The Bibi Files, portrait dévastateur de Benjamin Netanyahou, The Surfer, avec Nicolas Cage dans une spirale hallucinée ou encore Lads, film français sur l’univers impitoyable des jockeys: notre avis sur les sorties ciné de la semai
The Bibi Files
Documentaire d’Alexis Bloom. 1h53.
La cote de Focus: 3/5
The Bibi Files dresse le portrait dévastateur d’un homme d’Etat frappé d’hubris et d’arrogance. Basé sur les vidéos des interrogatoires de police menés dans le cadre des poursuites pour corruption auxquelles fait face Benjamin Netanyahou depuis 2019, le film analyse méthodiquement comment ce qui commence comme une tentative de dissimuler un système institutionnalisé de corruption finit par plonger le pays dans le chaos.
Alexis Bloom démontre comment le Premier ministre israélien, au-delà de ses accointances idéologiques, a tout à la fois ouvert la porte à l’extrême droite et encouragé le financement occulte du Hamas. Si le film adopte par moments une narration proche des productions des plateformes, il reste extrêmement percutant et limpide sur les enjeux politiques qui traversent la société israélienne, dirigée depuis 20 ans par le même homme, et sa famille.
A.E.
Good One
Drame d’India Donaldson. Avec Lily Collias, James LeGros, Danny McCarthy. 1h30.
La cote de Focus: 4/5
Sam a 17 ans. C’est une jeune fille brillante, à l’écoute, qui a accepté de sacrifier son week-end pour aller en randonnée avec son père. La «Good one», que l’on pourrait traduire dans ce contexte par «l’enfant sans problème», c’est elle.
C’est elle qui prend en empathie Matt, le vieil ami de son père, un type un peu morose et paumé dans sa vie. C’est elle qui ne dit rien, lorsqu’on ignore ses besoins ou qu’on lui accole des stéréotypes préfabriqués. En réalité, dans cette randonnée, c’est elle qui subit, coincée avec ces deux quinquagénaires aux idées d’un autre âge, héritiers pâlots d’un patriarcat dégénéré. India Donaldson, dont c’est le premier film, suit avec grâce cette jeune fille qui se rend progressivement compte de la violence autour d’elle. En résulte une œuvre pudique, délicate et précise sur l’impossible réconciliation entre deux générations.
J.D.P.
The Surfer
Thriller de Lorcan Finnegan. Avec Nicolas Cage, Julian McMahon, Nicholas Cassim. 1h39.
La cote de Focus: 3,5/5
Etrange destinée que celle de Nicolas Cage. D’abord acteur de prestige dans les années 1990, où il a joué pour David Lynch, Brian De Palma et Mike Figgis, le comédien a ensuite connu une véritable traversée du désert, mettant ses performances outrées au service de scénarios «nanardeux»… Jusqu’à ces dernières années, où sa carrière a connu un nouveau souffle revigorant. A mille lieues de la machine hollywoodienne, l’acteur semble désormais mettre son talent en or massif au diapason de jeunes auteurs à la vision barrée et singulière. Après Longlegs et Dream Scenario, le voici aujourd’hui dans un trip psychédélique australien, bien nommé The Surfer.
Réalisé par Lorcan Finnegan, déjà à l’œuvre sur les imparfaits Vivarium et The Nocebo Effect, ce nouveau «Nicolas Cage movie» raconte comment un homme d’affaires sans histoire entre en conflit avec une secte de surfeurs, qui refusent l’accès à la plage aux étrangers. Tenace, notre protagoniste décide de rester aux abords de la baie, tombant progressivement dans une éprouvante déchéance physique et psychologique: il perd son alliance, sa montre, souille son beau costume, se fait carjacker sa belle Lexus couleur argent… Puis le trouble s’insinue: notre héros était-il réellement un businessman à succès ou n’était-ce qu’une affabulation de son esprit?
A mesure que ses pièces s’assemblent, le puzzle de The Surfer ressemble de plus en plus au portrait d’une masculinité en échec, une thématique déjà incarnée par Cage dans Dream Scenario. Dans cette spirale hallucinée, mise en scène avec humour et cruauté, on finit par perdre un peu pied à cause du scénario. Pourtant, ces flottements narratifs finissent par jouer en faveur du film, qui laisse un délicat parfum de mystère une fois terminé, à l’image de la prestation déconcertante et jubilatoire de Nicolas Cage.
J.D.P.
Lads
Drame de Julien Menanteau. Avec Marco Luraschi, Jeanne Balibar, Marc Barbé. 1h30.
La cote de Focus: 3,5/5
Lorsqu’on associe courses hippiques et septième art, à quoi pense-t-on? A des films destinés à la jeunesse, souvent niais, où le lien indéfectible entre le cavalier et son canasson permet de triompher de la concurrence lors d’une dernière course endiablée. C’est à un tout autre programme que convie Lads.
On suit Ethan (Marco Luraschi), adolescent impétueux tout juste sorti de prison pour mineurs, qui intègre la prestigieuse écurie de Suzanne (Jeanne Balibar) pour devenir aspirant jockey. Là-bas, la couleur lui est d’emblée annoncée: «Sur 100 apprentis, un seul deviendra jockey. Les autres laveront les boxes toute leur vie.» Loin de l’adrénaline et des compétitions, la première partie de Lads dépeint effectivement une existence rude et laborieuse, rythmée par les accouchements nocturnes des juments, le nettoyage à répétition des écuries et l’entraînement à la délicate posture de cavalier. Sans doute influencé par son expérience dans le documentaire, Julien Menanteau livre une mise en scène brute et sans artifice, qui nous immerge avec naturalisme dans un milieu souvent enjolivé par la fiction.
Une démarche d’authenticité qui atteint son pinacle lors de la première course d’obstacles. Fier de son expérience de cavalier-cascadeur, l’acteur Marco Luraschi (déjà dans Jappeloup en 2013) monte lui-même les pur-sang, pour un résultat impressionnant à l’image. A rebours de cette première victoire euphorique, le personnage découvre néanmoins bien vite les dérives d’un milieu désœuvré: les courses sont truquées, les animaux parfois dopés, tandis que la lame du boucher flotte en permanence au-dessus des bêtes les moins performantes. L’image d’Epinal d’un sport en cohésion avec la nature semble très loin.
Au milieu de ce portrait sans concession, la dramaturgie manque peut-être un peu de vigueur, comme si Julien Menanteau était trop rattaché à une tradition documentaire pour exploiter le plein potentiel de certains nœuds dramatiques. La rivalité entre Ethan et Lucas (magnétique Phénix Brossard), très forte sur le papier, demeure par exemple sous-traitée par l’écriture, qui ne lui accorde pas assez de place. Une petite réserve qui n’empêche pas Lads d’accéder au podium des meilleurs films de sport de ces dernières années.
J.D.P.
Armand
Drame de Halfdan Ullmann Tøndel. Avec Renate Reinsve, Ellen Dorrit Petersen, Endre Hellestveit. 1h57.
La cote de Focus: 2/5
Elisabeth est convoquée à l’école. Armand, son fils de 6 ans, a semble-t-il mal agi. Une jeune professeure inexpérimentée est chargée de régler ce qui devient vite un conflit entre adultes. Si le suspense demeure jusqu’à la fin sur la tournure que prendront les événements, on finit par s’en désintéresser, tant le film dresse une peinture cynique de l’humanité et témoigne de peu de considération pour ses personnages.
Un peu comme si Halfdan Ullmann Tøndel (lauréat de la Caméra d’or l’an dernier à Cannes) avait fait de votre pire groupe WhatsApp de parents d’élèves un thriller parental cauchemardesque. Certes, le cinéaste a un vrai talent de mise en scène, mais celui-ci vire à l’esbroufe, de même que le jeu hystérisé des comédiens –même Renate Reinsve, l’héroïne de Julie (en 12 chapitres).
A.E.