Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

PLUS DE 30 ANS APRÈS COMANCHE, HERMANN REVIENT AU WYOMING POUR UN ONE-SHOT QUI N’A PLUS RIEN À VOIR. SANS PARDON EST À L’IMAGE DE SON AUTEUR, ARTISAN ET MISANTHROPE.

Sans pardon

DE HERMANN ET YVES H., ÉDITIONS LE LOMBARD, 64 PAGES.

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Une fois de plus, c’est passé tout près. Cette année encore, Hermann faisait partie du dernier trio d’auteurs qui pouvaient prétendre au Grand Prix d’Angoulême. Et comme chaque fois, Hermann ne l’a pas eu, malgré son demi-siècle de métier pavé de dizaines d’albums, de séries (Comanche, Les Tours du Bois-Maury, Jeremiah) et de one-shots, déviant depuis longtemps du classicisme réaliste dans lequel on le classe depuis Bernard Prince. « J’ai envie de continuer à ne pas l’avoir!, ironisait le septuagénaire quelques jours après l’attribution du prix à Otomo, assis derrière sa planche à dessin pour ses huit heures quotidiennes. Je l’ai déjà dit et expliqué, le vase est pour moi cassé depuis longtemps avec ce prix et ce festival. Trop de tricheries, de tromperies, d’hostilités à mon égard. J’avais même demandé à ce qu’on m’efface du dernier trio, avant que François Boucq ne me suggère de changer d’avis. Pour moi, c’est le plus grand, le sommet intégral, même légèrement supérieur à Jean Giraud. Le reste n’est que vanité. Moi j’aime surtout le travail des techniciens consciencieux. Les bons plombiers. Je déteste cette expression drapée, « Je suis un artiste », j’ai envie de leur foutre des claques. J’ai horreur des gens qui ne font pas bien leur boulot, même en BD. » Le boulot, il vient donc de le faire sur ce Sans pardon écrit comme souvent par son fils, Yves H., chargé de lui fournir un one-shot entre deux Jeremiah, et dont les ventes ont démarré comme il n’en a plus l’habitude: peut-être une certaine attirance des lecteurs pour la violence, mais aussi, sans doute, le plaisir de retrouver Hermann au Wyoming, certes bien loin des vastes prairies du ranch Triple Six.

Plus Peckinpah que Wayne

Le désert, la rocaille et une plus grande vérité géographique ont remplacé les décors de Comanche. Dans Sans pardon, situé en 1876, on assiste à la plus grande lâcheté du bandit Buck Carter, qui laisse sa femme se faire flinguer devant leur fils plutôt que de se rendre. Un fils qui deviendra à son tour un bandit assoiffé de vengeance… Ni lui ni son père n’auront droit à un quelconque happy end: « Je voulais un western violent, dur, sans tendresse, plus proche de la réalité des choses. Et oui, moins stéréotypé que Comanche. Greg (le scénariste de la série, ndlr), à la fin, me faisait des images bien construites, bien encadrées, mais il était tellement doué pour l’écriture qu’il en devenait bavard. Et puis il était marqué par un certain cinéma américain, à la John Wayne. Je suis plus Peckinpah. Et je ne suis dans le verbal que lorsque le dessin n’arrive plus à exprimer ce que je veux. » Dont acte avec ce Sans pardon chiche en dialogues mais riche en violence frontale. L’oeuvre la plus noire d’Hermann, à l’image de sa couverture.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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