Iliona, dernière pépite de la scène bruxelloise: « La tristesse, c’est un sujet qui reste encore fort tabou »

Iliona © Roxane Diamand
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Plébiscitée par des pointures françaises comme Benjamin Biolay ou Julien Doré, Iliona est la dernière pépite de la scène musicale bruxelloise, entre classicisme chanson et penchants plus électroniques. Décollage immédiat.

Parfois, certains artistes n’ont pas besoin de ruer dans les brancards pour marquer les esprits. Iliona, par exemple. Arrivée sur la pointe des pieds, il ne lui a fallu que quelques morceaux pour attiser la curiosité. Le premier –J’ai du mal– n’a même pas un an: une dramaturgie amoureuse portée par une boucle de piano qui semble tirée d’un film français des années 70. Il a été suivi quelques semaines plus tard par Rattrape-moi, Moins joli, puis plus récemment Reste. À chaque fois, les ritournelles tristounes ont fait mouche. Aujourd’hui, Iliona Roulin sort un premier EP, après avoir reçu les accolades d’une bonne partie des médias français et d’artistes phares -Biolay, Doré, mais aussi Yelle ou Vincent Delerm. Elle arrive avec un sérieux atout: en mélangeant aussi bien Barbara que James Blake, citant à la fois Christophe et Hamza, la jeune femme est susceptible de faire le pont entre les tenants d’une certaine tradition chanson et ceux de la nouvelle French Pop.

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Pour le côté « vintage », il y a donc le piano, comme instrument boussole. « Vers huit ans, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire au cours. Mais c’était surtout pour suivre mes copines. J’ai tenu deux ans… » Pour le reste, il y a YouTube et les réseaux sociaux. Ado, elle y poste des reprises en tous genres -Aretha Franklin, Kid Cudi ou… Barbara. Plus tard, elle se met encore à la production -pour la Bruxelloise Ana Diaz. Finalement, en mars dernier, elle se jette à l’eau avec J’ai du mal. « J’ai eu un déclic. J’étais dans un moment de ma vie perso un peu charnière, de remise en question. J’étais à la fois pleine de colère et d’envie de faire mon truc. »

Iliona a la gourmandise musicale de sa génération, passant facilement de la chanson à la pop, du rap à l’électro –« Il n’y a rien de mieux que les morceaux qui vous font danser et pleurer en même temps »-, obsédée aussi par les musiques de films. « Si je n’avais pas eu la musique, j’aurais certainement fait une école de cinéma. » En attendant, elle réalise tous ses clips et shootings photo. Chaque fois, elle prépare de gros « dossiers », bourrés d’images et de références. « Ça ressemble presque à des exposés. Ce qui fait souvent rire les pros. Notamment parce que je parle souvent en « émotion ». Je n’indique jamais par exemple les mouvements de caméra. Je précise juste que dans telle scène il faut retrouver tel ou tel sentiment: l’ennui, la mélancolie, etc. »

Sujet tabou

Enthousiasme à toute épreuve, vision à 360 degrés, attitude décomplexée: rien ne semble vraiment arrêter la fameuse génération Z. Souvent, en interview, la jeune femme se présente en précisant uniquement son âge: Iliona, 20 ans. « Ça permet de remettre les choses à leur place, de rappeler que je suis encore jeune, et que je peux me permettre d’encore faire des erreurs. » Pour autant, il y a aussi chez la chanteuse-autrice-compositrice comme une gravité, qui lui donne quelque épaisseur en plus. Pour le clip en noir et blanc de Moins joli, elle est simplement assise derrière le piano, mèche blanche sur ses cheveux relevés, robe noire à la Gréco. « J’ai toujours traîné avec des gens plus « vieux ». C’est moins le cas maintenant, mais je m’ennuyais souvent avec les gens de mon âge, on ne partageait pas toujours grand-chose. »

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Il y a quelques mois, la Bruxelloise signait avec le label Artside, petite structure française sur laquelle on retrouve MHD ou Zed Yun Pavarotti. Étonnant alors que de plus grosses majors étaient également sur les rangs? « C’était surtout une question de rapport humain. Quand j’ai sorti ma première chanson, j’ai été contactée par beaucoup de monde. C’était un peu la panique. C’était pendant le premier confinement, j’étais chez mes parents. Toute la journée, je répondais au téléphone, je prenais des notes, en essayant de comprendre de quoi on me parlait. J’étais paumée. À un moment, j’ai fini par en parler à ma famille. Ils m’ont aidée à m’écouter, à me rappeler de quoi j’avais besoin moi, avant de penser à l’artiste qui veut développer une carrière. »

Depuis, les choses se sont encore emballées, avec pas mal de sollicitations, de plateaux télé, etc. « Est-ce que cette accélération peut faire peur? Oui. Mais la vérité est que j’ai peur de tout » (rires). Comme par exemple de se retrouver coincée dans une case, en l’occurrence celle d’une énième « nouvelle » chanson française? Après le piano-voix de Moins joli, Iliona a par exemple enchaîné avec Reste, sur lequel elle glisse de l’autotune. « C’était fait exprès. J’ai développé deux traits de personnalité très différents: d’un côté, la bonne élève qui veut être conforme aux attentes; et de l’autre, celle qui ne sera jamais là où vous l’attendez. Quand Moins joli a commencé à tourner, je n’ai pas pu m’empêcher de faire l’inverse. Même si Reste, fondamentalement, c’est toujours de la chanson française à mort. »

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Sur son premier EP, Iliona réussit à canaliser sa proposition, sans la corseter. Avec des comptines joliment désuètes à la Michel Legrand (Les Tulipes) et des textures plus électroniques (Marguerite), des poésies rêveuses (Une autre vie) et des impudeurs plus crues, comme sur Baguette magique« Ma mère nous a toujours poussés à parler quand ça n’allait pas. Je pensais que c’était un acquis. Mais force est de constater que j’ai encore plein de barrières, même en musique » (rires). Rarement un premier essai n’aura en tout cas aussi bien chanté une certaine mélancolie existentielle. Elle est résumée dans son titre, frontal: Tristesse. « C’était censé rester un titre de travail. Je n’imaginais pas un seul moment qu’il allait rester. Mais mon copain, notamment, a fini par me convaincre que ça me correspondait bien, à moi et au projet. C’est vrai que la tristesse a toujours fait partie de ma vie, depuis que je suis toute petite. Ça n’est pas forcément grave en soi. Mais je sais que c’est un sujet qui reste encore fort tabou. J’ai l’impression que c’est un truc qu’on doit normaliser. Donc j’en parle. Pas seulement pour le décrire, mais aussi pour le comprendre. Au fond, cet EP, c’est presque une étude sur le sentiment triste (rires). »

Iliona, Tristesse, dist. Artside. ****

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