Adil El Arbi et Bilall Fallah, deux Belges à Miami
Comment les Belges Adil El Arbi et Bilall Fallah se sont-ils retrouvés à réaliser Bad Boys for Life au pays de l’oncle Sam? Réponse circonstanciée en compagnie des intéressés.
Qu’on aime ou pas leur cinéma (ici, on est plutôt client de Patser, beaucoup moins du reste), force est de saluer le caractère résolument hors norme du parcours de Bilall Fallah et Adil El Arbi, tandem de jeunes réalisateurs amis issus du nord du pays ayant connu une montée en puissance assez fulgurante sur la scène internationale. Au point de se retrouver aujourd’hui parachutés à la barre de Bad Boys for Life, troisième film de la franchise blockbusterisante US jusque-là pilotée par ce diable de Michael Bay (Armageddon, Pearl Harbor, Transformers). Au-delà, à nouveau, de ce que l’on peut penser du résultat final (rien de bien positif, en l’occurrence, lire la critique), il y avait indéniablement derrière cette très inédite aventure belge à Miami une histoire à raconter. Elle remonte pour le coup à leur film Black, plongée dans l’univers des bandes urbaines à Bruxelles qui avait raflé la mise en 2015. « Black avait gagné un prix au festival de Toronto à l’époque, et ça a attiré l’attention de plusieurs producteurs américains, raconte tout sourire Adil El Arbi. Jerry Bruckheimer (producteur carnassier aux succès planétaires de type Top Gun, Pirates des Caraïbes ou Les Experts en télé, NDLR) a vu le film et l’a adoré, il a tenu absolument à nous rencontrer. On a sympathisé et on lui a dit sans détour qu’on était super chauds à l’idée de réaliser le troisième Bad Boys. Mais, à ce moment-là, il y avait déjà un autre réalisateur attaché au projet. Will Smith avait aussi vu Black et nous avait fait savoir qu’il voulait trouver un projet pour bosser avec nous. Parallèlement à ça, on a commencé à travailler sur la série américaine Snowfall , et Bruckheimer parlait de nous confier Le Flic de Beverly Hills 4 avant que le projet ne soit retardé. Quand Bad Boys for Life s’est retrouvé sans réalisateur à cause d’un conflit d’agendas, Will Smith a soufflé à Bruckheimer l’idée de nous appeler. Les planètes étaient enfin alignées. »
« Don’t fuck up my baby »
Très fortement influencé par le cinéma d’action des années 80 et les films de mafia, le cinéma des deux Belges a toujours affiché un ADN très américain. Sur le plateau de Bad Boys, ils disent avoir souvent eu le sentiment de vivre un rêve grandeur nature. « Déjà à l’école on rigolait avec ça. On disait: « Un jour, les mecs, on va faire Bad Boys 3. » C’est assez dingue quand on y pense. » Pour autant, l’aventure n’a pas toujours été une partie de plaisir… « C’était un pur tournage en montagnes russes, avec de gros hauts mais aussi de très gros bas. Parce qu’il y avait énormément de pression. En Belgique, il n’y a pas de budget mais tu fais ce que tu veux. Aux States, il y a du budget mais il faut débattre avec 20 gaillards chaque fois que tu veux faire quelque chose. Il faut être psychologue, politicien et avocat à la fois. Cinéaste ne suffit pas (sourire). Tu ne peux rien faire à l’arrache. Tous les gros jouets sont à disposition, mais il faut demander l’autorisation. »
Avec sa double casquette d’acteur-producteur, Will Smith faisait évidemment figure d’interlocuteur de poids. « C’était hyper impressionnant de le rencontrer, explique Bilall Fallah. Il a tout de suite su nous mettre à l’aise mais, sur le plateau, il nous a aussi beaucoup testés. Au début, chaque fois qu’on lui demandait de faire quelque chose, il réclamait des explications. Il débattait tous nos arguments. Je pense qu’il avait confiance en nous mais il voulait quand même voir si on avait des couilles (sourire). Bruckheimer, lui, c’est encore autre chose. Pendant le tournage, il se fait très discret. C’est surtout au montage qu’il est présent. Fort de son expérience, il sait très bien ce qui marche ou pas. Il ne dit pas grand-chose, mais quand il l’ouvre, on peut dire que c’est efficace. Tout le monde s’exécute immédiatement. Un vrai sniper (rires). »
Quant à Michael Bay, qui était clairement devenu trop cher pour la franchise, il se contente de faire un caméo dans le film en MC de mariage. « C’est sûr qu’on est vraiment beaucoup moins chers, se marre Adil El Arbi. Et puis, il faut savoir que ce troisième volet n’a coûté « que » 90 millions de dollars. Alors que le budget du deuxième, en 2003, culminait à 130 millions. Bay, c’est nous qui lui avons demandé d’apparaître dans le film, c’était une façon d’avoir son approbation, comme un passage de témoin. Après sa scène, il nous a quand même dit: « Don’t fuck up my baby. » »
Et pour la suite? Les deux compères assurent avoir déjà plusieurs projets sur le feu, mais ne savent pas encore quel sera leur prochain film. « On a encore des choses à faire ici. On n’en a pas fini avec la Belgique (sourire). On aimerait bien donner une suite à Patser. On est déjà en train de l’écrire. Il y a aussi Kawasaki, un projet pour la boîte de prod Caviar. Le Flic de Beverly Hills 4 est toujours d’actualité avec Jerry Bruckheimer. On le ferait pour Netflix. Mais on aimerait aussi faire quelque chose de très différent de Bad Boys, pour ne pas se laisser enfermer dans cette case-là. Quelque chose de plus auteuriste. L’année passée, on a été complètement bluffés par Parasite, mais aussi The Irishman, Knives Out ou Marriage Story. On n’est pas tellement branchés gros blockbusters d’action, en vrai. Genre Fast & Furious, en tant que spectateurs, c’est non. Même si on sait qu’avec Bad Boys for Life on a fait un film qui ressemble à ça. Et qui va attirer ce public-là. » Affaire à suivre, donc…
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