Le très petit homme qui aimait les femmes, par Zanzim: “J’avais besoin d’une grande idée”

Zanzim: "J’avais envie de travailler sur le monde du minuscule, avec plein de références cinématographiques". © Glénat
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Quatre ans après le phénomène Peau d’homme, et la mort de son ami et scénariste Hubert, Zanzim revient avec Grand petit homme un conte moderne, sensible et pop jouant sur les contrastes entre taille et grandeur d’âme.

Tout est petit chez Stanislas Rétif. Un petit appartement sous les combles, un petit chat, un petit métier de vendeur de chaussures, un tout petit courage quand il s’agit d’aborder les femmes et en particulier la jolie Fleur, et puis sa petite taille -1mètre 57- qui le complexe plus que tout le reste. Stanislas aimerait tellement être un grand homme… Tellement qu’il en fait le souhait en rangeant et caressant sa paire de bottines préférées. Des bottines faites dans le cuir d’une vache tout aussi sacrée que magique, et bardaf, c’est l’embardée et tout le contraire qui se produit: Stanislas se retrouve réduit à la taille d’un pouce! Un vrai petit homme cette fois, qui va d’abord apprendre à survivre aux mille dangers qui le guettent désormais, profiter un peu bassement des avantages de sa quasi-invisibilité, pour finalement apprendre, dans la douleur et le sacrifice, à devenir une grande âme, et un grand (petit) homme, sous le crayon de Zanzim…

© Glénat

Que de charme et d’élégance dans ce nouvel album du français Zanzim, qui ne déçoit pas malgré la hauteur de la tâche: succéder au succès-phénomène de Peau d’homme sorti il y a quatre ans, avec sa brouette de prix et ses 200 000 exemplaires, et surtout poursuivre sa vie d’artiste et d’auteur sans Hubert, son scénariste et ami de toujours qui s’est donné la mort -« un ruptus suicidaire »– avant de connaître et de profiter de l’incroyable destin de ce qui restera son dernier album -conte fantastique et moyenâgeux qui voyait une femme revêtir une peau d’homme, découvrant alors l’homosexualité de son chevalier servant. La mort subite et tragique de Hubert, et « les montagnes russes  émotionnelles«  qui suivirent pour Zanzim, n’assombrissent pourtant pas ce conte moderne lumineux , « même si le chemin que fera notre petite homme pour devenir grand, sans rien en dévoiler, passera par la maladie », et où l’altérité, certes de taille plutôt que de genre, est une nouvelle fois au centre de son récit.

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Tendres garçons

Zanzim, en se lançant dans son deuxième récit en solo, dix ans après L’Île aux femmes, l’avoue lui-même: « J’avais besoin d’une grande idée après Peau d’homme, et j’avais envie de travailler sur le monde du minuscule, avec plein de références cinématographiques en tête, comme L’Aventure intérieure, Chérie j’ai rétréci les gosses ou encore L’Homme qui rétrécit, que j’avais adoré – et dont il réinterprète d’ailleurs ici le célèbre face-à-face avec une araignée. J’ai aussi pensé à Little Big Man (film d Arthur Penn de 1970 avec Dustin Hoffman, NDLR) où le personnage principal devenait humainement grand. Graphiquement par contre, j’ai beaucoup pensé aux premiers Lucky Luke de Morris lorsqu’il lorgnait encore vers l’animation, aux albums de Calvo, aux dessins animés de Walt Disney… J’ai voulu jouer de cette ambivalence entre la taille et la grandeur d’âme, et m’interroger: qu’est-ce qui fait la grandeur d’un homme? ».

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Zanzim en a aussi profité pour plonger son récit bourré d’humanité et de couleurs vives dans d’autres références personnelles qui lui tenaient à cœur, tels les films de Truffaut et en particulier L’Homme qui aimait les femmes, avec Charles Denner, dont l’ombre tutélaire semble flotter autour de Stanislas Rétif, de son rapport aux femmes et de ce Paris des sixties largement fantasmé, « une époque dont j’adore l’élégance et le design, très inspirant, tout en courbes et en dessins ». Une petite ombre qui s’ajoute à celle d’Hubert, « qui est toujours là sur un petit bout d’épaule, avec ses réflexions sur ma manière de faire. Avec Hubert, on s’était construit ensemble même si on était très différent. On a fait ensemble notre premier album à tous les deux (Les Yeux verts, chez Carabas, en 2002)  et on a forcément beaucoup déteint l’un sur l’autre. C’est lui par exemple qui m’avait appris qu’un personnage n’est pas fait d’une seule chose, qu’il faut un peu de complexité dans les personnages, gentils ou méchants ». À l’image de Stanislas Rétif, qui tombera bien bas avant de s’élever; « un personnage qui est, au début, aussi petit de taille que dans la tête, et  qui choisira d’abord de profiter de son sort et d’écouter ses bas instincts, avant de rebondir ».

Reste enfin cette thématique récurrente qui tenait tant à Hubert et qui hantait ses scénarios, sur la différence, l’altérité et les gens dits « anormaux ». Une thématique que Zanzim se réapproprie ici aussi avec beaucoup de charme, d’élégance et, forcément, de sensibilité. « Moi, petit, j’étais considéré comme différent parce que j’étais hypersensible, mais lui se sentait considéré comme un monstre à cause de son homosexualité; moi j’étais entouré de frères qui étaient mécaniciens auto, ce n’était pas très viril ni masculin de devenir artiste! Et puis comme Stanislas Rétif, je me suis senti petit au lycée, et je tombais toujours amoureux de femmes plus grandes que moi; il y a toujours des parallèles avec nos propres vies quand on écrit un scénario. Et sans tomber dans l’autobio, chaque livre est désormais pour moi comme une douce thérapie; c’est d’ailleurs ce qui nous lie tous dans l’atelier Pepe Martini, à Rennes (qui regroupe une dizaine de dessinateurs du cru dont le Pascal Jousselin de Imbattable, série qui transpire elle aussi la tendresse, NDLR): les tendres garçons, c’est nous!« . Quant à la suite, si Zanzim s’astreint désormais à commencer sa journée une heure plus tôt avec « une heure d’écriture sans dessin », et s’il hésite encore entre deux projets, il sait aussi que les plaies ne sont pas encore cicatrisées: « j’ai encore du mal à imaginer une collaboration avec un autre scénariste. Il me faudra un peu de temps, mais j’ai heureusement encore des choses à dire de mon coté ».

Grand petit homme ****, de Zanzim.

Glénat, 144 pages.

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