Alors que la saga préhistorique Jurassic World avait touché le fond avec un troisième opus catastrophique, cette Renaissance pourrait bien rebattre les cartes.
Jurassic World: Renaissance
Film d’aventure de Gareth Edwards. Avec Scarlett Johansson, Jonathan Bailey, Mahershala Ali. 2h14. La cote de Focus: 3/5
Personne n’a oublié le premier Jurassic Park, sa science millimétrée du frisson et de l’émerveillement, son mélange chimiquement pur de suspense hitchcockien et d’aventure familiale. Depuis, la saga a connu des hauts mais surtout des bas, notamment depuis que le «Park» s’est mué en «World». Les abysses de la médiocrité ont définitivement été atteints avec le troisième volet, Le Monde d’après, sorti en 2022, énorme navet qui compilait toutes les tares du Hollywood moderne, entre déluge de nostalgie malvenu, incapacité à travailler le suspense par la mise en scène et surenchère perpétuelle dans le spectacle.
Après un tel échec critique –qui a néanmoins connu un vif succès au box-office– il était difficile d’attendre quoi que ce soit d’un nouvel opus. Pourtant, la promotion de Renaissance a immédiatement réussi à intriguer: nouveaux personnages, retour à un décor naturel de jungle et, surtout, grand retour de David Koepp au scénario, soit l’homme derrière les histoires des deux premiers films. Dernière source d’excitation, Jurassic World: Renaissance est mis en image par le cinéaste britannique Gareth Edwards, qui s’était déjà distingué pour son travail de gigantisme avec Godzilla (2014), Rogue One: A Star Wars Story (2016) et The Creator (2023).
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Renaissance ne commence pourtant pas sous les meilleurs auspices. Après un prologue horrifique plutôt efficace, le récit déroule laborieusement un énième prétexte pour se rendre sur l’île: récolter le sang de trois dinosaures différents –marin, terrestre et aérien– afin de développer un vaccin contre les maladies incurables. Rien de très crédible ni de follement engageant, mais l’intérêt est ailleurs.
Alors que le précédent «épisode» s’était dispersé dans une myriade de personnages et de sous-intrigues superflus, Renaissance, à la manière d’une bonne série B à gros budget, se recentre sur l’essentiel: l’aventure et la survie. Pour ce faire, Gareth Edwards déploie une collection de séquences redoutables, qu’il s’agisse d’une chasse aux dinos en pleine mer –un inédit dans la saga–, d’une longue scène d’infiltration auprès d’un T-Rex endormi, ou encore d’un climax nocturne monstrueux digne de Godzilla. Souvent vibrant, le film parvient même à renouer avec le merveilleux lors d’une rencontre avec des longs cous, où la caméra prend le temps de sublimer ces bêtes majestueuses avec des compositions inspirées et monumentales. Bien sûr, le film reste à des années-lumière du premier. Les personnages se révèlent assez superficiels –malgré l’investissement évident de Scarlett Johansson et Jonathan Bailey– et n’ont pour seul mérite que d’être moins insupportables que leurs prédécesseurs. De la même manière, le scénario manque finalement d’ambition et ne s’aventure jamais véritablement autre part que là où on l’attend. Pourtant, à l’ère de la surenchère et du mauvais goût, c’est peut-être grâce à cette modestie si fièrement affichée que Jurassic World: Renaissance remplit dignement sa mission.
Julien Del Percio
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Les autres sorties de la semaine
Enzo
Drame adolescent de Laurent Cantet et Robin Campillo. Avec Eloy Pohu, Maksym Slivinsky, Elodie Bouchez. 1h42. La cote de Focus: 4,5/5
Comment trouver sa place dans le monde quand on n’a pas plus aucune certitude et que le chaos progresse? Enzo, fils de bourgeois, ne se sent même plus protégé par une classe sociale dominante qu’il rejette tout en ayant conscience d’en profiter. Adolescent à l’opacité troublante, il sait ce qu’il ne veut pas, en attendant de savoir ce qu’il veut.
Sous le soleil écrasant du Sud, et derrière la transparence feinte de la villa d’architecte tout en verre de ses parents, il étouffe. Il a besoin de sentir, et de construire (ou déconstruire). Le sens, c’est sur les chantiers qu’il espère le trouver, en construisant des murs qui résisteront au temps, et en se rapprochant de Vlad, ouvrier urkrainien, qu’il se prend à aimer autant qu’il l’envie. Ce drame aussi politique que sensoriel et sensuel livre une réflexion fascinante sur l’adolescence comme force de résistance.
A.E.
Materialists
Romance dramatique de Celine Song. Avec Dakota Johnson, Chris Evans, Pedro Pascal. 1h49. La cote de Focus: 3/5
L’amour, c’est mathématique. C’est du moins ce que pense Lucy (Dakota Johnson), créatrice professionnelle d’idylles et de mariages lucratifs. Son secret? Transformer les caractéristiques d’une personne en un vaste agrégat de statistiques –taille, âge, opinions, et surtout salaire– afin de trouver un partenaire identique sur «le marché». Quant à ses sentiments à elle, ils balancent entre ses retrouvailles inattendues avec son ex-copain fauché (Chris Evans) et la promesse d’un avenir doré avec le richissime Harry (Pedro Pascal).
De matérialisme, il est donc beaucoup question dans cette drôle de proposition ouvertement antiromcom. Ici, l’argent l’emporte sur la vertu, le confort sur l’amour, le pragmatisme sur la drague. Le cynisme aurait dû avoir le dernier mot, mais Céline Song lui préfère un happy end déplacé, artificiel, qui réduit la portée du film à une petite morale convenue sur le triomphe des sentiments.
J.D.P.