Critique

[Le film de la semaine] If Beale Street Could Talk, de Barry Jenkins

Stephan James, KiKi Layne et Brian Tyree © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

MELODRAME | Après s’être inspiré d’une pièce de Tarell Alvin McCraney pour Moonlight, Barry Jenkins adapte aujourd’hui James Baldwin avec If Beale Street Could Talk, roman écrit par ce dernier au début des années 70.

Elle, c’est Tish (KiKi Layne), comme tout le monde l’appelle, même si son prénom officiel est Clémentine. Et lui, c’est Fonny (Stephan James), aussi sûr que son vrai nom est Alonzo. Ils ont grandi dans le même quartier d’Harlem, se connaissent depuis toujours et s’aiment d’un amour au parfum d’absolu. Leur avenir commun a tout de l’évidence impérieuse, à une nuance près, mais de taille, leur condition de Noirs dans l’Amérique des années 70, prompte à accuser, par l’entremise d’un flic blanc borné, le jeune homme du viol d’une Portoricaine qu’il n’a jamais croisée. Et d’être expédié en prison sans autre forme de procès, à charge pour Tish, enceinte, de remuer ciel et terre pour tenter de l’en sortir. Un combat opiniâtre dans lequel elle recevra l’aide d’une famille aimante, sa mère, sa soeur et son père, rejoints par celui de Fonny, tous unis pour conjurer le désespoir…

Intime et politique

[Le film de la semaine] If Beale Street Could Talk, de Barry Jenkins
© DR

Après s’être inspiré d’une pièce de Tarell Alvin McCraney pour Moonlight, Barry Jenkins adapte aujourd’hui James Baldwin avec If Beale Street Could Talk, roman écrit par ce dernier au début des années 70 (réédité pour l’occasion). Comme son précédent opus, le film, une expérience sensorielle rare, en impose par son esthétique, le cinéaste déployant l’histoire de Fonny et Tish dans un cadre soyeux de toute beauté. Manière aussi de mieux souligner le contraste entre la pureté de leur monde et le réel âpre dans lequel ils ont à se débattre, cette Amérique où le racisme et l’injustice ont pignon sur rue, ordinaire avec lequel les Afro-Américains en sont réduits à composer. Mais si le film de Jenkins est forcément engagé et politique, il s’inscrit aussi résolument du côté de l’intime et de la passion -fidèle d’ailleurs en cela au roman de Baldwin. C’est d’une histoire d’amour hors norme et de mélodrame qu’il est ici question. Beale Street, tout en évoquant le cinéma d’un Wong Kar-wai par ses compositions chromatiques et sa sensualité, renvoie aussi à celui d’un Douglas Sirk. Et de libérer une émotion puissante, portée par la voix off de Tish et la partition lancinante de Nicholas Britell, dont le film, s’écartant judicieusement de la linéarité, adopte le rythme ondoyant. Habité par des acteurs charismatiques (la débutante KiKi Layne est tout simplement incroyable), il y a là, jonglant avec le réel et le romanesque, un récit bouleversant happant le spectateur pour laisser une empreinte indélébile. Quelque chose comme un blues délicat n’en finissant plus de résonner à 40 ans de distance, non sans tempérer son goût de cendre par sa foi en la force d’un amour à même de tout transcender et plus encore. En un mot comme en cent, un chef-d’oeuvre.

De Barry Jenkins. Avec Kiki Layne, Stephan James, Colman Domingo. 1h59. Sortie: 13/02. ****(*)

>> Lire aussi notre interview de Barry Jenkins.

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