Nomadland: trois Oscars pour un film unique en son genre
Nomadland, mélange unique en son genre de road movie, de western, de drame social et documentaire qui suit des Américains âgés vivant sur les routes après avoir tout perdu lors de la crise des « subprimes », a raflé dimanche les trois principales récompenses de la cérémonie des Oscars.
Sacrée meilleure réalisatrice, Chloé Zhao a vu Nomadland obtenir la récompense suprême du meilleur film, tandis que son premier rôle, Frances McDormand, a reçu l’Oscar de la meilleure actrice.
Le film de Chloé Zhao était donné favori depuis des mois à Hollywood, où il avait déjà raflé de nombreux prix, après avoir été déjà remarqué dans de prestigieux festivals à l’étranger.
La pandémie a certes empêché la sortie de nombreuses grosses productions qui auraient pu faire de l’ombre à ce film indépendant mais la victoire de Nomadland aux Oscars n’en est pas moins historique: il est réalisé par une femme asiatique, la première jamais distinguée dans cette catégorie par l’Académie, et la plupart des acteurs sont des amateurs qui jouent leur propre rôle.
En recevant l’Oscar du meilleur film, Chloé Zhao a remercié « toutes les personnes rencontrées sur la route », qui lui ont appris « le pouvoir de la résilience et de l’espoir » et rappelé « ce à quoi ressemble la vraie gentillesse ».
Frances McDormand, également récompensée pour son rôle de productrice, a elle demandé aux spectateurs de regarder le film « sur le plus grand écran possible », et d’un jour, « très très bientôt », emmener leur proches au cinéma pour « regarder tous les films représentés ce soir ».
Nomadland est directement inspiré d’un livre éponyme publié en 2017 par la journaliste américaine Jessica Bruder après avoir séjourné parmi ces nomades aux cheveux gris qui sillonnent les Etats-Unis dans leurs petits camping-cars, vivotant entre déserts et petits boulots.
C’est Peter Spears, producteur de Nomadland, qui avait soumis l’histoire à l’actrice Frances McDormand. Elle avait à son tour pisté Chloé Zhao, qui l’avait fortement impressionnée lors d’un festival avec son film The Rider, pour lui mettre ce projet entre les mains.
Chloé Zhao s’est aussitôt reconnue dans ce concept et a créé le personnage de Fern, joué par Frances McDormand, pour amalgamer divers protagonistes du livre. La réalisatrice a aussi fait appel au réseau tissé par Jessica Bruder pour retrouver la trace des nomades cités dans le livre parmi lesquels Linda May, Swankie et Bob Wells, qui sont tous présents dans le film. « Pour nous tous, travailler de manière hybride avec des acteurs reconnus et des non professionnels était nouveau », souligne Peter Spears.
Les producteurs avaient souligné « les énormes risques inhérents à ce processus cinématographique » lorsqu’ils étaient allés proposer l’idée au studio Searchlight Pictures. « Nous avons joué franc-jeu et expliqué « voici ce que nous savons, voici ce que nous ne savons pas et voilà comment nous allons nous y prendre… » Ils n’ont pas cillé », se félicite-t-il.
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Pas de politique
Sur le plan artistique, la marche de Nomadland vers le succès n’a jamais vraiment fait de doute mais le chemin n’a pas pour autant été de tout repos.
Née à Pékin et de nationalité chinoise, Chloé Zhao avait d’abord suscité les éloges dans son pays natal, où elle avait été qualifiée de « fierté » nationale. Mais des propos lui étant attribués dans un magazine américain en 2013, où elle semblait critiquer son pays d’origine, ont ensuite refait surface et créé une vive polémique. Elle est depuis lors la cible de critiques de certains nationalistes qui l’ont qualifiée de « traîtresse ».
Aux Etats-Unis, d’autres ont reproché au film d’avoir passé sous silence les conditions de travail très pénibles dans les entrepôts d’Amazon telles qu’elles sont parfois décrites dans le livre.
Chloé Zhao a quant à elle soigneusement esquivé toute polémique. « Je ne fais pas des films sur la politique », a-t-elle assuré en septembre dernier lors de la présentation américaine du film, format « drive-in » en raison de la pandémie. « On peut laisser ça aux politiques. Je préfère vous présenter la réalité de la vie des gens et que vous repartiez avec votre propre interprétation. »
Si le film porte un message, c’est le fait que beaucoup d’Américains âgés n’ont aucun filet de protection sociale, et que les « nomades » qui vivent tant bien que mal sur les routes peuvent donner des leçons en matière de solidarité et de spiritualité. « Ce pays est construit sur l’acquisition, l’achat, l’appropriation », déclarait de son côté lors de la première Bob Wells, youtubeur et gourou du nomadisme minimaliste présent dans le film. « Alors quand quelqu’un dit « Non, ma vie est fondée sur le fait de ne pas posséder, de ne pas désirer, de ne pas avoir besoin », la plupart des gens ne comprennent pas », poursuivait-il. « Qu’est-ce qui se passerait si on faisait tous comme ça? Et bien, peut-être que la Terre survivrait ».
Tour à tour tueur cannibale, pape ou président des Etats-Unis, le talentueux Anthony Hopkins a reçu dimanche l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle dans The Father, une distinction de plus pour cette légende du septième art.
A 83 ans, il devient l’acteur le plus âgé à recevoir cette récompense, près de trois décennies après son Oscar du meilleur acteur pour sa performance glaçante de tueur en série dans Le silence des agneaux de Jonathan Demme, en 1992.
Absent lors de la cérémonie, il a cette fois été couronné pour son rôle de vieil homme sombrant dans la démence dans The Father, du Français Florian Zeller, vainqueur pour ce même film de l’Oscar du meilleur scénario adapté.
Dans ce huis clos qui flirte parfois avec le thriller, sa fille, interprétée par la Britannique Olivia Colman, et d’autres membres de son entourage deviennent méconnaissables et son appartement semble lui-même se transformer. Son personnage partage son prénom, Anthony, et sa date de naissance, 31 décembre 1937.
« Ce n’était pas un problème de jouer une personne âgée, parce que je suis âgé », a confié le comédien de 83 ans au journal The Times. Mais le rôle, qui lui a valu le Bafta du meilleur acteur, l’a marqué. « Cela m’a rendu plus conscient de la mortalité et de la fragilité de la vie, et depuis je juge moins les gens. Nous sommes tous fragiles, nous sommes tous abîmés. »
Le film lui a rappelé les derniers jours de son père. « Je savais ce qu’il ressentait à la fin. La peur. L’indicible morosité, tristesse et solitude. Nous faisons tous semblant de ne pas être seuls, mais nous sommes tous seuls. Le succès, c’est bien, c’est un moyen de survivre, mais à la fin, nous sommes tous désespérément, désespérément seuls », a-t-il dit au Times.
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En six décennies de carrière au théâtre, à la télévision et au cinéma, cet acteur légendaire a incarné des personnages aussi divers qu’un roi d’Angleterre (Richard Coeur de Lion), un Premier ministre britannique (David Lloyd George), deux présidents des Etats-Unis (John Quincy Adams et Richard Nixon), Hitler, Danton, Yitzhak Rabin, Charles Dickens, Pablo Picasso et Alfred Hitchcock.
Anthony Hopkins s’est illustré dans des interprétations démoniaques mais aussi tout en retenue, comme sous la direction des Britanniques James Ivory (Les Vestiges du Jour) et Richard Attenborough (Les Ombres du coeur).
Dans Les Deux papes, il a interprété Benoît XVI, l’Allemand Joseph Ratzinger pour l’état civil, souverain pontife strict et conservateur, dialoguant avec son charismatique successeur François, joué par Jonathan Pryce.
Enfant turbulent
Egalement peintre, pianiste et compositeur reconnu, Sir Anthony (il a été anobli par la reine en 1993) a une mémoire auditive exceptionnelle, due peut-être à son oreille musicale.
Né le 31 décembre 1937 à Margam, banlieue de Port Talbot (Pays de Galles) d’un père boulanger, Philip Anthony Hopkins, enfant unique, mal dans sa peau, et turbulent, s’est tourné vers le théâtre grâce à une rencontre, adolescent, avec le comédien Richard Burton, originaire du même village gallois.
Après des cours d’art dramatique, deux ans de service militaire dans la Marine et de petits rôles sur les planches, il avait été remarqué par une autre légende du cinéma, Laurence Olivier, devenant sa doublure au Royal National Theatre à Londres.
Il est ensuite apparu dans de plus en plus de téléfilms, prestations récompensées par plusieurs Emmy Awards, puis au cinéma.
Après avoir vécu des années 1960 difficiles à Londres, il a immigré aux Etats-Unis et a surmonté son alcoolisme. En décembre, il s’est félicité sur Twitter d’être sobre depuis 45 ans.
Naturalisé américain en 2000, il a gardé la nationalité britannique.
L’acteur, réalisateur et metteur en scène aux cheveux blancs et regard bleu, vit près de l’océan à Malibu (Los Angeles), avec Stella Arroyave, sa troisième épouse, qui est âgée de 64 ans.
Sound of Metal, coproduction belge, doublement oscarisée
Le film Sound of Metal du réalisateur américain Darius Marder, coproduit par la société belge Caviar, a remporté dimanche les Oscars du meilleur son et du meilleur montage, lors de la 93e cérémonie de remise des prix cinématographiques américains à Los Angeles.
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Le long-métrage retrace la vie d’un batteur de heavy metal, campé par le rappeur Riz Ahmed, et confronté à la perte de son audition. L’oeuvre narre aussi le duo musical et amoureux de Ruben, le batteur, et Lou, la chanteuse, qui parcourent les Etats-Unis dans une caravane.
Pour le montage de Sound of Silence, le Danois Mikkel E.G. Nielsen a accepté la récompense américaine, saluant l’appui de son pays. Il a remercié son épouse et ses enfants pour « lui laisser passer du temps avec son grand amour, le montage ».
Le film était en lice dans cinq autres catégories dont la prestigieuse du meilleur film, prix qui a été attribué au grand favori de la soirée Nomadland. Dans le rôle principal, Riz Ahmed était aussi nommé comme meilleur acteur mais le prix a été décerné à la légende britannique du cinéma Anthony Hopkins. Celui-ci a été distingué pour son rôle de vieil homme sombrant dans la démence dans le film The Father.
Les statuettes pour le meilleur second rôle et celle du scénario original ont aussi échappé à Sound of Metal au profit respectivement de Daniel Kaluuya dans Judas and the Black Messiah et de Promising Young Woman.
Sound of Metal avait aussi été primé dans les catégories son et montage aux Bafta, récompenses britanniques du cinéma, mi-avril. Le long métrage avait également remporté l’Oeil d’or du Zurich Film Festival.
Les victoires aux Oscars dans les principales catégories
Voici les vainqueurs pour la 93e cérémonie des Oscars dont les prix ont été remis dimanche soir à Los Angeles.
– Meilleur film: Nomadland
– Meilleur réalisateur: Chloé Zhao, Nomadland
– Meilleure actrice: Frances McDormand, Nomadland
– Meilleur acteur: Anthony Hopkins, The Father
– Meilleure actrice dans un second rôle: Youn Yuh-Jung, Minari
– Meilleur acteur dans un second rôle: Daniel Kaluuya, Judas and the Black Messiah
– Meilleur film étranger: Drunk (Danemark)
– Meilleur film d’animation: Soul
– Meilleur documentaire: La sagesse de la pieuvre
– Meilleur scénario original: Promising Young Woman – Emerald Fennell
– Meilleur scénario adapté: The Father – Christopher Hampton, Florian Zeller
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