Peet: portrait d’un rappeur avec des failles

Peet, rappeur avec failles. © Daniil Zozulya
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Échappé du 77, son crew du coeur, le rappeur bruxellois sort Mignon, un premier album solo aux reliefs autobiographiques particulièrement attachant.

Ça fait comment, un premier album? Qu’est-ce que ça remue? L’entretien avec Peet vient tout juste de se terminer quand on lui glisse dans les mains un premier exemplaire, version vinyle s’il vous plaît, de Mignon. La joie est pure, le bonheur palpable. Séquence émotion. Certes, ce n’est pas le premier projet de Peet. Il suffit d’avoir laissé traîner un peu ses oreilles dans la marmite rap bruxelloise de ces dernières années pour être tombé sur son flow élastique. En solo, avec au moins trois EP, mais aussi au sein de son groupe, Le 77, trio fendard « multiskills » au gros capital sympathie. Cette fois, cependant, il s’agit de passer à l’étape suivante. « Aujourd’hui, je sais sans doute mieux que jamais où je veux aller, ce que je veux exprimer. Et puis, c’est une première signature dans un label (Top Notch, distribué par la major Universal, sur lequel on retrouve son grand pote Zwangere Guy, NDLR). Ça devient encore un peu plus pro. »

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Pour certains, ce passage oblige à tailler un peu dans ce qui déborde, histoire de faire bonne impression. Mignon choisit au contraire de rester le plus fidèle à son auteur. Tant qu’à faire, il lui permet même de se dévoiler davantage, jouant volontiers la carte autobiographique. Jusqu’au titre de l’album: Mignon n’est pas seulement une manière parfaitement décalée de baptiser un album étiqueté rap, c’est aussi le vrai nom de famille de Pierre, son prénom dans le civil. « J’ai perdu ma tête, ça fait depuis que je suis né, commence ainsi Peet. Le 7 novembre 1992, depuis je l’ai toujours pas retrouvée. » Remontons donc le fil…

Aussi pépère que déter

Naissance à Etterbeek, mais huit premières années passées à Walhain. « Comme mes parents bossaient tous les deux sur Bruxelles, je partais avec eux le matin. Ma mère tenait une boutique de lingerie dans une galerie commerçante, à Stockel. J’allais dans l’école juste à côté. » Un jour, dans la galerie, il tombe sur des cours de piano. « Ma mère m’y a inscrit. Ça n’a pas duré longtemps, quelques mois à peine, mais ça me permettait de patienter, le temps qu’elle termine sa journée. » Et qui sait, au passage, les quelques leçons lui permettent peut-être de préciser ses envies de musique, omniprésente autour de lui. « J’ai toujours eu plein de potes qui jouaient, enregistraient, etc. »

Ado, Peet tombe par ailleurs dans le rap. « Un jour, je m’en souviendrai toute ma vie, mon grand frère m’a fait écouter… Petit frère d’IAM. Ça m’a retourné la tête. » À partir de là, Peet tombe dans la matrice hip-hop. Il en écoute beaucoup, des fondamentaux américains aux classiques français. De là à rapper lui-même, il y a encore un pas. « J’adorais cette musique, elle me touchait énormément, mais je ne me reconnaissais pas forcément dedans. Elle ne correspondait pas à mon lifestyle, j’avais l’impression que ce n’était pas ma place. Il a fallu des groupes comme L’Entourage ou 1995 pour réaliser que je pouvais aussi y faire quelque chose. »

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À Kraainem, où sa famille a déménagé, il tombe sur un « pote qui a commencé à rapper« , Anym, avec qui il forme Alma One. C’est le début des années 2010, l’époque des « succès » à 1000 vues sur YouTube. Peu importe. Peet entame des études d’ingénieur du son -« à la SAE, puis l’Inraci« -, mais sans rien terminer -« Je voulais juste me lancer à fond dans la musique« . Avec Le 77, formé en 2015, avec son meilleur ami Morgan -« On se connaît depuis qu’on a douze ans, ça a matché direct« – et Felix aka Félé Flingue, une première forme de reconnaissance grand public se concrétise. Dans une scène rap bruxelloise en pleine bourre, la coloc du 77 trouve rapidement sa place. Le trio de pieds nickelés joue volontiers sur l’humour décalé, cultivant un sens de l’absurde assez bien tapé. Quitte parfois à se voir réduits au rôle de « bouffons » du roi? « Disons que sur scène, c’est vrai qu’on joue pas mal là-dessus. Mais ce côté fun ne résume pas notre musique. En tout cas, avec cet album, j’avais vraiment envie de sortir de ça. Bien sûr, il y aura toujours du second degré. Mais dans ce cas-ci, c’est surtout le coeur qui parle. Je suis quelqu’un qui réfléchit, qui se pose des questions. Comme tout le monde, quoi. C’est ce que j’avais envie de délivrer. »

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D’où un album terriblement attachant. Un disque maîtrisé, certes, mais qui ne calcule rien. Rap dans l’esprit, mais pas borné musicalement. « Des morceaux comme Voyage ou 2 sens, ce sont des chansons. Remords, avec Morgan, a clairement un côté jazz. » Au centre du disque, le titre 17 est, lui, presque dansant. Un vrai pied de nez en l’occurrence, vu son sujet. En intro, le sample de Mama Lova d’Oxmo Puccino l’annonce: « Perdre sa mère, c’est pire/Demande à Pit, je t’assure. » En l’occurrence, Oxmo parle de Pit Baccardi, « mais j’ai flashé quand je suis tombé dessus, c’est comme si ça m’était destiné« . Puisque Pierre aussi a perdu sa maman, emportée par la saloperie de maladie. « Je savais que j’allais faire un jour un morceau sur elle. Mais je n’avais pas envie de partir sur un titre au piano, accords mineurs, et tout le monde qui pleure. » Pas sûr que cela a suffit. Le groove a beau chalouper, par un détail, Peet touche en plein dans le mille: difficile de ne pas avoir le palpitant serré quand il explique composer le 1230 pour réentendre la voix de celle qui s’est éteinte…

Mignon met ainsi Peet à nu, contradictions comprises -qui n’en a pas? Il est ce flemmard, « déter et pépère en même temps« . Il est aussi ce fumeur de joint avoué, inquiet des dérives des plus jeunes, accros aux drogues plus dures, moralisateur même sur Keke -« À l’époque, on se partageait le bédot/Aujourd’hui, c’est personnel/La weed, ça n’a plus rien d’exceptionnel« . Il est enfin ce sale gamin, jamais avare d’une fête bien arrosée, du moment que l’on respecte les principes de base (« Au revoir, merci, c’est pas compliqué« , sur AMC). « C’est clair, on est bien élevés de ouf! Parce que même si on est des petits cons, au fond, on reste des gens profondément gentils. »

Peet, Mignon, distribué par Top Notch/Universal. ****

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