Kristen Stewart incarne Diana Spencer: « La vie de Lady Di est difficile à décoder, c’est un puzzle émotionnel »

Kristen Stewart: "C'est l'histoire d'une lumière qui va diminuant, mais qui était tellement rayonnante et contribuait à ce point au bien-être des gens qu'elle ne peut que déteindre sur la façon dont on se sent en l'interprétant." © PABLO LARRAIN
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Kristen Stewart campe une Lady Di impressionnante de vérité dans Spencer, le biopic décalé que consacre Pablo Larraín à la princesse de Galles. Une composition rien moins que royale qui pourrait la couronner d’un Oscar…

Consacrée star planétaire par la saga Twilight, Kristen Stewart a su, à l’instar de son partenaire Robert Pattinson, se soustraire à un parcours trop prévisible de teen idol pour se multiplier dans les projets audacieux, qu’elle tourne avec Olivier Assayas (Sils Mariaet Personal Shopper) ou Kelly Reichardt (Certain Women), avec Drake Doremus (Equals) ou Ang Lee (Billy Lynn’s Long Halftime Walk), parmi d’autres. On la retrouve aujourd’hui devant la caméra du cinéaste chilien Pablo Larraín pour Spencer, biopic imaginaire que le réalisateur de Nerudaet Jackieconsacre à Diana Spencer, la princesse de Galles, tragiquement disparue en 1997.

Lady Di, l’actrice américaine en trace un portrait saisissant, en reproduisant les attitudes et les intonations, c’est bien le moins, tout en semblant exprimer sa nature profonde alors que le film la montre en train d’étouffer dans sa royale prison le temps de festivités de Noël imaginaires s’étirant sur trois jours. Une composition soufflante, au coeur d’une rencontre avec la comédienne américaine à la faveur de la première londonienne du film. « J’ai préparé ce rôle simplement, commence Kristen Stewart. Je n’avais pas de connaissance particulière de la famille royale britannique. Je suis originaire de Los Angeles et j’avais 7 ans lorsque Lady Di est décédée. J’avais toutefois gardé en mémoire l’image des fleurs devant Buckingham Palace ainsi que l’émotion qui était dans l’air à l’époque. Tout ça m’avait accompagnée, mais plutôt à titre d’événement historique. Néanmoins, avant même que l’on ne me propose de faire ce film, je ressentais un lien émotionnel avec Diana. Sans qu’il y ait de raison objective, je l’appréciais, j’étais fan. Cela posé, j’ai lu tout ce sur quoi j’ai pu mettre la main, j’ai regardé toutes les images disponibles, et j’ai travaillé mon accent avec une coach. Après, il ne s’agit jamais que d’une jeune femme se sentant quelque peu prise au piège des événements, comme ça peut être le cas de beaucoup d’entre nous… »

Les conséquences de la célébrité

Entre Diana Spencer et Kristen Stewart, la comparaison est évidemment tentante, l’une comme l’autre ayant dû composer, fort jeunes, avec une célébrité envahissante, avec les conséquences que l’on sait pour la première, décédée dans un accident de voiture alors qu’elle était poursuivie par des paparazzi. « Mais c’était à un niveau totalement différent, tempère l’actrice. Elle a dû faire face à un degré de célébrité sans équivalent. Même si je peux me retrouver jusqu’à un certain point dans ce qu’elle a vécu: le sentiment que tout le monde est en train de vous regarder, même si ce n’est pas toujours le cas encore que ce soit vrai le plus souvent. L’équilibre à trouver entre la façon dont on se présente et ce que l’on ressent vraiment, être consciente que dire la vérité va parfois produire une mauvaise impression, ou jouer contre vous. Toutes choses que je peux ressentir moi aussi. C’était quelqu’un qui ne pouvait pas se cacher, même si elle veillait à ce que tout le monde autour d’elle se sente bien, ce pour quoi elle était extrêmement douée, et à ce que l’on ne sache pas exactement ce qu’elle pensait, et pour cause. Sa vie est difficile à décoder, c’est un puzzle émotionnel, mais ce qui remonte à la surface, c’est son incroyable énergie, ainsi que son honnêteté et sa vulnérabilité. » Un terrain que la comédienne a exploré avec opiniâtreté.

Kristen Stewart, à côté de Pablo Larraín:
Kristen Stewart, à côté de Pablo Larraín: « Il m’a dit d’en faire moins. Et d’être. »© PABLO LARRAIN

Kristen Stewart souligne beaucoup travailler, et avoir la chance d’aimer ce qu’elle fait. Manière encore, explique-t-elle, de se protéger de la frénésie qu’avait suscitée en son temps la saga Twilight, et qui en fait toujours la cible privilégiée de potins les plus divers, parmi d’autres conséquences plus ou moins intrusives. « Je déteste que des gens me suivent dans la rue, mais c’est le prix à payer, je suppose. C’est bizarre, it sucks , mais ça dépend aussi de la façon dont vous envisagez la chose: on peut toujours tourner le dos à tout ça, ce n’est pas facile mais c’est une option. Mais je vais bien, ce n’est pas comme si je devais survivre à ma célébrité. Une fois encore, rien de comparable avec Diana. L’ironie voulant qu’elle soit morte dans un accident de voiture en étant poursuivie par des paparazzi, alors même qu’elle avait réussi à gagner son combat pour la survie. Moi, je n’ai jamais eu à me battre pour ça, je ne fuis rien. Les paparazzi m’ennuient mais je ne suis pas en train de fuir quelque chose dont je devrais me protéger. »

De Seberg à Spencer

Lady Di n’est pas la première figure publique à avoir connu un destin tragique qu’interprète Kristen Stewart, puisque celle-ci incarnait, il y a quelques années, l’actrice Jean Seberg, morte à 40 ans dans des circonstances troubles, dans Seberg de Benedict Andrews. Non, assure-t-elle, qu’il faille y voir l’expression de quelque attirance un peu morbide: « Diana Spencer comme Jean Seberg sont deux personnalités brillantes, dont l’existence, très riche, s’est aussi révélée très compliquée. Il y avait d’innombrables raisons de faire ce film: on sent, chez Diana, ce désir de rester proche des gens, d’être disponible et de partager. Et il y a de cela aussi chez Jean Seberg, une artiste qui, en plus d’être une actrice blanche à succès, s’est affirmée comme une activiste luttant contre tous les types de sectarismes, à une époque où ça n’était pas si courant. Il y a tellement de facettes à leur histoire qu’il me semblait opportun de leur donner une nouvelle chance d’être vues pour ce qu’elles étaient, alors qu’elles ne sont plus là. On nous pose toujours la question, quand on fait un film de ce type, de savoir si nous n’exploitons pas en quelque sorte des gens dont la vie a déjà été volée. L’art propose une diversité de points de vue, et permet d’établir des connexions. Un film comme celui-ci ou comme Seberg n’a rien d’une biographie officielle: il s’agit de rêves, autour de personnes que nous aimons et à travers lesquelles nous apprenons des choses sur nous. S’il est difficile de généraliser sur les choix que l’on pose, il est évident qu’on peut trouver un lien entre ces deux films. »

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Dans un cas comme dans l’autre, Kristen Stewart s’est employée à dépasser le seul mimétisme, pourtant bien réel, pour s’approprier le personnage. « J’ai essayé de faire une imitation parfaite de Diana, explique-t-elle à cet égard. Elle était tellement particulière, tant dans sa façon de se déplacer que dans ses intonations. Il ne suffit pas de reproduire un accent, il faut observer, absorber, cueillir les éléments qui faisaient d’elle celle qu’elle était, ses gestes, ses affectations, les modulations de sa voix, et attribuer ces moments au film. Et pour les relier, il faut veiller à être soi-même entre eux, parce qu’il faut rester réactive et brute. Elle-même avait une vitalité et une énergie plutôt imprévisibles. Je l’ai envisagée à la façon d’un cygne, comme quelqu’un qui pouvait enjôler tout en ayant une façon de communiquer assez étrange. J’ai repris des choses que j’aimais faire et, entre ces moments, j’ai essayé de me relaxer. La meilleure indication que m’ait donnée Pablo, et cela dès le deuxième jour du tournage, a été: « Aie confiance dans le fait que tu la connais et détends-toi « . On travaille vraiment dur sur un personnage, parce qu’on veut faire du bon boulot et la meilleure imitation possible de Diana. Et Pablo m’a dit d’en faire moins. Et d’être. » Un conseil précieux à en juger par la composition bluffante de la comédienne, qui réussit à se muer en Diana les 117 minutes que dure le film. Et un rôle à marquer d’une pierre blanche en tout état de cause, ce dont elle ne disconvient d’ailleurs aucunement, qui confie avoir éprouvé un sentiment très agréable à s’être retrouvée dans la peau d’une autre: « Je me sentais vraiment bien, même si le film traite d’un sujet très triste, et que ces trois jours présumés n’ont rien d’amusant. C’est l’histoire d’une lumière qui va diminuant, mais qui était tellement rayonnante et contribuait à ce point au bien-être des gens qu’elle ne peut que déteindre sur la façon dont on se sent en l’interprétant, même s’il ne s’agit jamais que de faire semblant. Quand on croit assez fort en quelque chose, ça devient la réalité, et l’idée que je me faisais d’elle s’est matérialisée en moi. À cause d’elle, j’avais l’impression d’être une leader sur le plateau. J’ai vraiment apprécié ce qu’elle m’a apporté. » Et ce n’est peut-être pas fini: cinq ans après Natalie Portman pour Jackie, on n’imagine guère que Kristen Stewart ne soit pas nominée aux Oscars pour Spencer

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