Au menu de Multitude: moins de gimmick dance, davantage d’orchestrations et de sono mondiale. Et une écriture qui, plus que jamais, multiplie les points de vue.
Ce fut sa première grande peur: n’être qu’un one-hit-wonder, le chanteur d’un seul tube. Aujourd’hui, Stromae craint-il éventuellement d’être l’homme d’un seul album? Celui de Racine Carrée, disque phénomène publié il y a déjà neuf ans d’ici. Entre-temps, il a fallu digérer le succès XXL et le burn-out qui a suivi -c’est visiblement réussi- et se faire un peu oublier -c’est loupé: pendant son absence, une nouvelle scène French pop est née, revendiquant son influence majeure. Alors que faire? En 2018, Stromae sortait Défiler. Un morceau-fleuve de plus de neuf minutes, dans lequel il confiait: « Pourquoi j’ai peur d’être dépassé/Par qui et par quoi?« …
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Depuis, le carton de Santé et L’Enfer, les deux premiers singles de Multitude, ont pu le rassurer. En outre, ils illustrent bien les deux pôles musicaux principaux du nouveau disque. Un album, mais balançant entre grandes orchestrations (l’Orchestre national de Belgique) et sonorités du monde -erhu chinois, charango bolivien, zurna turc, choeurs bulgares, etc. À vrai dire, ces dernières étaient déjà présentes sur Racine carrée. Elles le sont encore davantage ici. Sans jamais tomber dans l’exotisme, Multitude -qui a failli s’appeler… Folklore– foisonne.
Le caca était (presque) parfait
L’album s’ouvre avec Invaincu, entrée en matière bombastic. « Oui, j’ai payé le prix« , assène Stromae, cognant la maladie. « Tant que je suis en vie, je suis invaincu« , insiste-t-il encore sur l’un des textes les plus directs (et sans doute les plus personnels) du disque -l’autre étant L’Enfer, déjà un classique. Ailleurs, le Bruxellois multiplie les jeux de rôle. À cet égard, Multitude est aussi, voire avant tout, celle des points de vue. Jusqu’à quatre différents dans une seule chanson -frisant l’exercice de style, sur Fils de joie, où il se met successivement dans la peau du fils d’une prostitué, celle du client, du proxénète et du flic.
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Chez Stromae, l’amour est à la fois une quête et une défaite (La Solassitude, Pas vraiment), la parentalité un bonheur et une épreuve (C’est que du bonheur), et le luxe relatif (Riez). Tout, en fait, est question de regard, comme l’explique le diptyque Mauvais journée/Bonne journée. Seul Déclaration prend davantage position. Sorte de suite post-#MeToo à Tous les mêmes, il permet à Stromae d’expliquer: « Si être féministe est devenu à la mode/C’est toujours mieux vu d’être un salaud qu’une salope« . Et de glisser un mot comme « endométriose », une première sans doute dans l’Histoire de la pop en français… Car, oui, Stromae reste unique en son genre. Il a beau avoir quasi laissé tomber les gimmick dance faits main, pour préférer des sons plus orchestraux, il continue d’être jouette et facétieux (« Le réveil est facile/le caca est parfait/Même pas besoin que je l’essuie« , sur Bonne journée). Surtout, il a conservé cette capacité à se nourrir de l’époque. Pour à la fois, la refléter et lui résister, proposant -cette audace!- nuance et complexité au milieu du chaos…
Stromae, « Multitude », distribué par Universal. ****
En concert à Werchter Boutique (19/06), aux Ardentes (10/07), au Palais 12 (15,16 et 17/03/2023).
Lire aussi notre critique du concert de Stromae au Palais 12.
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