Critique | Livres

[la bd de la semaine] Vernon Subutex (tome 1), de Luz et Virginie Despentes

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Luz adapte la trilogie punk, rock et parisienne de Virginie Despentes. Une rencontre qui résonne comme une évidence, mais qui n’est pas sans risque.

Le best-seller de Virginie Despentes adapté par Luz, on allait voir ce qu’on allait voir! Albin Michel en avait d’ailleurs fait, avec le Sapiens de Harari réinterprété en BD, l’argument majeur de son retour dans l’édition BD. Pensez: l’écrivaine punk la plus vendue de la décennie fusionnant avec le dessinateur le plus rock’n’roll de Charlie Hebdo! Comme une marque du destin: en 2015, quand sortait le premier des trois volumes de Vernon Subutex en librairie, les frères Kouachi forçaient la porte de la rédaction de Charlie, et en assassinaient les membres. Luz était en retard, et a mis plusieurs livres/chefs-d’oeuvre pour tenter d’évacuer tout ça, de Catharsis à Indélébiles, pendant que Despentes goûtait, presque malgré elle, au succès et à la popularité. L’année dernière, c’est d’abord Canal+ qui a adapté, avec plus d’argent que d’inspiration et à grand renfort de com’, sa trilogie en série avec Romain Duris dans le rôle-titre. Un rendez-vous manqué, du propre aveu de Despentes, qui s’est vite distanciée de l’initiative, mais qui n’a pas pu résister aux sirènes de la BD: elle ne voulait que Luz, et Luz n’attendait que ça. Très joli coup, donc, de l’éditeur. Restait à le faire, ce livre, et puis à le lire.

[la bd de la semaine] Vernon Subutex (tome 1), de Luz et Virginie Despentes

Lisibilité

Au final, le texte et l’ambiance de finitude punk de Despentes sont bien là, presque à chaque case, et fusionnent parfaitement avec l’univers rock et énergique de Luz, qui n’a vraiment pas ménagé ses efforts tout au long de ces 300 pages extrêmement denses pour représenter Paris, la bande à Vernon et surtout ses affres psychologiques en même temps que matériels -Vernon Subutex est un ancien disquaire parisien qui va petit à petit tomber dans la misère et faire le compte, au fur et à mesure de ses rencontres et retrouvailles, des illusions perdues de sa génération, avant de devenir -mais ce sera pour le prochain roman graphique- une sorte de prophète laïc qui s’en remettra au collectif. Et pourtant, au-delà des a priori positifs, de l’aura de ses auteurs et du respect qu’on leur porte, la franchise nous oblige à l’admettre: on est passé largement à côté. La faute, surtout, à cette voix off soudain bien trop bavarde qui, certes, se veut au plus proche du texte originel, mais vient resserrer encore le peu d’espace qu’il reste à Luz pour exprimer grosso modo la même chose en images, au prix parfois de la plus élémentaire des lisibilités. Un Luz qui atteint des sommets lorsqu’il s’échappe du récit proprement dit et s’exprime enfin sur des pleines pages. Mais que de ravins et de chausse-trapes entre ceux-ci.

Vernon Subutex (tome 1)

de Luz et Virginie Despentes, éditions Albin Michel, 304 pages. ***(*)

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