Critique | Livres

Bastien Vivès – La bande dessinée

© Olivier Roller
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

HUMOUR | Après la famille, le jeu vidéo ou la guerre, le surdoué Vivès sort de ses blogs ses meilleures vannes sur la bande dessinée. Hilarant et forcément féroce.

LA BANDE DESSINÉE, DE BASTIEN VIVÈS, ÉDITIONS DELCOURT, 192 PAGES. ****

C’est bon de rire. Et Bastien Vivès, étiqueté « jeune auteur » depuis quelques années, est particulièrement doué pour ça, entre bien d’autres choses. On le connaît chez les « grands » éditeurs avec Le goût du chlore, Polina ou La grande odalisque, des romans graphiques sensibles, branchés, presque élitistes. On découvre ici, pour ceux qui n’ont jamais lu ses blogs et surtout les petits livres –La bande dessinée faisant déjà office de tome 6- qu’en a tirés la collection Shampooing de Lewis Trondheim, un Vivès toujours surdoué, mais cette fois-ci potache, hilarant, moqueur, et d’un cynisme bien de son époque. Un exercice graphique et un exutoire typique des blogs BD, qui atteint ici son paroxysme, et sans doute son point final: Vivès brocarde cette fois la bande dessinée, et n’épargne personne, à commencer par lui. Ça le sauve.

Décalage et dialogues

La bande dessinée a toujours aimé se regarder le nombril; Vivès, lui, y enfonce son feutre d’un coup sec, et se poile là où ça fait mal: dans l’ego des auteurs et des amateurs, jetés souvent plus bas que terre. Des fans traités comme des demi-cons, des futurs auteurs qu’on reconnaît à leur goût précoce pour la merde… Horriblement drôle et vachard, presque injurieux, sauf que Bastien Vivès se permet de l’être avec un humour tout en punchline, et une grosse part d’autocritique et d’auto-parodie qui désamorce la morve parfois condescendante que le Français jette sur ses pairs. Que les brocardés en prennent bien note, Vivès n’est jamais aussi méchant qu’avec lui-même, telle cette interview imaginaire et futuriste où l’auteur se retourne sur sa carrière… Ouch.

On retrouve en tout cas dans La bande dessinée une grammaire très contemporaine, peut-être trop pour les réfractaires, mais parfaitement huilée depuis le tome 1 et Le jeu vidéo jusqu’au dernier La guerre: un dessin au trait rapide mais écoeurant d’aisance et d’efficacité, répété parfois des dizaines de fois, la mécanique reposant essentiellement sur la succession de bulles et de dialogues, en décalage complet avec l’image. La bande dessinée est hilarant à peu près tout le temps, joyeusement grossier et parfaitement adapté aux blogs et à une lecture Web, là où les sales blagues de Vivès sont nées. Bémol donc logique et inhérent à ce type d’adaptations de blogs: une fois réunis et redécoupés en pages, les gags et les « trucs » de Vivès deviennent un brin répétitifs. Et finalement vite lus quand il s’agit de tourner les pages, forcément rapidement. Mais n’ergotons pas trop: on lui devait déjà nos meilleurs éclats de rire de 2012 avec La guerre, il vient ici de provoquer les premiers de 2013. Largement suffisant comme argument de vente.

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