Fred Jannin: portrait de famille du fils spirituel le plus zinneke des Monty Python

Fred Jannin © Le Lombard / Eric Charneux
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le dessinateur de Germain et nous, membre des Snuls et voix de Devos a enfin droit à son exposition rétrospective. Qui, forcément, dépasse largement le cadre de la seule bande dessinée ou de sa seule personne.

C’est Fred Jannin lui-même qui a choisi d’intituler Trop de tout la rétrospective que lui consacre depuis la semaine dernière le Centre belge de la bande dessinée, à Bruxelles. « Ça sonne quand même mieux que De la BD au multimédia, comme ils voulaient le faire à l’origine », nous explique le dessinateur et humoriste, avec un de ses accents, cette fois un peu pincé, dont il a le secret. Ça sonne mieux, et c’est vrai: en 40 ans de carrière, Jannin n’a jamais su se décider et se choisir une voie. Il en a pris des tonnes, qui l’ont souvent conduit à la bonne rigolade, mais aussi au succès. Du Journal de Spirou à l’aventure des Snuls, en passant par Froud et Stouf ou les pubs Devos Lemmens, Jannin fait partie intégrante du paysage culturel belge et francophone. L’expo qui lui est consacrée est ainsi à son image: remplie de documents pathologiquement conservés (du télégramme lançant la création du Trombone illustré aux premières annotations de Franquin sur ses dessins), effectivement multimédia (des projections de sketches jusqu’à la présence du véritable « Soulagicon » des Snuls) et largement tournée vers l’humain et ses amis, réunis jusqu’à l’affiche de son exposition.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

On a rarement vu une exposition tournée à ce point vers le collégial: il n’y en a que pour tes amis…

Ça doit me venir de l’école de Marcinelle, qui était le contraire de la prétention: j’ai vraiment du mal à me mettre en avant. Mais c’est aussi une arme à double tranchant: mettre tous mes potes autour de moi sur l’affiche et dans l’expo, ça me mettait la pression pour que ce soit bien! Si elle était médiocre avec juste ma tronche, je pourrais assumer, mais là…

Plein d’amis, mais une seule fille, Laurence Bibot…

Oui, c’est un peu bizarre. Ma réponse bateau quand on me le fait remarquer: « Je n’ai mis que les amis avec lesquels je n’ai pas couché! » C’est pourtant vrai que je lie souvent mes compagnes à mon travail créatif… Il faudra que je prévois une autre expo, que avec mes ex!

Tu as toi-même choisi de nommer l’expo Trop de tout… Tu as l’impression de t’être dispersé?

Oui, mais c’est plus fort que moi, et j’assume. Mon père, qui était peintre, m’avait mis en garde, je ne l’ai pas écouté, je crois que ça m’a immunisé. Regretter, c’est une vraie maladie, un truc dans le cerveau, une pathologie, ça ne fait que faire souffrir. J’ai parfois eu cette angoisse avec mes enfants, qu’ils croient que « c’est facile ». Mais je sais que ce qui doit rester en tête de liste de tes motivations, c’est le plaisir de s’amuser, et pas que ça marche. Et j’ai fait des tas de trucs qui n’ont pas marché.

Cette suractivité évidente, c’est pour cacher une angoisse?

Ou la déplacer, oui. Il y a d’abord l’envie de lutter contre cette trouille absolue -si on réfléchit trois secondes au monde qui est le nôtre, il n’y a aucun raison de ne pas avoir la trouille de tout! Mais mon débordement d’activités, c’est aussi juste pour avoir bon! Je suis un jouisseur, j’ai une liste de trucs qui me font jouir. L’ordre peut changer -là pour l’instant, c’est la peinture- mais c’est toujours le moteur.

Tu as déjà essayé de définir ce qui relie toutes ces personnes qui font partie de ton panthéon personnel?

C’est très difficile. Le fait d’être tous, peut-être, des enfants coincés dans des corps d’adultes. André (Franquin, NDLR) disait souvent qu’un adulte, ce n’est rien d’autre qu’un enfant qui a mal tourné. Et c’est presque une contrainte qu’Yvan (Delporte, NDLR) avait insufflée dans tout le Journal de Spirou: « Si vous ne vous amusez pas, ça se verra. » Ça m’est resté.

JANNIN ET NOUS… TROP DE TOUT, JUSQU’AU 05/03. CBBD, 20 RUE DES SABLES À 1000 BRUXELLES. WWW.CBBD.BE

Jannin en BD

Arnest Ringard
Arnest Ringard© Jannin

Première passion et premier métier, qu’il entame dans Spirou et le mythique Trombone illustré dès la deuxième moitié des années 70, avec la série Germain et nous, mais aussi Les Démêlés d’Arnest Ringard et d’Augraphie, réalisée avec ses maîtres, Delporte et Franquin. Ont suivi des dizaines d’albums, dont le récent Comment devenir belge sur un scénario de Gilles Dal. Jannin s’est attelé depuis quelques années à la restauration des couleurs des albums de Franquin, et s’est mis sérieusement à la peinture.

Jannin en télé

Entre 1989 et 1993, l’ouragan Snuls va souffler sur la Belgique francophone, comme aucune autre émission de télévision avant eux, et encore moins après. Un succès phénoménal et une collection de moments d’anthologie qui ont fait décoller quelques carrières (Laurence Bibot, Bouli Lanners) et surtout remis à la mode la Belgitude et les accents qui vont avec, et jusque-là proscrits. Suivront JAADTOLY avec Stéphane Liberski, mais aussi Froud et Stouf, Twin Fliks… Un esprit, une liberté totale et une manière proche des Monty Python, autres héros de Jannin.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Jannin en musique

Il y eut d’abord les Bowling Balls, nés sur papier en 76 dans Germain, devenus vrai groupe en 79. Aventure qui s’arrêtera en 83 avec la mort brutale de Bert Bertrand. Deux ans plus tard, Jannin découvre le sampling et enregistre What’s Your Name? sous le nom de Zinno avec son copain Jean-Pierre Hautier, et sous la houlette de Dan Lacksman et Marc Moulin. Tube surprise et planétaire qui sera suivi de quelques maxis. Jannin a également fait la plupart des musiques des Snuls, et le dernier générique du Jeu des Dictionnaires.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Jannin en pub

Le Devos de « Plus qu’on a de sauce, plus qu’on rit », c’est lui aussi -le rôle et la voix de Lemmens étant assurés par Kris, et le tout enregistré chez Nico, deux de ses vieux complices des Snuls, très actifs dans le milieu publicitaire depuis 20 ans. Fred Jannin a prêté depuis Les Snuls sa voix, ses accents et ses productions à de nombreux spots. Avec Devos Lemmens, ça fait quinze ans que ça dure, pour ce qui est devenu un des rares classiques des pubs radios. « Mais j’espère quand même qu’on ne retiendra pas que ça! »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

JANNIN ET EUX

La création est donc un sport d’équipe dans la vie de Fred Jannin, qui ne se sépare que rarement, voire jamais, de ses amis. Une bande de sales gamins qu’il a tenu à réunir jusque sur l’affiche de sa propre rétrospective (et la couverture du catalogue publié aux éditions Lamiroy) que lui consacre le Centre Belge de la Bande Dessinée. Une bande effectivement indissociable de ses 40 ans de carrière. Et qui représente des pans entiers de la culture populaire made in chez nous.

Fred Jannin: portrait de famille du fils spirituel le plus zinneke des Monty Python

1. Piero Kenroll

C’est avec lui que les dessins rock ont démarré, dans Télémoustique puis More!, mensuel rock belge, avec la biographie de Pete Townshend. L’occasion de réunir deux passions, la BD et le rock.

2. Jean-Claude de La Royère

Un vieux complice, on a fait Rockman ensemble dès 76. C’est lui qui m’a proposé de faire cette exposition. Ça ne pouvait pas mieux tomber.

3. Gilles Verlant.

Je l’ai rencontré grâce à Tempo, et c’est grâce à lui et à Piero (Kenroll) que j’entre dans le monde de la musique.

4. Alain De Kuyssche

Alain était rédacteur en chef de Spirou, en 78. On a repris Germain et nous, et là, il y a très vite l’idée d’un groupe, les Bowling Balls. Au même moment, il y avait les Rutles, les faux Beatles créés par les Monty Python. Et c’est grâce à Alain qu’on a sorti un premier vrai disque, de « disco-punk ».

5. Dan Lacksman

Il y avait eu une séquence sur lui et les synthétiseurs dans Tempo, c’est sur son conseil que je me suis acheté mon premier synthé, à Londres. Un EMS.

6. et 14. Nico Fransolet et Kris Debusscher

Nico et Kris, je les connaissais grâce à Verlant et la scène rock belge. Ils avaient enregistré chez moi et faisaient partie du groupe Allez Allez.

7. Thierry Tinlot

Il a commencé comme président du fan-club des Bowling Balls!

8. Bert Bertrand

Il était le rédacteur en chef de More!, mais je ne savais pas qu’il était le fils d’Yvan Delporte. Bert était très secret. Les Bowling Balls, c’était avec lui. Sa mort en 83 a été un premier, terrible choc.

9. Thierry Culliford

Le fils de Peyo! Quand je l’ai croisé dans la cour de récré du collège Saint-Pierre à Uccle, je lui ai vraiment fait une cour endiablée. C’est lui qui m’a appris à me foutre de la gueule des gens!

10. Yvan Delporte

Yvan était pour moi une sorte de père spirituel. Jusqu’à sa disparition, il y a vraiment eu un terrible lien entre nous. Il m’a enlevé l’angoisse de la page blanche et il m’a aidé à foncer. Il aimait bien faire des tas de choses dans toutes sortes de disciplines.

11. Franquin

En plus de quatre ans, j’ai restauré toutes les couleurs de Gaston. Dans la foulée, on va aussi s’occuper de ses Spirou. J’ai l’impression de faire quelque chose d’utile pour l’humanité et ça me connecte à mes maîtres! Je bosse avec Franquin et Yvan derrière mon épaule.

12. Marcel Gotlib

C’est resté dans les tiroirs, on enregistrait chez moi une émission avec Yvan et Gotlib, sur la musique rigolote. Quand Le Trombone s’est arrêté, il a proposé d’éditer le premier album de Germain et nous.

13. Jacques Mercier

J’envoyais des planches à Dimanche Musique, l’émission radio culte de Stéphane Steeman et Jacques Mercier. C’est marrant de me dire que Jacques a été un de mes premiers personnages de BD.

15. Laurence Bibot

Je l’avais rencontrée deux ans avant Les Snuls, on avait fait un voyage mémorable aux States avec Gotlib et Delporte. Son personnage de Miss Bricola lui colle encore à la peau.

16. Gilles Dal

Le petit dernier, mais dont je suis proche, on a déjà huit albums de BD ensemble.

17. Sergio Honorez

Je l’avais rencontré avec les Bowling Balls. En 87-88, on a monté une boîte ensemble, on a même reçu un MTV Award pour un clip de Zinno! C’était juste avant les Snuls, qui a amené d’autres potes.

18. Stefan Liberski

C’est celui que je connaissais le moins au départ des Snuls, mais avec qui j’ai bossé le plus dedans. Et quand les Snuls se sont arrêtés, on est devenu un tandem et on a fait JAADTOLY.

19. Marc Moulin

Marc a produit les premiers disques des Bowling Balls. Et il fut l’un des premiers à me rassurer quant aux étiquettes multiples.

20. Jean-Pierre Hautier

Zinno est venu en 1985, quand Dan s’est équipé d’une machine qui permet d’échantillonner. On a décidé avec Jean-Pierre d’enregistrer un disque pour le label de Marc Moulin. C’était What’s Your Name?, sans du tout se douter que ça allait faire un disque d’or et un smash un peu partout.

21. Raoul Reyers

Ce pseudo, on l’a inventé dans Les Snuls, dont il était le réalisateur à la radio. C’est lui qui m’a proposé de participer au Jeu des Dicos. Ça a duré huit ans. Jean-Pierre Hautier était alors le directeur de la chaîne.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content