Critique | Livres

Stefan Liberski et la mémoire qui flanche

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© dr

Stephan Liberski, éditions Onlit

Teo malgré

96 pages

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Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Plus beckettien absurde que jamais, Stefan Liberski crée ave Teo malgré un huis clos crépusculaire autour d’un homme dont la mémoire s’éteint.

Dans le nouveau roman de Stefan Liberski, l’homme qui se tient debout, la tête contre le mur, dans une perpétuelle claustration, s’appelle Teo. Un homme empêché qui, enfant, se voyait devenir “ramasseur de marrons, grimpeur aux arbres, promeneur ou lanceur de cailloux”, mais qui n’est plus qu’un vieil homme à la mémoire qui flanche, dérape, zigzague et s’emmêle parfois les pinceaux. Il erre dans son grand appartement familial désormais presque vide -sa sœur Lucia passe faire la vaisselle une fois par an, Maria la servante apparaît de temps en temps, au contraire de sa mère, enfermée dans le bureau suisse d’où elle ne sort jamais mais allez savoir, elle aussi est peut-être morte, ou n’est qu’un souvenir, de plus en plus diffus.

Teo, toujours puceau, a toujours eu une pensée “à côté” et une vie un peu à part, surtout depuis son syndrome de Charles Bonnet (vous irez voir, comme moi, sur Wikipedia): Teo fait le Grand Inventaire des objets qui encombrent cet ancien bureau d’avocats, et se veut un adepte de “la pensée pure” qui se passionne pour le rien, comme cette eau qu’il fait couler tous les matins entre ses mains avant de faire semblant de se raser. Teo souffre “d’alopécie radicale” et, tiens, aussi, ne quitte jamais son bonnet de douche et ses chaussettes qui remontent au- dessus des genoux. Et Teo donc, se souvient, ou ne souvient pas -“Quel beau souvenir! Mais, encore une fois, m’appartient-il?”- en attendant… quoi d’autre que la fin? Sauf que “parfois, un accablement survient, qui vous cloue”.

© National

Pensée pure et tragi-comédie

Il y a un an exactement, à l’occasion de Une grande actrice, son dernier roman méchant, on répétait ici même toute l’estime qu’il y avait lieu de porter à Stefan Liberski l’écrivain, moins médiatisé que l’humoriste, l’ex-Snuls ou même le réalisateur. Un artiste belge complet, revenu de beaucoup de choses mais pas de la littérature, et qui a donc remis le couvert vite pour ce texte court et radical né pendant et par le confinement. Teo malgré se veut un travail sur l’expression d’une mémoire qui se dissout, sujet qui permet à l’auteur de se passer de beaucoup d’artifices, dont la linéarité, pour essayer de donner écho à cette “pensée pure” a priori peu romanesque, et pourtant passionnante. Le tout sous la forme évidente du monologue qui permet, comme souvent chez Liberski, de placer ses relents misanthropes sur la pente de la drôlerie. Et de l’adaptation théâtrale: une “lecture-spectacle” de Teo malgré, assurée par l’acteur Achille Ridolfi, est d’ores et déjà programmée au 140 à Schaerbeek le 8 décembre prochain.

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