Une note d’espoir dans une année pourrie: le livre, objet de l’année

Dans le chaos du confinement, le livre est resté une valeur refuge. © BELGAIMAGE
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Livres et BD auront été les seuls objets culturels à surnager en temps de confinement. Un bien considéré comme essentiel en Belgique et qui a retrouvé toute sa symbolique en France. Mais qu’on ne s’y trompe pas: la Covid ne profitera qu’à quelques-uns.

« L’une des rares nouvelles positives, c’est que le livre s’affirme comme un vrai refuge culturel: plus que jamais, il se révèle essentiel. » S’il faut pointer des bonnes nouvelles dans cette année confinée, c’est donc du côté du livre qu’il faut aller les chercher, comme l’a souligné Charlotte Gallimard, PDG de Casterman, dans une lettre envoyée à tous les libraires de France, alors que ceux-ci étaient obligés de fermer leurs portes, comme tous les commerces jugés « non essentiels ». Pour la deuxième fois dans l’année. Pour plus de 3.300 points de vente.

On aurait pu s’attendre à une apocalypse en termes de chiffre d’affaires et une mise à l’arrêt mortifère pour une chaîne du livre déjà fragile. Et pourtant. Si la pandémie a fait du mal à tous et tout le monde, César lui-même aurait pu l’affirmer: de tous les objets culturels de la Gaule, les livres sont les plus braves. Le secteur a en effet bien mieux surnagé que d’autres. Ou du moins, certains acteurs du marché.

Un oeil sur les programmes éditoriaux de cette fin d’année confirme la tendance: il n’y en aura que pour les « gros ».

« Vous m’auriez appelé fin octobre, j’aurais moi-même été très positif: nous avions à ce moment-là déjà gommé l’effet de la fermeture des librairies en mars », nous avoue Benoît Pollet, directeur général de Dargaud, important pôle BD du français Média-Participations.

Effet rebond

Et de poursuivre: « il y a eu un véritable effet rebond, grâce aux ventes en ligne qui ont en partie compensé et grâce au retour en masse du public, frustré de ne pas avoir pu acheter. Mais là, les librairies françaises ont à nouveau fermé, même les grandes surfaces n’ont plus le droit de vendre des livres. Et ce au pire moment: les deux derniers mois de l’année sont des mois qui comptent double. C’est donc une période très compliquée, mais peut-être moins qu’en mars. »

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De fait, depuis le premier confinement, beaucoup de choses ont changé: d’abord, seule la France a décidé de fermer ses librairies, au contraire de la Belgique, de la Suisse ou du Canada (qui représentent ensemble à peu près 15% du marché global du livre francophone). Ensuite, celles-ci semblent s’être beaucoup mieux adaptées à la situation: de mars à mai, seules 400 librairies françaises assuraient un service click and collect; elles sont désormais plus de 1.400 à l’offrir, mêlant commandes en ligne et retraits en magasin. Une prestation qui semble jouir d’un engouement plus large que pour les autres commerces, à voir la vague sans précédent de soutien aux libraires qui s’est manifestée partout, et le retour du livre en vraie valeur refuge en ces temps de cocooning forcé où l’on se rend compte, aussi, que l’online ne remplace pas tout.

Grâce à l'effet vente en ligne, les best-sellers se vendront peut-être mieux encore.
Grâce à l’effet vente en ligne, les best-sellers se vendront peut-être mieux encore.

Cette adaptation presque darwinienne aux circonstances ne sera néanmoins pas sans conséquences. D’abord sur le nombre de titres – « notre programme éditorial a été réduit de 20%, et ces 20% ne seront pas réinjectés tels quels en 2021 » – ensuite sur la qualité desdits titres: « Il est probable que cette vague de click and collect, plus encore en cette période de fin d’année où le livre reste avant tout un cadeau que l’on offre, va surtout profiter aux titres déjà identifiés ». Autrement dit, aux best- sellers qui se vendaient déjà très bien, et qui pourraient même se vendre mieux… Au détriment de premières oeuvres ou de livres qui demandent, eux, expressément, le soutien, les conseils et le travail d’un libraire. Un oeil sur les programmes éditoriaux de cette fin d’année confirme la tendance: il n’y en aura que pour les « gros ».

Les défis

> Pérénniser Librel: autre embellie dans la grisaille, purement belge cette fois: il existe enfin une vraie alternative en termes de vente en ligne au géant Amazon, avec la plateforme Librel. Celle-ci regroupe près de cinquante librairies indépendantes en Belgique francophone, qui désormais font stock commun. Soit 800.000 références à commander en ligne et à retirer près de chez soi, le tout accompagné, au contraire du concurrent américain, de conseils et d’infos.

> Sauver les Indés: si les « gros » éditeurs devraient pouvoir compter sur leurs best-sellers pour sauver leur année, il en va tout autrement des indépendants et des petites structures. « Contrairement à « la grosse cavalerie » en BD qui ne devrait pas trop souffrir de la fermeture des librairies – tout le monde veut son cinquième tome de L’Arabe du futur, c’est compréhensible -, nous allons subir de plein fouet l’absence de conseils des libraires et de la possibilité de feuilleter les ouvrages. C’est un cri du coeur! », nous écrit l’attachée de presse d’une petite mais excellente maison française, navrée de voir ses albums mourir à l’accouchement.

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