Palmarès de Cannes: la surprise Audiard

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Jacques Audiard couronné pour Dheepan, cela restera comme la surprise du millésime 2015 du Festival. Donné parmi les favoris tant pour Un prophète que pour De rouille et d’os, le cinéaste français avait cette fois laissé perplexes jusqu’à ses plus zélés contempteurs, à tel point qu’il ne se trouvait personne pour le citer parmi les prétendants sérieux à la Palme d’or.

Les frères Coen et leur jury en ont donc décidé autrement, récompensant un réalisateur dont le Dheepan n’apparaît pas comme le film le plus abouti. Audiard y retrace l’équipée de Dheepan, un ancien combattant tamoul ayant décidé de quitter le Sri Lanka. Et qui, afin d’obtenir plus facilement l’asile politique en France, va se fabriquer une famille de fortune avec une femme et une fillette inconnues, ne quittant toutefois une guerre que pour en trouver une autre, celle des gangs sévissant dans la cité où ils finissent par atterrir. Comme souvent, le regard d’Audiard allie l’originalité, l’efficacité, l’intelligence et même l’émotion, et les deux premiers tiers de Dheepan, qui conjuguent l’intime et l’urgence, le drame d’une famille « recomposée » et le film de banlieue, fonctionnent admirablement. L’édifice patiemment mis en place tangue toutefois dangereusement dans un troisième acte, où le film d’action au premier degré s’invite inexplicablement, et l’on ne parle même pas d’un appendice éminemment discutable. Mais soit, si la Palme surprend, nul ne songera à contester à Audiard la qualité de grand cinéaste.

Vincent Lindon, exceptionnel

La suite du palmarès est plus conforme aux pronostics, encore que l’absence du cinéma italien étonne – Youth, de Paolo Sorrentino, et Mia Madre, de Nanni Moretti, comptaient parmi les réussites de cette édition -, tout comme la présence du Mon roi, de Maïwenn, récompensé par l’entremise de son interprète féminine, Emmanuelle Bercot. Cette dernière partage son prix avec Rooney Mara, étincelante dans le Carol de Todd Haynes, et ce n’est que justice – quid, toutefois, de sa partenaire Cate Blanchett, tout simplement stupéfiante Le jury n’est pas passé, par contre, à côté de la prestation de Vincent Lindon, exceptionnel dans La loi du marché, de Stéphane Brizé. Et a souligné à raison, la parfaite maîtrise de Hou Hsiao-hsien, Prix de la mise en scène pour The Assassin, film d’arts martiaux conceptuel dont la composition touche au sublime.

Enfin, avec Laszlo Nemes, Grand Prix pour Le fils de Saul, vision radicale de l’horreur de la Shoah, Yorgos Lanthimos, Prix du jury pour le grinçant The Lobster, et Michel Franco, Prix du scénario pour l’austère Chronic, les Coen n’ont pas manqué de saluer une nouvelle génération de cinéastes, et trois auteurs qui auront marqué une compétition 2015 globalement décevante…

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