Matrix 4, Fight Club 2, Twin Peaks 3: toutes ces invitations à n’en faire qu’à sa tête…

Matrix Resurrections © WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND VILLAGE ROADSHOW FILMS
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Et si Matrix Resurrections, Fight Club 2 et Twin Peaks: The Return partageaient tous le même message? Et si ce message était le meilleur voeu qui soit à présenter au début d’une année qui devrait peut-être bien voir s’achever la pandémie et donc aussi voir rebooté le monde qui nous entoure? Crash Test S06E17: l’art, l’amour et l’amour de l’art.

Suis-je seul au monde à avoir interprété Matrix Resurections comme une comédie romantique se foutant ouvertement du cinéma geek et où un vieux nerd dépressif qui se prend pour Keanu Reeves drague une MILF dans un Starbucks et finit par lui faire croire qu’elle est la déesse d’un métavers? Probablement que non. Probablement même que nous sommes légion. Suis-je alors seul au monde à complètement me foutre du message et du sens de ce film tout en l’ayant plutôt apprécié pour ce qu’il est: un blockbuster amusant, distrayant et au sous-texte certainement pas subtil, ni très intelligent, mais… « pas si con ». Léger aussi pour un Matrix!

Peut-être même que voilà le premier blockbuster depuis longtemps qui choisit et assume la carte de la rigolade et du pif paf pouf plutôt que de ressusciter ses héros juste pour les faire souffrir cruellement et finir par à nouveau les tuer de façon atroce. En assommant le moral du public. Tiens, et si Matrix 4 marquait surtout la fin de cette mode de la bleakquel, la suite sinistre, et qu’on arrêtait désormais de tuer les James Bond au missile nucléaire, les Han Solo au sabre laser et de sacrifier les Tony Stark juste pour faire chialer dans les chaumières? Pour plutôt (re)donner au grand public friand de ce genre de pop-corn l’envie de sourire, d’aimer le monde et d’ensuite un peu réfléchir au sens de la vie et de ce qui nous entoure?

Matrix 4 est un film étrange, qui ne cesse de hurler durant ses deux heures trente qu’il ne veut pas exister, qu’il est une obligation contractuelle, un produit commercial et, aussi, que celles et ceux qui ont vu dans la trilogie originale de quoi se fabriquer leur propre culte ou leur propre mode de vie se sont trompés. C’est qu’en 20 ans, la « pilule rouge » est devenue un concept politique, très présent sur les réseaux sociaux. L’extrême droite adore. Les antivax adorent. Le mouvement trans et les féministes adorent.

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Elon Musk a un jour tweeté qu’il fallait la prendre, cette pilule rouge. Ivanka Trump a rétorqué que pour elle, c’était fait. Lilly Wachowski, soeur de la réalisatrice Lana et co-créatrice de la trilogie originelle, a répondu « Fuck both of you!« . Et aujourd’hui, Lana Wachowski semble marteler dans son dernier film que seul compte l’amour, qu’il y a bien des trucs à changer dans La Matrice contrôlée par Les Machines mais que tout cela peut se faire en rigolant, sans même tuer ou « canceler » l’adversaire. En trouvant plutôt un terrain d’entente permettant d’oeuvrer au bien commun. Cette façon de commenter son oeuvre passée à rebrousse-poil, sa récupération totale tant par l’industrie de l’entertainment que par l’air du temps militant, m’a rappelé l’option prise dans Fight Club 2, la bande dessinée scénarisée par Chuck Palahniuk une quinzaine d’années après le film de David Fincher (et quasi 20 ans après son roman).

Fight Club 2 était aussi très méta. Tyler Durden y devenait une idée dangereuse qui infestait la réalité et sur les dernières pages, Chuck Palahniuk en personne était pris à partie pour avoir créé un tel monstre. Le premier Matrix et Fight Club étant sortis la même année (1999) et ayant tous deux été politiquement récupérés depuis, je suppose que sera un jour abordée plus sérieusement et longuement que dans cette chronique le fait que leurs auteurs aient profité d’une suite au départ surtout commerciale pour clairement se démarquer de cette infestation de la réalité et pour clairement y insister sur le fait que la création et la fiction primaient pour eux sur le message perçu comme révolutionnaire. Que ce qui leur importait surtout était de garder une liberté artistique leur permettant de ne pas donner aux fans et aux financiers ce qu’ils attendaient. D’avoir le droit de se réinventer. De faire autre chose. D’essayer des pistes pour le moins hasardeuses. De ne pas se positionner en gourous politiques, ni en activistes. Matrix 4 m’a d’ailleurs également rappelé Twin Peaks 3 et pas seulement parce que le héros aimé de toutes et tous y met un temps dingue à retrouver son mojo. Surtout parce Twin Peaks 3 n’essaye même pas d’être la suite du Twin Peaks du début des années 90. David Lynch a 70 balais quand il rajoute ces 18 épisodes à la série et nous sommes dans un tout autre monde que celui de 1990. Il n’a plus rien à prouver ni à perdre, et se permet donc des plans fixes interminables sur un type qui balaye et un délire arty en noir et blanc sur la bombe atomique plutôt que de donner aux fans ce qu’ils attendent: savoir ce que devient Laura Palmer et voir briller l’intelligence intuitive de Dale Cooper. L’essentiel de Twin Peaks 3 ne se passe même pas à Twin Peaks et le message de la série me semble donc clair: j’ai été payé cher pour relancer et/ou entretenir un culte. Ce culte a été dévoyé. Je suis un artiste. Je fais donc absolument ce que je veux!

S’il y a bien un message à retenir de Matrix 4, je pense donc qu’il est davantage dans la façon d’avoir mené ce film à bien que dans le scénario. Qui aurait pu penser en 2003, à la fin du très lourd, doloriste, incompréhensible et multicouche Matrix 3 que presque 20 ans plus tard sortirait un épisode à l’histoire bien plus simplette, qui se passe essentiellement dans 3 rues autour d’un coffee-shop, et où l’on rigole bien fort d’une longue critique acerbe de la Warner Bros et de bots-zombies qui se jettent par les fenêtres de leurs appartements? Est-ce que ce film dit donc autre chose que « Relax! Enjoy the ride »? Quant à la toute fin de ce Matrix 4, Neo et Trinity annoncent leur intention de mettre « un peu plus d’arcs-en-ciel dans La Matrice » alors qu’ils ont passé tous les films précédents et une bonne vingtaine de minutes de celui-ci à y bastonner, n’est-ce pas une invitation évidente à retrouver fun et légèreté? Dans le cinéma populaire. Dans la vie. Et dans nos cyberspaces bien réels: les réseaux sociaux, tout comme les métavers à venir. By the way, c’est tout ce que vous souhaite pour 2022! Bonne année et meilleurs voeux!

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