L’Évangile selon Bouli

Bouli Lanners dans Les Premiers, les derniers © Kris Dewitte
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Nourri d’émotions intimes et de spiritualité, le plus noir des films de Bouli Lanners est aussi le plus… optimiste! Rencontre.

« Pour moi, c’est le vrai Jésus, dans le film, dans une société où on ne sait plus trop, où on parle de fin du monde… Un homme qui doute. Un homme qui aide les personnes qu’il faut. Un homme qui se sert de son flingue, aussi. Un Jésus de western! C’est mon Jésus. Il ne va pas plaire à tout le monde, mais c’est mon Jésus! » Bouli Lanners ne fait pas mystère de la dimension spirituelle, religieuse même, de son nouveau et très beau film. Les Premiers, les Derniers cite le Nouveau Testament, et la foi, même en version assez rock’n’roll, y est appelée à offrir la lumière de l’espoir au constat crépusculaire d’un monde à l’agonie.

Le cinéaste, également présent devant la caméra dans un personnage qui lui ressemble tellement (Gibus, le chien de son personnage Gilou, est celui de Bouli), ne cache pas que le grave accident de santé dont il fut victime a précipité le projet. « C’est le film le plus intime que j’aie jamais fait, je me suis nourri de choses très personnelles, explique Lanners, en donnant notamment à Gilou une pathologie cardiaque proche de la mienne. Avec cet abandon de l’idée d’avenir, quelque chose de très morbide, de très noir dont je voulais sortir en faisant le film. Il était évident que je devais jouer le personnage… »

Le réalisateur sort d’une série de… 24 avant-premières en France, toutes suivies d’un débat avec le public, « des rencontres qui ont été très intenses, et d’une grande profondeur, ce qui me prouve -et c’est le plus important- que les gens ont été touchés, que le message du film est passé ». Rares sont aujourd’hui les artistes qui emploient ce mot de « message », mais Bouli a clairement voulu témoigner, dans son film, de l’état des choses, d’une société lancée vers sa perte et d’une résistance ne pouvant que passer par une quête de sens. « Je pose des questions existentielles pour qu’elles résonnent en celles et ceux qui verront le film, déclare-t-il, pour qu’ils se les posent aussi. »

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Pour autant, Les Premiers, les derniers évite presque toute lourdeur dans la formulation de ces questions, grâce entre autres à l’utilisation du film de genre « avec ses codes connus du public et qui rendent le film accessible ». « Le cinéma reste un art populaire, commente Bouli, je ne voulais en aucun cas faire un film hermétique, il fallait qu’il soit ouvert, ouvert au plaisir! »

Incarnation

Le plaisir! « Le côté très sombre du sujet rendait plus nécessaire que jamais ce facteur. Il fallait qu’on prenne du plaisir à filmer, du plaisir à voir les rushes, qu’on ait du plaisir à tourner le film, à le monter, à y mettre des musiques, à en faire un bel objet », s’enthousiasme un cinéaste qui s’est débarrassé d’un poids en réalisant son opus le plus personnel. « J’ai l’impression que je viens de déposer une grosse valise! C’est un film charnière, et un moment-charnière dans ma vie. Je sens qu’il y aura quelque chose de différent par la suite. C’est un virage, la fin d’un cycle et le début d’autre chose… »

Un des aspects les plus remarquables des Premiers, les Derniers réside dans l’extraordinaire force d’incarnation offerte par les comédiens. « J’ai extrait du film tout contexte social, toute allusion au background des personnages, donc il fallait qu’ils existent immédiatement, intensément, pleinement, dans le présent du film. C’était tout le challenge du casting: trouver des interprètes qui pourraient faire exister les personnages à partir de très peu de choses. »

Restait à faire de cette évidence humaine, de cette proximité, la clé d’une expérience largement partageable. « J’avais un peu peur que le côté noir prenne le dessus », confie un cinéaste qui a donné à son nouveau film une fin plus optimiste que celles de ses précédentes réalisations. « C’est même, paradoxalement, le seul de mes films qui se termine bien! Il nous dit de vivre à fond le temps qu’il nous reste. Un vrai message d’espoir », conclut un Bouli qui pour la première fois a ressenti qu’il « maîtrisait l’outil »: « Je vois, lors des projections, les spectateurs émus aux mêmes endroits qui m’avaient moi-même ému dès l’écriture du scénario. Je suis si heureux que ça marche, tellement je me suis mis à nu, tellement c’est mon histoire, mes angoisses, mon espoir… »

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