Stromae, le retour du patron
Mardi soir, Stromae était au Palais 12 pour une « avant-première » live de son nouvel album, Multitude, prévu pour le 4 mars. Compte-rendu d’un concert haut en couleurs.
Involontaire ou pas, Stromae a décidément le sens du timing. Quelques jours à peine après le passage au code orange, il effectuait son grand come-back sur scène, mardi, au Palais 12. Dans une salle limitée à 9000 personnes, avec CST, certes. Mais aussi avec l’électricité des grands soirs. La vie d’avant entame son retour – on croise les doigts. Et Stromae avec elle. Alors forcément, quand il démarre son concert avec l’harangue d’Invaincu, l’entrée est triomphale. Sur le titre qui ouvre son nouvel album Multitude, Stromae boxe, frappe, cogne la « putain de maladie » – la dépression, le cancer, le covid, peu importe. Et lève le poing : « Toujours invaincu ».
Quelques minutes avant, le concert était introduit par un vidéo d’animation, plus que jamais influencée par l’univers Pixar. On y voit l’avatar du chanteur errer dans un labo secret, perché en haut d’une montagne. Le dessin est rond, les couleurs sont vives, mais sous ses pompons, le Stromae animé ne sourit pas, seulement entouré de robots, réduits à des bras articulés. Ultramoderne solitude et double effet kiss cool… Le programme est connu, mais, honnêtement, personne ne le met mieux en pratique que Stromae.
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Sur scène, ses quatre musiciens habituels – Simon le Saint, Yoshi Masuda, Florian Rossi et Manoli Avgoustinatos – sont alignés derrière leur station individuelle, à la manière de Kraftwerk. Comme le maître de cérémonie, ils portent pantalon noir et chemise blanche à volant. Ils sont entourés, cernés même, par une série d’écrans, accrochés à de gigantesques bras articulés – les fameux robots. Bluffant. « Comme vous le voyez, on a remplacé les humains par les machines », rigole Stromae, bientôt rejoint par un chient-robot. Le cybertoutou se met debout, assis, couché, twerke même : adepte de la ligne claire, le Tintin métisse de la Belpop a trouvé son Milou…
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Le mojo du maestro
Le concert de mardi soir était une mise en bouche avant la sortie de l’album, et une tournée qui, après deux autres dates à Paris et Amsterdam, passera par l’Amérique et les festivals, avant de revenir en salle l’an prochain. Limité à une heure, il n’était pas pour autant un show au rabais. Pour une première, tout a semblé déjà calé, la scénographie millimétrée. Sept longues années ont passé depuis le dernier concert – neuf depuis le carton dément de Racine Carrée. C’est long. Il n’a suffi pourtant que de quelques secondes à Stromae pour réussir à tout effacer, et se remettre en ordre de marche. Comme si c’était hier.
Après Invaincu, il enchaîne avec l’inédit Fils de joie, se mettant tour à tour dans la peau d’un fils de prostituée, du client, du proxénète et du flic. Beat baile funk et cordes slaves épicent le récit « aznavouresque ». Sur les écrans, comme bizarrement rattrapées par l’actualité, des armées défilent, avant de se lancer dans un ballet précieux. Stromae, lui, est derrière son pupitre, en meeting. Devant lui, ses partisans, pardon, le public, boit ses paroles. Dès le morceau suivant, il va pouvoir également se mettre à chanter. Tous les mêmes est le premier morceau tiré de Racine Carrée. Il est suivi par Quand c’est ?, toujours aussi troublant, Stromae se retrouvant presque écrasé sous les écrans mobiles. Plus loin, il enchaîne Papaoutai et Formidable, scies toujours aussi redoutablement efficaces. Il est rare de créer des tubes pop à large spectre, qui, rincés et lessivés par le succès, ne finissent pas par perdre leur humanité de départ. Stromae a ce don-là.
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