des formats et le roman graphique! Une pirouette qui fait hurler les puristes, mais dont l’évocation, pourtant inévitable, agace un peu l’auteur et toujours co-propriétaire de L’Association: « Je pense vraiment que les lecteurs s’en foutent. La plupart ne connaissent pas les maisons d’édition, ni même parfois les auteurs. Le but à L’Asso a toujours été de trouver les supports les plus logiques par rapport à leur contenu. Notre engagement « anti 48CC » était surtout une posture pour réagir aux tonneaux de merde qui nous étaient tombés dessus dans les années 80, mais c’était aussi pragmatique: on ne pouvait pas faire autrement. Et moi j’ai toujours aimé tous les formats, et cette liberté que je trouve dans les cadres. Si la série est lue et qu’elle permet de pérenniser L’Asso, tant mieux. »

Rebooté, assagi

Le sujet, donc, est ailleurs, et dans cet univers rebooté par son propre auteur -« Le monde contemporain de Lapinot ne l’était plus vraiment, déclare-t-il. Il n’y avait pas de téléphones portables, pas cette omniprésence des ordinateurs, des réseaux sociaux. Or j’avais envie de m’exprimer là-dessus, d’évoquer pas mal de choses qui m’interpellent« . Ainsi, dans ce monde un peu meilleur, Lapinot aimerait se remettre avec Nadia, croise un cobaye de laboratoire capable de voir l’aura des gens et se prend les pattes dans un problème qui ne le concerne pas et qu’il tente de régler -pour le pire évidemment! « Lapinot, c’est moi il y a dix ou quinze ans, résume Trondheim. Il doit apprendre à lâcher du lest: il est touché par des trucs sur lesquels il n’a pas prise, un point de vue de boy-scout qui l’épuise et épuise les autres. Il doit plutôt prendre soin des gens qu’il aime, ce sera déjà beaucoup. »

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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