Reprise des scènes: panorama des immanquables des prochaines semaines

Fanny Ruwet © DEBBY TERMONIA
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Possible en extérieur depuis le 8 mai, autorisé en intérieur pour un maximum de cinquante spectateurs à partir du 9 juin, le spectacle vivant retrouve son public, en s’organisant au mieux.

Depuis le 13 mars 2020, le spectacle a usé de bien des stratagèmes pour exister malgré la pandémie, en chair et en os, et pas seulement en streaming. A la belle saison, il a surgi dans la rue, au pied des immeubles et de leurs balcons, dans les parcs et sur les places publiques. Quand le mercure est retombé, il s’est invité dans les cafés et restaurants vides et dans les vitrines des magasins pour interpeller les passants, jusqu’à transformer un théâtre (Le Public) en librairie. Si le spectacle-test organisé au KVS fin avril-début mai a démontré scientifiquement que, avec un bon système de ventilation, les salles pouvaient accueillir les spectateurs en toute sécurité, même remplies à leur pleine capacité, les arts vivants sont forcés pour quelques semaines encore de composer avec de multiples contraintes, jonglant entre les jauges limitées et les intempéries. Mais l’éclaircie d’un vrai déconfinement est en vue et se concrétise un peu partout.

Réenchanter la vi(ll)e

Fritland
Fritland© DEBBY TERMONIA

La Maison de la culture de Tournai organise des incursions artistiques surprises un peu partout dans la ville, à travers vingt lieux gardés secrets. Misant sur la convivialité, elle propose aussi des rendez-vous sur son parvis, pour lesquels la réservation est obligatoire. Sur sa terrasse improvisée, on pourra retrouver la nouvelle version de Fritland, racontant le parcours du friturier-poète Zenel Laci mis en scène par Denis Laujol, le dernier repas cuisiné en live par Julie Remacle et Cédric Coomans de C’est pas la fin du monde et Le Petit Déjeuner (encore à manger!) concocté par la compagnie de théâtre forain contemporain Dérézo.

  • Jusqu’au 26 juin, à Tournai.

Une maison de poupée

Parmi les pièces de Henrik Ibsen (1828 – 1906), aucune sans doute ne sonne autant actuelle qu’Une maison de poupée. Pour son héroïne Nora et son parcours vers l’émancipation, le dramaturge norvégien s’inspira de la trajectoire d’une de ses amies, Laura Petersen, et déclara: « Une femme ne peut pas être elle-même dans la société contemporaine, c’est une société d’hommes avec des lois écrites par les hommes, dont les conseillers et les juges évaluent le comportement féminin à partir d’un point de vue masculin. » Dans cette version post#MeToo, on retrouve le Français Ladislas Chollet, le metteur en scène de Kennedy, déjà récompensé de plusieurs Molière.

  • Du 3 au 30 juin, au Théâtre royal du Parc, à Bruxelles.

Stand-Up Festival

Inno JP
Inno JP© MOOVIZZ

Toujours avide de nouveaux paris, le Théâtre de Liège organise pour la première fois un festival de stand-up, en misant sur les jeunes du cru et en mettant en évidence la diversité de voix et de parcours propre à cette discipline. La soirée, placée sous le parrainage de l’incontournable Kody, également maître de cérémonie du festival, réunira notamment la chroniqueuse Fanny Ruwet et son art de planter le malaise, Mouss’ et son style underground, Inno JP et sa question initiale « Pourquoi moi? », Sacha Ferra et son historique familial « compliqué », la trilingue FR-NL-EN d’origine tunisienne Serine Ayari et Dena Vahdani, « un pied à Bruxelles, un pied un Flandre, le coeur en Iran et les yeux sous les jupes des filles ». Un plateau d’humoristes éclectique mais cohérent, qui démontre qu’une nouvelle génération est bien là, prête à en découdre.

  • Le 19 juin, au Théâtre de Liège.

Kody
Kody© MOOVIZZ

Unlocked 2 + Charleroi danse au vert

Charleroi danse met le paquet en juin pour rattraper le temps perdu, en se déployant sur ses deux villes d’implantation, Bruxelles et Charleroi.

Reprise des scènes: panorama des immanquables des prochaines semaines
© JULIEN CARLIER/THÉÂTRE LES TANNEURS

A Bruxelles, le Centre chorégraphique mise sur les salles de sa Raffinerie, sur le gradin installé dans sa cour et sur ses partenaires (les Brigittines, les Tanneurs, les Halles de Schaerbeek) pour proposer Unlocked 2, un condensé gratiné de danse. Entre la création tant attendue du Dress Code de Julien Carlier, au croisement du hip-hop et de la danse contemporaine, Isadora Duncan de Jérôme Bel, le focus autour de Daniel Larrieu, Wax du chorégraphe d’origine malienne Tidiani N’Diaye ou encore la Samba do Crioulo Doido déconstruisant les identités racisées des Brésiliens Calixto Neto et Luiz de Abreu, impossible de choisir.

Reprise des scènes: panorama des immanquables des prochaines semaines
© PIERRE PLANCHENAULT

A Charleroi, la danse s’empare des espaces verts et patrimoniaux pour rayonner dans toute la région au fil de rendez-vous exceptionnels et gratuits. Au parc Nelson Mandela de Monceau-sur-Sambre, au centre de délassement de Marcinelle, au domaine de Seneffe, au parc Astrid dans le centre-ville carolo et à l’abbaye d’Aulne, le public retrouvera Mauro Paccagnella, Maria Clara Villa Lobos, Cassiel Gaube, Daniel Linehan ou encore Alexander Vantournhout. Et comme si ça ne suffisait pas, Charleroi danse propose aussi, dans ses Ecuries, le réjouissant spectacle jeune public autour de péripéties en cour de récré 10: 10, de Caroline Cornélis et un Focus Hip-hop où l’on pourra notamment découvrir Queen Blood du regretté Ousmane Sy pour une bonne dose de black power au féminin.

  • Unlocked 2: du 27 mai au 26 juin, à Bruxelles.
  • Charleroi danse au vert: du 5 juin au 3 juillet, dans la région de Charleroi. www.charleroi-danse.be

L’interview Thomas Depryck

Prévu dès le départ pour un nombre restreint de spectateurs, Macadam Circus (lire aussi notre critique) s’adapte au plan plein air et prend place en extérieur, dans la cour du Petit Varia à Ixelles. Trois questions à son auteur, Thomas Depryck.

Reprise des scènes: panorama des immanquables des prochaines semaines
© ALICE PIEMME

Macadam Circus parle de la rencontre entre un homme et un éléphant. Pourquoi cet animal?

Un père s’adresse à son fils dans une lettre et lui raconte en effet cette rencontre avec un éléphant. Pour moi, l’éléphant est une surface de projection dans lequel on peut mettre tout ce qu’on a envie d’y mettre. Mais c’est un animal qui, dans certaines cultures, représente la sagesse, la force… Du fait qu’il semble que seule la famille de cet homme se rend compte de la présence de cet éléphant, j’y vois, moi, les utopies, les alternatives auxquelles on ne croit pas parce qu’on est trop braqué, parce qu’on ne regarde plus nécessairement dans la bonne direction. La catastrophe va arriver parce qu’on fonce vers la seule solution qu’on a jugée bonne, en l’occurrence le capitalisme effréné. L’éléphant est aussi un animal en voie de disparition, fragile, qu’on chasse pour des raisons contestables.

La thématique de l’effondrement était déjà très présente dans votre pièce précédente, Le Bousier, créée juste avant la pandémie. Les deux textes sont-ils liés?

Oui. Le Bousier était sur scène comme représentant d’une dernière possibilité pour l’humanité de se renouveler, mais il se fait qu’elle l’écrase et que ça ne marche pas. S’il est monté après, Macadam Circus a en fait été écrit avant Le Bousier. Il y a des résonances dans les deux textes, mais le type d’écriture n’est pas le même. Celle de Macadam se rapproche plus d’un autre de mes textes, Le Réserviste, présentant aussi un personnage seul qui se bat contre un système qui veut l’envoyer au travail alors que lui préférerait faire son chemin lui-même (NDLR: il y avait là aussi un animal, un… paresseux).

Macadam Circus est un « texte choral à un acteur ». Qu’est-ce que cela veut dire?

Comme souvent chez moi, je distribue la parole entre un personnage principal et plusieurs voix qui portent cette parole, la commentent, font des inserts, pour créer une sorte de distanciation. Dans la mise en scène, Antoine Laubin a décidé de le faire jouer par Axel Cornil seul. La choralité va être maintenue, mais à travers un seul acteur, ce qui donne quelque chose de très performatif. Cette approche crée un challenge en plus et un regard nouveau sur le texte, auquel je n’avais pas pensé au départ.

  • Macadam Circus : jusqu’au 12 juin dans la cour du Petit Varia, à Bruxelles.
  • Le texte est édité chez Emile Lansman.

Balsanniversaire

La Balsamine a 40 ans. Pour fêter ses quarante années « d’émergence, de théâtre, de danse et d’utopie » passées dans les anciennes friches de la caserne Dailly, à Schaerbeek, la Balsa présente le nouveau spectacle de son énergique fondatrice Martine Wijckaert, le « vaudeville mythologique » Forêts paisibles, écrit pour les acteurs Véronique Dumont, Héloïse Jadoul et Alexandre Trocki. Dans la foulée, elle organise une nouvelle édition du PIF, le Pauvre et (cette fois) Impromptu Festival. Y sont programmées des installations (Terrain vague, module 2, Justices-s…), des conférences de la Horde Furtive autour du « savoir », la performance de Lucile Saada Choquet qui tente dans un geste artistique « d’initier une réparation collective des mémoires traumatiques », ou encore la création danse de Marcia Liu, Dr. Strange Love II, autour de la domestication des animaux et de la frontière entre humanité et animalité.

  • Du 15 au 25 juin, au théâtre de la Balsamine, à Bruxelles.

Et l’été?

Si plusieurs festivals ont annoncé qu’ils jetaient l’éponge, comme le Festival au Carré à Mons et le festival international des arts de la rue à Chassepierre, cherchant toutefois des alternatives de moindre ampleur, d’autres rendez-vous sont bel et bien confirmés. Bruxellons!, installé au château du Karreveld à Molenbeek, a annoncé un festival (du 10 juillet au 27 septembre) avec six créations, dont la comédie musicale Blood Brothers, et la reprise de tubes comme La Convivalité et Une vie sur mesure. Reportant à 2023 le Lucrèce Borgia monté par Emmanuel DeKoninck, Villers-la-Ville présentera dans l’ancienne abbaye un spectacle familial, Le Petit Prince, adapté de Saint-Exupéry (du 13 juillet au 8 août). Une autre abbaye, celle de Stavelot, accueillera une édition du Festival VTS (du 2 au 10 juillet) où l’on pointe notamment le nouveau spectacle de Guillermo Guiz, Muzungu, de Vincent Marganne et le spectacle musical pour les petits L’Ombre de Saint-Saëns. Quant au lac de Genval, il retrouve le festival Il est temps d’en rire (du 1er juillet au 4 septembre) pour une deuxième édition ouverte avec la création de la comédie Sex and Jealousy.

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