Robot Dreams: être amis dans le New York vintage des années 90

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Robot Dreams, Pablo Berger signe une merveille d’animation anthropomorphique. L’histoire d’une amitié inscrite dans le New York vintage des années 90.

Pablo Berger, on l’avait découvert il y a tout juste dix ans avec Blancanieves, un film muet en noir et blanc où il revisitait lumineusement l’histoire de Blanche-Neige. Dix ans et un détour par la satire fantastique Abracadabra plus tard, Robot Dreams vient confirmer la singularité de sa démarche, le cinéaste espagnol s’y essayant avec bonheur à l’animation -manière aussi de poser chacun de ses films en prototype. “Je pense vraiment qu’ils sont tous uniques en ce sens que j’essaie chaque fois de partir d’un concept fort, explique-t-il, alors qu’on le rencontre le lendemain de la présentation triomphale de Mon ami robot hors compétition à Cannes. J’aime l’idée qu’aucun de mes films ne se ressemble formellement. Torremolinos 73, mon premier long, se passait dans les années 70 et utilisait des couleurs désaturées. Blancanieves était un film en noir et blanc situé dans les années 20. Par contraste, Abracadabra, le suivant, utilisait des couleurs sursaturées. Et voilà que j’ai fait un film d’animation. Mais s’ils sont très différents, ce sont tous mes enfants, j’en ai écrit le scénario et ils portent mon ADN. Je veux qu’ils charrient émotions et surprises, avec une forme de légèreté parce que je suis attaché à la présence d’humour, et aussi un élément de fable.

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Toutes qualités que l’on retrouve dans Robot Dreams, conte anthropomorphique librement adapté du roman graphique éponyme de Sara Varon, et situé dans le New York des années 90, cadre vintage de l’amitié se nouant entre Dog et un robot. “Quand j’ai découvert ce livre dénué de mots il y a une dizaine d’années, j’ai vraiment apprécié la simplicité du trait, mais aussi la qualité du récit, qui me surprenait à chaque page. Mais surtout, cette histoire était tellement émouvante et forte qu’elle est restée ancrée en moi. Après avoir tourné Abracadabra, je suis retombé sur le livre par hasard et j’ai à nouveau été bouleversé. Et je me suis dit: pourquoi pas en faire un film d’animation?”

Au-delà de ses qualités intrinsèques, si l’histoire a tellement remué Pablo Berger, c’est peut-être parce qu’il y trouvait des échos de son expérience personnelle, lorsqu’il était étudiant dans un New York dont l’horizon était encore dominé par les tours jumelles. Il concède d’ailleurs bien volontiers que Dog et lui ne font qu’un: “Dog, c’est moi. L’endroit où il vit, c’est le dernier appartement que j’ai occupé à New York. Et ce qu’il fait renvoie à mon vécu. J’ai passé dix ans à New York où j’ai étudié à la Tisch School of the Arts. Bien sûr, c’était des années excitantes, même si j’ai connu des hauts et des bas, et que je sais ce que c’est d’être seul. Ce film est ma lettre d’amour à New York, où j’ai rencontré ma femme et ceux qui sont devenus mes collaborateurs les plus proches.

Pas de limite

Pour recréer le New York de l’époque, le réalisateur a trouvé dans l’animation un moyen idoine. Le seul, sans doute, lui permettant de mener l’entreprise à son terme. “L’animation vous donne une liberté considérable. Vouloir filmer le New York des années 90 aujourd’hui serait très difficile, sinon impossible, alors qu’avec l’animation, il n’y a pas de limite. Et puis, en live action, avec des acteurs, le budget aurait rapidement été astronomique. Ici, on a pu s’en tenir aux moyens d’une coproduction européenne.Autre avantage de l’animation (supervisée par le Belge Benoît Féroumont), la licence créative qu’elle autorisait. Avec son lot de trouvailles et de jeux sur le cadre, mais aussi de références, de la poésie de Pierre Étaix au génie de Buster Keaton; d’un hommage au Disney de Flowers and Trees aux chorégraphies enlevées de Busby Berkeley. Sans oublier l’anthropomorphisme et son champ de possibles.

Je donne à voir un New York qui a disparu. Ce n’est pas le New York du XXIe siècle, celui de l’après-11 septembre et de la mondialisation qui veut que la ville ne soit plus vraiment différente de Shanghai, Madrid ou Berlin. À l’époque où j’y vivais, New York était le centre économique du monde, et pour moi, son centre culturel. Pouvoir montrer ça était à la fois excitant et empreint de nostalgie. Quant au fait de représenter les humains sous les traits d’animaux, créer ces innombrables personnages nous a permis d’essayer toutes sortes de choses. Avec des animaux, on peut brouiller les notions de genre, de race ou d’orientation sexuelle, tout devient possible. J’y tenais, pas seulement parce que la société s’est diversifiée, mais aussi parce que New York l’était déjà à l’époque. Quand j’y ai débarqué en venant d’Espagne, la première chose à m’avoir frappé, c’était la diversité et la liberté. Je voulais transmettre cette image…” Vintage, mais intemporelle…

Robot Dreams (Mon ami robot)

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Etonnant parcours que celui du cinéaste espagnol Pablo Berger qui, après avoir donné dans le film muet avec Blancanieves, puis tâté du cinéma de genres avec Abracadabra, se tourne aujourd’hui vers l’animation pour Robot Dreams. Située à New York dans les années 90, c’est là l’histoire de Dog qui, afin de tromper la solitude, décide un jour de commander un robot en kit. A peine l’a-t-il assemblé que les deux nouveaux amis deviennent inséparables, déambulant dans les rues de Manhattan et les allées de Central Park au son du September de Earth, Wind and Fire. Jusqu’au soir où, les circuits de Robot ayant été endommagés, Dog est obligé de l’abandonner sur le sable d’Ocean Beach à la veille de la fermeture saisonnière. Une séparation cruelle à laquelle ils vont tenter de remédier, l’un en actes, l’autre en rêves. Berger en tire pour sa part une merveille de film d’animation anthropomorphique sans paroles ; un conte doux-amer sur la solitude et l’amitié qui ajoute à la tendresse et l’émotion une exécution sans failles, truffant d’inventions et de références – celle à Steamboat Bill, Jr. de Buster Keaton est tout simplement géniale – cette escapade en ligne claire dans un New York vintage. Un pur enchantement.

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