Kore-eda, le cinéaste des familles
Palme d’or amplement méritée, Une affaire de famille s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre d’Hirokazu Kore-eda.
Bilan de la 71e édition du festival de Cannes:
Hirokazu Kore-eda Palme d’or, voilà qui ne souffre guère de contestation. Découvert en 1995 avec Maborosi, le cinéaste japonais a ensuite signé divers joyaux, les Nobody Knows, Still Walking ou autre Tel père, tel fils qui illuminent sa filmographie. Si The Third Murder, son précédent opus, le voyait s’essayer avec bonheur au thriller philosophique, il renoue dans Une affaire de famille (Manbiki kazoku), le film lui valant cette consécration cannoise, avec l’un de ses thèmes de prédilection, la famille, explorée sans relâche depuis Nobody Knows. « À l’époque où j’ai écrit ce film, j’avais encore mes parents et je n’avais pas d’enfant. Si Manbiki kazoku est également un drame familial, mes parents sont désormais décédés et je suis devenu père. C’est intéressant, parce que le point de vue change, et les valeurs également. Bien que l’on travaille sur les mêmes thèmes et les mêmes sujets, la manière dont on les capture à l’écran évolue. C’est un processus fascinant. À l’époque de Nobody Knows , en 2004, personne, au Japon, ne parlait de négligence (parentale). C’est désormais monnaie courante. Avec Une affaire de famille , j’ai voulu explorer le fait que l’on puisse tisser une relation parent-enfant sans liens du sang, dans le contexte japonais en particulier, où l’adoption n’est guère facile. »
Élargir la perspective
Plus, sans doute, que par le passé, et confirmant en cela une tendance amorcée avec The Third Murder, le cinéma de Kore-eda acquiert, avec Une affaire de famille, une dimension sociale. « Mes drames familiaux antérieurs étaient des histoires plus intimes. Avec ce film, j’ai consciemment choisi d’élargir la perspective et d’observer le point de rencontre entre la société et les individus. En un sens, le cinéma débute quand on a fini de regarder un film. Si après avoir vu celui-ci les spectateurs commencent à réfléchir à certains problèmes sociaux, ce serait l’idéal à mes yeux. » Non, pour autant, que le cinéaste verse dans le militantisme, préférant procéder par touches subtiles, qui inscrivent cette famille accueillant une fillette livrée à elle-même aux marges de la société. Et de prendre des libertés plus ou moins grandes avec les lois et les règles présidant à cette dernière, qu’il s’agisse de fraude à l’assurance-retraite ou de chapardages en série suivant une méthode enseignée par les parents à leur progéniture. Ou comment pratiquer, l’air de rien, une forme de subversion douce. « Le fait que le système et ses valeurs n’entraînent pas nécessairement le bonheur des protagonistes sert d’arrière-plan au film, mais ce n’est pas son objet, souligne toutefois Kore-eda. Si vous me demandez s’il faut y voir un message, je vous répondrai par la négative. Ces éléments étaient toutefois nécessaires pour dresser le portrait de cette famille. » Magie du cinéma de Kore-eda, celle de Manbiki kazoku, dysfonctionnelle autant qu’aimante, nous semble éloignée mais familière à la fois, ce film délicat et sensible touchant là à l’universel…
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