
Après Chevreuil et avant Chien, le romancier Sébastien Gendron sort Python. Venimeux!
Sébastien Gendron, l’auteur qui pique comme un aspic, flingue dans Python toutes les assignations sociales avec une écriture et un humour plus féroces que jamais.
«Le ressort qui m’anime, le premier de tous mes livres noirs et adultes, consiste à prendre des vies « normales », sur lesquelles tombe une bombe thermonucléaire. Et de regarder ensuite comment les morceaux se sont éparpillés au moment de l’explosion!» Dont acte: après Chevreuil et avant Chien, voilà Python, le deuxième volet de son triptyque intitulé Le Grand Livre des animaux et s’ouvrant à chaque fois au Royaume(TM), un zoo ultramoderne dans lequel, cette fois, une foule entière se fait bouffer, «une immense foire à la viande humaine».
Cette fois, Sébastien Gendron et son étrange narratrice racontent l’histoire de Constance –qui déteste son fils âgé de 5 ans et vient de mettre dans le coffre d’une voiture le corps du dentiste du quartier (achevé au démonte-pneus)– et de Lucas, un grand échalas énigmatique qui, lui, a soudain décidé d’enfermer, et de laisser mourir, une vieille dame dans la «panic room» qu’elle lui avait demandé de construire. Pendant ce temps, un peut-être python se promène, ou pas, dans les canalisations du quartier, à savoir le lotissement Washington, avec ses rues de l’Iowa, du Texas ou de l’Utah, et son école John Fitzgerald Kennedy, pour de temps en temps y bouffer quelques culs… Le tout alors que Constance n’a qu’un but: foutre le camp d’ici et abandonner enfant et mari. Mais ça, c’était avant que ce dernier ne lui fasse le sale coup de mourir d’un AVC… Féroce, ce Python!
Tout a déjà été écrit, sauf par lui
«Avec le personnage de Constance, je voulais explorer l’assignation faite aux mères d’aimer leurs enfants, nous a expliqué l’auteur au récent festival Quais du Polar, entre deux séances de dédicaces et une intervention. Constance n’aime pas son fils, c’est viscéral, mais quitter sa famille et refaire sa vie ailleurs, c’est socialement inacceptable, contrairement aux hommes. J’ai voulu lui enlever ce trait, l’amour maternel, qu’on associe à la féminité, avec cette question que je ne résous pas: cet enfant est-il abominable parce qu’il a une mère qui ne l’aime pas, ou n’aime-t-elle pas son enfant parce qu’il est abominable?»
Une drôle d’histoire donc, entre malaise, provoc’, misanthropie et satire, mais comme souvent chez Gendron, qui se transforme en histoire drôle tant il ne peut s’empêcher de mêler sa plume extrêmement noire à un humour très acide. Une politesse de désespéré qui rappelle Jean-Patrick Manchette ou Marc Behm, et qui mettra toujours la forme ou le ton en amont du récit: «Depuis 2.000 ans qu’on écrit, tout a déjà été raconté. Pas la peine d’essayer de trouver la bonne idée, Shakespeare est passé par là, c’est mort. Ce qui nous reste, c’est la manière dont on peut encore les raconter. Truffaut disait: « Tout a déjà été filmé, sauf par moi ». C’est une citation dans laquelle je me reconnais.»
LIVRES / ROMAN NOIR
Pythonde Sébastien Gendron
Editions Gallimard/La Noire, 330 pages.
La cote de Focus: 4,5/5
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