Charlie Hebdo ne sera pas Grand Prix à Angoulême

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Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Depuis ce lundi matin, une pétition circule sur les réseaux, entre auteurs de BD, pour faire de Charlie Hebdo le prochain grand prix du festival international de la bande dessinée, qui se tiendra comme chaque année à Angoulême à la fin de ce mois de janvier.

La pétition, lancée par Gwen de Bonneval, scénariste, dessinateur et rédac’chef du magazine numérique « Professeur Cyclope », a rapidement obtenu plusieurs centaines de signatures.

« Nous, auteurs et confrères, ne ratons pas l’occasion de manifester notre soutien à Charlie Hebdo en disant aux organisateurs du festival que nous voulons décerner le Grand Prix de la ville d’Angoulême 2015 à Charlie Hebdo, écrit-il en préambule de la pétition. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est aussi sans doute la moindre des choses. Donner le Grand Prix à Charlie, c’est retrouver le journal à Angoulême en 2016, c’est donner un peu de perspective, c’est faire en sorte que, concrètement, l’élan spontané de solidarité ne s’épuise pas.?Et c’est aussi montrer à tous qui est Charlie. »

Charlie, Otomo, Moore ou Hermann !

Depuis deux ans, le Grand Prix, qui devient président de l’édition suivante, est élu par un vote en lui-même déjà controversé et réalisé, en deux temps, par les auteurs et professionnels de la profession. Trois noms viennent ainsi de sortir d’un premier tour de votes réalisé, avant le 7 janvier et via Internet : Katsuhiro Otomo, l’auteur japonais de « Akira », Allan Moore, fameux scénariste anglais (« From Hell », « V for Vendetta », « Watchmen »), et le Belge Hermann (auteur des séries « Comanche », « Tours du Bois-Maury », « Jeremiah »). Un trio qui doit faire l’objet d’un dernier vote sur place. Aura-t-il lieu ? Le milieu grouille déjà, entre les ardents défenseurs de l’initiative, et les plus réticents, soit à Charlie Hebdo (on le voit bien depuis que les manifs sont finies, les débats « Je suis/Je ne suis pas Charlie » pullulent), soit à voir le trio d’auteurs annoncé devoir passer son tour, et sans doute pour ses membres rater une occasion unique d’être enfin récompensé et reconnu. D’autres plus subtils font remarquer que le magazine a déjà été salué par le passé à travers les Grand prix remis à nombre de ses principaux dessinateurs : Reiser, Fred, Vuillemin, Wolinski ou encore Willem lors de l’antépénultième festival. Plus de 1000 signatures d’auteurs avaient déjà été collectées mardi matin. Mais le débat semble, déjà, clos : l’organisation du festival a officiellement répondu ce mardi midi : c’est non. Le grand prix du festival ne sera pas attribué à Charlie Hebdo.

« Le Festival d’Angoulême a fait un choix, a ainsi communiqué l’équipe d’organisation : celui d’inscrire la disparition des auteurs de Charlie Hebdo et de ceux qui se trouvaient à leurs côtés dans une action qui puisse avoir une résonance dans l’avenir. Pour cette raison (…) nous avons fait le choix de créer un « Prix de la liberté d’expression » – Prix conçu comme une récompense pérenne au cours des années à venir et auquel nous espérons pouvoir associer le nom de Charlie, mais cela, nous ne le ferons que si ceux qui seuls en détiennent la légitimité en sont d’accord. Et de conclure : Voilà pourquoi, même si attribuer le Grand Prix du Festival d’Angoulême à Charlie Hebdo aurait pu être notre premier réflexe, il nous est apparu, à l’issue d’une réflexion en équipe, que cette idée n’était pas forcément la meilleure. Justement parce qu’un tel choix n’ouvrait pas vers le futur ».

Pas de Grand Prix exceptionnel donc, mais un éventuel « Prix de la liberté d’expression » remis chaque année. Les auteurs « pro-Charlie », pour l’instant, ne semblent pas en démordre et continuent de militer pour un Grand Prix d’exception, qui ferait de l’équipe du magazine les organisateurs de la prochaine édition. L’ambiance de l’édition 2015 s’annonce en tout cas tendue pour ne pas dire lourde. Hermann, lui, a fait savoir, que « Sous la pression amicale mais insistante des maisons d’éditions, de ses fans et de ses collègues qui ne comprennent pas la raison de son refus, Hermann accepte de recevoir le Grand Prix s’il devait lui être attribué ».Rappelons aussi que le président élu l’année dernière, Bill Watterson, ne sera pas présent. Et qu’une marche en ouverture de festival, pour dénoncer leurs conditions de travail et de rémunération, est elle toujours à l’ordre du jour. Pour y réclamer, aussi, un Président Charlie ?

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