Les choses simples: Lambert Wilson et Grégory Gadebois en mode pause

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Quand deux hommes fort différents regardent dans la même direction. © National
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Titre - Les choses simples

Genre - Comédie

Réalisateur-trice - Eric Besnard

Casting - Grégory Gadebois, Lambert Wilson, Marie Gillain

Sortie - En salles

Durée - 1h35

Critique - Jean-François Pluijgers

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Éric Besnard orchestre dans Les choses simples la rencontre de deux individus que tout oppose en apparence -Lambert Wilson et Grégory Gadebois- dans une comédie prenant le temps de vivre.

Nouvel opus d’Éric Besnard, auteur ces dernières années du Goût des merveilles et de Délicieux notamment, Les Choses simples débute sur une mosaïque d’images d’un monde dont la course folle va s’accélérant, comme pour mieux en prendre le contre-pied par la suite. Il y a en effet dans cette comédie revisitant la figure éprouvée du duo que tout oppose -Lambert Wilson en gourou speedé de la technologie et Grégory Gadebois en ermite tendance bougon- quelque chose comme un éloge de la lenteur, un appel à respirer auquel la Savoie prête ses décors verdoyants. “Ce que j’essaie de dire, c’est que dans un monde où tout s’accélère jusqu’à ce que nous ne soyons plus que des choses et où on n’arrive même plus à lire l’image tellement ça va vite, le temps, on peut l’arrêter quand on le décide, relève le réalisateur. Nous sommes soumis à une telle pression dans ce monde où on nous demande d’être performant, d’aller vite, et où, si vous avez le malheur de ne pas répondre au téléphone dans les 20 secondes, c’est comme si vous aviez commis un crime de lèse-majesté. Mais ce n’est pas vrai: je peux aller m’asseoir au bord d’une rivière… Ce qui ne veut pas dire que ce modèle-là soit meilleur que l’autre, mais en tout cas j’ai la capacité d’arrêter le temps. Et toutes les secondes ne se valent pas: celles que je choisis moi valent plus que celles qu’on m’impose.

L’opposition de ces deux modèles donne donc sa charpente à un film dont l’arc narratif consiste, pour faire court, à montrer qu’ils ne sont pas totalement inconciliables. Ce dont Besnard est d’ailleurs le premier à convenir: “Il est bien évident que les deux personnages sont les deux faces de ma personnalité. Mais aussi les deux faces de nos personnalités à tous: nous sommes à la fois celui qui prétend être efficace, reconnu, rapide et compétent, et celui qui prétend être capable de regarder le lever du soleil, mettre les pieds dans l’eau et avoir un rapport où il structure le réel directement avec ses mains…

Des hamsters dans leur roue

Les Choses simples, le cinéaste raconte en avoir eu l’idée aux premiers jours du confinement consécutif à la pandémie du Covid lorsque, sortant de chez lui, il eut la désagréable surprise de voir une passante changer de trottoir -la peur, de toute évidence. “J’étais en train d’écrire un autre film, mais j’ai eu besoin de répondre à ce que je venais de connaître, parce que je ne veux pas vivre dans un monde où les gens ont peur les uns des autres.” Si le Covid a aussi imprimé son tempo ralenti à nos existences, la parenthèse n’aura toutefois duré qu’un temps, logique implacable d’un modèle libéral d’efficacité oblige -“C’est comme si on nous avait donné un chèque en blanc, et qu’on nous l’avait retiré d’un seul coup en nous disant: “Maintenant, il faut redevenir un hamster dans la roue, et que tu la fasses tourner”, résume-t-il.

Et d’expliquer dans la foulée faire du cinéma “en résistance”: “Si je fais des poursuites de voitures et des gens qui se tirent dessus, j’ai beaucoup plus de chances de financer mon film qu’à faire deux mecs qui discutent dans la montagne.” Et à célébrer, l’air de rien, un art de vivre menacé de disparition, tronc commun à Délicieux et aux Choses simples: “C’est exactement ça, opine-t-il. Et mon prochain film –autour de l’école, NDLR- traite de ça également. Mon métier, aujourd’hui, après avoir fait d’autres choses, c’est de rappeler qui nous sommes, d’où nous venons, quel est notre modèle. Pour ce qui est de la France, le rapport sensuel est important, la rationalité est essentielle, et il y a les clés. Ce n’est pas un hasard si le cinéma, comme le restaurant a été créé en France, ça correspond à une pensée à un moment donné. Je ne suis pas passéiste, je dis juste qu’on vient de là.” Histoire d’ailleurs de brouiller les pistes, Les Choses simples s’emploie moins à départager ses deux protagonistes, le tenant d’une existence en accéléré et celui d’une vie au ralenti, qu’à en travailler la complémentarité, même souterraine. Une dynamique en dents de scie dont Lambert Wilson et Grégory Gadebois s’emparent avec une jubilation manifeste: “Deux acteurs face à face, c’est une alchimie, donc c’est aussi du temps au départ. Il n’y a pas plus différent que ces deux hommes-là dans la vie, et il n’y a pas d’acteurs plus différents, ce sont deux écoles de jeu qui n’ont rien à voir. Avec ça, il se crée quelque chose tout de suite, et après, vous en jouez. Je ne fais pas partie des metteurs en scène qui prétendent tout contrôler. Ce qui m’intéresse, c’est l’incarnation, des acteurs qui vont m’apporter un truc que je n’avais pas prévu. Vous orchestrez une rencontre, et quand ça marche, c’est très agréable à voir.” Le film, au fond, ne raconte pas autre chose…

Les Choses simples

Créateur du site de rencontres Fast Match et champion des nouvelles technologies, Vincent Delcourt (Lambert Wilson) est un homme toujours en mouvement. Jusqu’au jour où sa voiture (de collection) le lâche sur une route de montagne, ne lui laissant d’autre recours que de s’en remettre à la bonne volonté d’un motard bourru, Pierre Vernant (Grégory Gadebois). La rencontre entre l’homme pressé et l’ermite ayant choisi de vivre au ralenti va, comme de juste, faire des étincelles. Le moteur de cette comédie d’Éric Besnard (Délicieux) qui, si elle adopte un schéma plutôt convenu, n’en propose pas moins une photographie sensible d’un monde dont elle choisit de suspendre la course effrénée, histoire d’apprécier le numéro de duettistes que s’offre la paire Gadebois-Wilson, sous le regard de la trop rare Marie Gillain.

D’Éric Besnard. Avec Grégory Gadebois, Lambert Wilson, Marie Gillain. 1 h 35. Sortie: 22/02. 6

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