Les Couleurs intimes de Créons

Changement radical de paradigme pour Créons. Cet artiste sous pseudo s’est fait connaître à travers la représentation de crayons stylisés sur les murs de Bruxelles -le tout pour une parononymie “crayon – créons” plutôt féconde. Cette aventure débutée dans la rue, l’anonyme n’a cessé de l’élargir, à travers de spectaculaires expositions, autoproduites et en mode “all-over”, déployées dans des lieux en friche. Au fil de celles-ci, le spectateur attentif découvrait l’évidence: bien plus qu’un graffeur avide de marquer son territoire, il y avait là un artiste menant une quête plastique aussi respectable que sincère, d’autant plus précieuse qu’elle s’avance libérée des instances de validation habituelles.

Variée, l’approche livre depuis le début des contours multiples, allant du travail d’atelier à la recherche chromatique, en passant par la bande dessinée et la sculpture. Investissant aujourd’hui une ancienne agence bancaire brute de décoffrage, signalée par une bannière réalisée spécialement pour l’occasion, l’intéressé délaisse les effets de manche pour se mettre à nu -cette intimité que promet le titre.

Déployé sur un rez-de-chaussée et un sous-sol (où se découvre une vidéo documentaire pas encore activée lors de notre passage), l’agencement des toiles et de dessins convainc encore un peu plus de la valeur de la démarche. Plongeant ses mains dans la couleur, Créons aborde des thématiques poignantes, de la paternité -l’arrivée d’un enfant est suggérée par une unique fresque murale située dans une sorte de dent creuse architecturale jouxtant le lieu d’exposition- au deuil. Tant l’intelligence des compositions que la volonté d’explorer de nouveaux territoires visuels signalent ce caractère obsessionnel d’élaboration de solutions formelles à l’œuvre. Il signe une pratique marquée par une vaine -mais irrépressible et sublime- ambition consistant à faire entrer la vie dans un cadre.